Sportivement, un duel au plus haut niveau.
Lionel Messi contre Cristiano Ronaldo, c'est quatre Ballons d'Or contre trois. Gareth Bale contre Neymar, c'est plus de 91 millions d'euros d'indemnité de transfert contre plus de 83 millions. Sergio Ramos contre Gerard Piqué, ce sont deux piliers de la sélection espagnole championne du monde 2010 qui s'affrontent. Difficile, dans les autres championnats nationaux, d'imaginer une affiche aussi alléchante sportivement: lauréats des deux dernières Ligues des champions, le Real (2014) et le Barça (2015) sont deux des meilleures équipes de la planète.
Et les joueurs ne s'y trompent pas: "Ce sont des matches qui nous excitent", a lancé Piqué début novembre. "Qui nous excitent, je ne sais pas, je ne suis jamais allé jusqu'à l'orgasme, mais presque!", a plaisanté Ramos en réponse.
Politiquement, un match lourd de symboles
Les deux clubs ont plus de 100 ans d'histoire commune, mais leur rivalité a surtout pris corps après la guerre civile qui a ensanglanté l'Espagne (1936-1939). "A partir des années 1950, surtout avec la question du transfert de Di Stéfano, la rivalité entre Barça et Real acquiert une composante politique", explique à l'AFP Carles Santacana, docteur en histoire contemporaine à l'Université de Barcelone.
Alfredo Di Stéfano aurait pu jouer à Barcelone mais c'est la "Maison blanche" qui s'attache le génial attaquant argentin, avec un coup de pouce de la fédération espagnole, dépendante du régime franquiste (1936-1975). Et l'antagonisme politique s'enracine entre le Barça, devenu un symbole catalan, et le Real, considéré comme la vitrine extérieure d'une Espagne en quête de respectabilité.
Ces dernières années, la poussée indépendantiste en Catalogne n'a fait qu'accentuer la rivalité: pour certains, c'est l'affrontement entre l'identité catalane et le centralisme madrilène.
Economiquement, une affiche très rentable
Monstres planétaires, Real et Barça figurent au sommet des clubs ayant le plus de revenus au monde: 549,5 millions d'euros pour Madrid (1er) sur la saison 2013-2014 et 484,6 millions d'euros pour Barcelone, 4e derrière Manchester United et le Bayern Munich, selon le cabinet Deloitte. "Economiquement, c'est plus qu'un match de football", explique à l'AFP José Maria Gay de Liébana, professeur d'économie à l'Université de Barcelone et spécialiste du sport espagnol. L'économiste souligne que la Liga génère, selon certaines estimations, 10 à 15 milliards d'euros de revenus, soit 1 à 1,5% du PIB espagnol, et il évalue les revenus directs et indirects générés par le seul clasico à "plusieurs centaines de millions d'euros".
Quid d'une Liga sans clasico, menace brandie par les autorités de Madrid en cas d'indépendance catalane? "La Liga perdrait de sa valeur, elle serait totalement dénaturée. Le clasico, c'est 50% de la Liga", prévient José Maria Gay de Liébana.
Culturellement, un choc qui fige l'Espagne
Samedi en fin d'après-midi, Madrid sera une ville morte. Barcelone aussi. Personne dans les rues, tout le monde au stade ou devant sa télévision. C'est l'effet clasico: "Il m'est arrivé de me déplacer dans Barcelone ou Madrid pendant un match et tout était désert. Tout le pays est paralysé", raconte José Maria Gay de Liébana. "Ce match transcende les gens, même ceux qui d'habitude ne suivent pas le football", abonde Carles Santacana.
Bref, le clasico est un moment de communion qui mobilise toute l'Espagne, comme peuvent l'être des fêtes religieuses (l'Epiphanie en janvier, la Semaine Sainte à Pâques), des événements festifs liés à la famille royale ou bien des traditions annuelles bien ancrées comme la loterie de Noël ("El Gordo").
Mondialement, un rendez-vous très suivi
Avec le clasico, la Liga se targue d'organiser le match de clubs le plus regardé au monde: quelque 500 millions de téléspectateurs au moins assisteront à la rencontre, soit plus de 10 fois la population espagnole! Lors du dernier clasico, en mars, plus de 800 journalistes et techniciens de 35 pays différents étaient accrédités. Et les deux clubs comptent des millions de supporteurs sur les réseaux sociaux.
Il faut dire que sur le terrain, de multiples nationalités seront représentées: Argentine, Brésil, Uruguay, Colombie, Portugal, France, Croatie... Des stars planétaires qui feront samedi de l'Espagne le centre névralgique du football mondial.