Exclu360. Ouaddou et la CAN: "de l'émotion garantie à vie"

En quoi la CAN est-elle différente des autres compétitions auxquels vous avez participé?
Sur un plan purement technico-tactique il ne faudra pas s'attendre à de grands bouleversements par rapport aux CAN que j'ai disputées, puisque nous aurons dans la plupart des cas toujours des équipes bien organisées en 4-3-3, 4-4-2, voir 3-5-2 avec une volonté de bien défendre dans un premier temps et procéder en attaque rapide, notamment grâce à des attaquants ultra rapides sur les côtés.

Avec pas mal de sélectionneurs étrangers, les équipes africaines se sont disciplinées tactiquement, ce qui est positif d'un côté, mais d'un autre nous avons perdu en terme de spontanéité et de folie ce qui faisait le charme de ce football et qui était en adéquation avec ce qu'aimait voir le public il y a 2 décennies.

Que pensez-vous du format à 24 équipes?
Comme pour le mondial à 48 équipes, j'ai été un partisan de cette réforme. Je suis pour la formule à 24 car j'estime tout simplement que le football est le sport le plus populaire au monde, et doit donc s'ouvrir et servir ses amoureux et ainsi réaliser le rêve de plusieurs nations. Sur un plan purement économique, cette nouvelle formule permet de négocier à la hausse les droits TV, qui serviront au développement et à la structuration du football africain.

Faut-il s'attendre à une baisse de niveau?
Oui Forcément, mais on doit aller plus loin que ces considérations, nous devons avoir une pensée humaniste, un esprit d'ouverture et de solidarité, principes même de notre sport. Même si encore une fois, on ne peut faire plaisir à tout les pays. Cela doit rester avant tout un écosystème mondial d'échanges interculturels autour du spectacle.

Les fortes températures vont-elles avoir une incidence significative sur les performances?
Obligatoirement, les études menées par les services de Santé de la Fifa pour le mondial 2022 au Qatar, valent aussi bien pour cette CAN en Égypte car les températures avoisineront 45 degrés voir plus, la différence avec le Qatar sera le taux d'humidité. Il y aura donc une altération du niveau général.

Même si les CAN en Égypte ont toujours été très bien organisées , avec de très belles installations et terrains, à mon sens il aurait été plus judicieux de confier cette édition à l'Afrique du Sud pour des raisons climatiques à cette période de l'année.

Quelles sont vos attentes en terme de spectacle?
J'aimerais que l'on assiste à du jeu, et non pas à des blocs compacts procédant seulement en attaques rapides. Le prototype du joueur africain est complet, il allie plusieurs qualités notamment d'explosivité, de créativité, d'intelligence de jeu également en plus de qualités athlétiques impressionnantes. Alors place au jeu et non à des autocars garés devant les surfaces de réparation.

Qui sont vos favoris et pourquoi?
Sans conteste Le Maroc, Le Sénégal, L'Algérie et l'Égypte. Tout simplement parce que ces équipes ont toutes au moins un joueur champion ou finaliste d'une compétition ou d'un championnat majeurs. Ce sont des joueurs de classe internationale et croyez moi ça compte. Hakim Ziyech est demi-finaliste de la Ligue des Champions et a gagné le championnat néerlandais avec l'Ajax Amsterdam. le Sénégalais Sadio Mané et son coéquipier Égyptien Mohamed Salah ont remporté la Ligue des Champions avec Liverpool. L'Algérien Mahrez est champion d'Angleterre avec Manchester City. Ces équipes comptent, au-delà des stars, des effectifs complets et homogènes et des sélectionneurs de haut niveau.

Parlez-nous du contexte en Égypte, vous qui y avez disputé une Coupe d’Afrique...
C'est tout d'abord un peuple extraordinaire, fier, chauvin limite nationaliste, ils aiment leur pays et sont mordus du football. Le palmarès de leur sélection nationale et de leurs clubs le prouve. Je souhaite à tous joueurs de jouer dans le stade international du Caire avec une influence de 125 000 personnes, sans compter les 15000 refoulés. Lorsque vous jouez contre l'Égypte avec tout un peuple derrière, c'est de l'émotion garantie à vie. Ce n'est pas une cocotte minute, mais un volcan en ébullition.

La VAR sera utilisée à partir des 1/4 de finale, qu’en pensez-vous?
Si je me réfère à l'article 165 du traité du sport ratifié à Lisbonne visant à développer la dimension du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives, je dois dire qu'on en est loin. C'est même limite en terme de respect pour les équipes qui subiront certainement des injustices. Mais je ne suis surpris des incohérences, surtout lorsque l'on se réfère à la dernière finale de la Ligue des Champions entre l'Espérance et le WAC. Cette finale est désastreuse pour l'image du football africain. Elle à l'image des personnes qui gouvernent dans les clubs. D'ailleurs la CAF devrait mettre en place des formations internationales pour les clubs de ses fédérations membres, il ne suffit pas de former des joueurs, il faut aussi former des dirigeants.

Un mot sur l’arbitrage en Afrique, qui n’a pas brillé ces dernières mois...
J'ai dernièrement critiqué l'arbitrage très partiel envers le Maroc contre les Comores (penalty généreux accordé dans le temps additionnel, ndlr). Certains "footix" m'ont traité de "traître à la nation" arguant que pendant des décennies le Maroc avait subi lui aussi des décisions arbitrales. En effet il n'ont pas tort, car ma génération fut parmi les victimes, puisque nous aurions dû nous qualifier pour un mondial.

Je dis tout simplement que pour ne pas être l'arroseur arrosé, on doit être exemplaire surtout au vu de la politique du gouvernement marocain menée sur le continent africain depuis plusieurs années. Attention à ne pas abîmer de solides relations tissées avec nos pays amis de l'Afrique sub-saharienne pour une histoire d'influence stratégique au sein de la CAF. Le football reste un outil diplomatique, il ne doit pas venir entacher l'entente cordiale entre pays africains.