La teneur accusatrice du discours du trône du samedi 29 juillet 2017 a surpris tout le monde politique sauf, certainement, lesdits responsables les plus concernés. Ceux qui trempent dans les magouilles, les rentes, la corruption et autres savent qu’ils sont coupables. Mais ils profitent pleinement de l’immunité que leur confère le système d’impunité qui sévit dans notre pays et de l’absence de reddition des comptes.
Ce réquisitoire royal contre «la procrastination», la «passivité», l’absence de «reddition des comptes» et autres tares, ressemble comme une goutte d’eau au message du roi adressé aux Assises du sport national tenues à Skhirat le 24 octobre 2008. Une comparaison parmi d’autres relevées dans les deux interventions du roi.
Dans le discours du trône on trouve ce paragraphe: «Ces agissements et ces dysfonctionnements accréditent l’idée répandue chez l’ensemble des Marocains que la course aux postes est un moyen d’engranger les bénéfices de la rente ; ils résonnent comme des exemples d’abus d’autorité et de trafic d’influence». Neuf ans plus tôt le souverain avait dit la même chose au monde sportif : «Parmi les manifestations les plus criantes de ces dysfonctionnements dans le paysage sportif, l'on observe que le sport est en train de s'enliser dans l'improvisation et le pourrissement, et qu'il est soumis par des intrus à une exploitation honteuse pour des raisons bassement mercantilistes ou égoïstes.» En 2008 tout le monde avait applaudi et a jugé la lettre royale de franche, directe et pertinente exactement comme on l’a fait pour le discours du trône de cette année.
Le roi avait fait un diagnostic très inquiétant sur l’état de santé de notre sport. Il a notamment évoqué la mauvaise gouvernance, l’opacité des finances des clubs et des fédérations, le manque de transparence, l’immobilisme et l’absence d’alternance à la tête des associations sportives.
Eh bien, neuf ans plus tard rien n’a été fait, ou presque, sinon que les résultats de notre sport, toutes disciplines confondues, ont continué à flirter avec le zéro dans toutes les compétitions.
Les équipes nationales de football ont raté leurs sorties dans les compétitions internationales. L’athlétisme autrefois considéré comme une locomotive, traine dans les tréfonds du bas du classement. Quant aux autres disciplines, et si l’on en exclut la boxe, la plupart ne participent même pas ou font de la figuration.
Rien n’a changé dans l’opacité de la finance évoquée par le roi. Les comptes des fédérations, des clubs et des ligues continuent d’être truqués par des rapports financiers bidons et sans justificatifs. Voire, certains associations comme le CNOM et autres organisent leur assemblée générale à huis clos.
Normal que les dirigeants des clubs suivent l’exemple de la plus grande instance de notre sport. Aucun contrôle ni de la fédération, ni de la direction des impôts ou encore des donateurs institutionnels et autres sponsors. Résultat des courses, pour ne donner que l’exemple du Raja: des dizaines de millions de dirhams de déficit. Et comme pour enfoncer le clou dans la plaie de la magouille, un ancien dirigeant se permet même de virer l’argent du club sur son compte personnel.
Quant à l’alternance dans la gestion des associations sportives, elle demeure bel et bien une chimère. Nos dirigeants, «très motivés», s’accrochent à leur fauteuil comme un noyé à sa bouée de sauvetage. L’ex-président du CNOM a passé près d’un demi siècle à la tete de cette instance.
Abdeslam Ahizoune, le génie du Maroc qui occupe une dizaine de fonctions, a eu l’autre génie de confectionner le costume du règlement de la fédération à sa taille pour rempiler pour un troisième mandat. Il faut échouer pour perdurer. Le roi n’a-t-il pas dit dans son discours du trône : «Ce qui est surprenant, c’est que, parmi les responsables qui ont échoué dans leur mission, il y en ait certains qui pensent mériter une promotion !»
La cacophonie sévit dans toutes les disciplines et, pour boucler la boucle, de «l’immobilisme des mentalités… et carences en termes d’exécution et d’innovation», les responsables de notre sport n’arrivent même pas à mettre en oeuvre la loi 30/09 sur l’éducation physique et le sport, promulguée il y a sept ans.
Pour mettre fin à cette «traîtrise», le souverain opte pour la constitution: «Ici, Je mets l’accent sur la nécessité d’une application stricte des dispositions de l’alinéa 2 de l’Article premier de la Constitution, alinéa qui établit une corrélation entre responsabilité et reddition des comptes.» Encore faut-il trouver des responsables pour appliquer à la lettre les instructions royales. Ce qui n’est pas toujours évident eu égard à ce qui s'est passé à Al Hoceima et dans d'autres régions du royaume.