Entretien. Tariq Panja du New York Times: «Le Maroc peut créer la surprise»

Tariq Panja: Le Maroc en est à sa cinquième candidature pour organiser un Mondial et sait très bien comment préparer son dossier. Jusqu’à présent, on ne sait pas grand chose sur ses projets pour 2026. Il va falloir attendre pour juger sur pièce. Il serait important de savoir comment le Maroc compte organiser seul une Coupe du Monde à 48 équipes, car cela suppose l’aménagement et la construction de 14 à 15 stades aux normes FIFA.

Que pensez vous des infrastructures actuelles du Maroc? Combien de stades avez-vous visités?

Je tiens à préciser que je suis un fan du Maroc. Je suis venu plusieurs fois en tant que touriste et j’ai vu le pays se développer. Le réseau routier s'étend de plus en plus. En ce qui concerne les stades, je n’ai visité que le complexe sportif Mohammed V de Casablanca. C’est un terrain opérationnel, mais il aura besoin de beaucoup de travail pour être en phase avec les normes FIFA. Les règlements sont stricts, surtout concernant les places réservées aux journalistes et au dispositif de retransmission télé.

Comment la politique controversée de Donald Trump peut-elle impacter la candidature des États-Unis?

Les stades déjà existants et les infrastuctures (hotelières et routières) favorisent la candidature nord-américaine. Mais il faudra davantage convaincre les électeurs au sein de la FIFA. Toutefois, les déclarations du président américain ont provoqué la colère de plusieurs fédérations. Je fais ici allusion aux mesures d’interdiction de voyager aux Etats-Unis pour des ressortissants de pays musulmans, ou encore les propos humiliants ou insultants, voire racistes, du président de la première puissance mondiale. Cela pourrait nuire à la candidature américaine. J’ai rencontré plusieurs présidents de fédérations, dont celui des îles Comores, qui m'a affirmé que les pays africains seront solidaires entre eux et que les propos insultants de Trump affecteront la candidature américaine.

Donald Trump veut construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique, n'est-ce pas contradictoire avec l'idée d'une candidature commune?

Effectivement, c’est une question ironique. D’un côté, on parle d’un mur qui sépare les deux pays et de l’autre côté il y a cette organisation conjointe avec le Mexique et le Canada. Mais au moment du vote du 13 juin prochain, cette idée de mur peut jouer un mauvais tour à la candidature nord-américaine.

Dans votre article vous estimez que la candidature marocaine est peu médiatisée, voire ignorée par le grand public...

Beaucoup de monde ignorait que le Maroc comptait organiser la Coupe du Monde. Mais cela s’explique par le peu d’informations divulguées sur le dossier marocain jusqu’à présent (entretien réalisé après la conférence de presse Maroc 2026, ndlr). Néanmoins, j’ai ressenti, partout où j’allais, que le Maroc est vu comme une nation de football. Tous ceux qui étaient au courant de sa candidature et que j’ai rencontré étaient totalement excités et confiants à l’idée que le Maroc puisse accueillir cet événement planétaire.

À votre avis, le Maroc peut-il gagner cette élection?

Vu la nature du système de vote et contrairement à ce que certains croient, la candidature marocaine pourrait être plus compétitive. Si le Maroc passe les tests FIFA en avril, il peut créer la surprise au moment du vote. Le Qatar l’a bien fait pour le Mondial 2022 donc tout est possible.
Le système de vote a changé ce n’est pas les sponsors ou les joueurs qui choisissent le pays hôte. Nous allons entrer dans un système où tous les présidents de fédérations votent (et plus seulement les 24 membres du comité exécutif, ndlr). Cela veut dire que d’autres facteurs seront décisifs, notamment les politiques régionales et mondiales.
Mais la question qui doit être posée est celle de savoir si le Maroc ou n’importe quel autre pays peut organiser seul une Coupe du Monde à 48 pays? C’est le réel enjeu de ce Mondial 2026, puisque cela nécessite un travail massif et beaucoup d’investissements en infrastructures sportives.