Exclu360. Renard révèle pourquoi il quitte le Maroc

Saad Aouidy

Dans cet entretien exclusif, Hervé Renard se livre comme rarement. Pourquoi quitte-t-il le Maroc? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné à la CAN? Où va-t-il rebondir? Quid de l'affaire Hamdallah? Découvrez les réponses de l'ex-sélectionneur des Lions de l'Atlas.

Le 27/07/2019 à 13h26

Avant de se plonger dans de nouvelles aventures, Hervé Renard nous explique pourquoi il a décidé de quitter le Maroc dès la Coupe du Monde 2018 et s'explique sur l'échec de la CAN 2019. Le sélectionneur fait aussi son autocritique et réagit à l'affaire Hamdallah:

Quelle analyse faites-vous du parcours des Lions en Égypte?


"Notre parcours a été très très moyen au niveau du résultat parce qu’il n’y a que ça qui compte. On finit la phase de poules avec 9 points, un première place comme en 2017, et dans un groupe relevé. En huitième de finale on a la balle de match et patatra. On rentre à la maison".

Comment expliquer cet échec?


"Deux paramètres ont pesé énormément. La difficulté à avoir la même fraîcheur physique en jouant deux matches à 18 heures en pleine chaleur. On a eu du mal à répéter les efforts notamment dans le pressing qui est notre première caractéristique pour déranger les adversaires. Contre le Bénin, on savait qu’il fallait passer plus par les côtés on l’a travaillé à la vidéo. Quand les joueurs ne trouvent pas la solution il faut une éclaircie. Quand Boufal est rentré c’était mieux. Après il a une balle pour faire le break mais sa tête passe au dessus et puis il y a ce pénalty… on a eu des occasions de gagner. Si on est plus réalistes on oublie tout".

Étiez-vous pleinement conscient du manque d'efficacité de votre équipe?


"Ça a été un problème récurrent. Ce n'est pas seulement le problème des Lions, c’est le problème de toutes les équipes qui veulent devenir de très grandes équipes. Il faut être efficace. Celles qui ne le sont pas sont toujours sanctionnées à un moment donné. Quand on ne marque pas on est puni".

Dans ce cas fallait-il remplacer Hamdallah par un autre attaquant dans les 23?


"J’estimais qu’avec En Nesyri et Boutaïb on avait de quoi faire la compétition. J’étais persuadé que Boutaïb irait mieux, mais ça n’a pas été le cas. Même avec un autre attaquant ça n’aurait pas forcément changé les choses. Ça fait pas mal de temps qu’il y a un problème dans ce secteur". 

Vous ne vous êtes jamais exprimé sur cette affaire Hamdallah...


"Ce n’est pas à moi qu’il faut demander. Je ne le connaissais pas spécialement. Ce groupe a toujours bien vécu donc bon… il faut se poser la question. Il a joué avec certains joueurs avant, peut être qu’il y a des antécédents… C’était la première fois que je l’avais en sélection. Cette affaire a un peu bouleversé le groupe mais s’est vite passé".

Vous avez essayer de le convaincre de rester?


"Je ne pouvais plus intervenir il avait pris sa décision. Je l’ai vu sur le parking de Maâmoura, il lm’a dit qu’il ne se sentait pas bien et qu’il voulait partir… Je ne vais pas le condamner ça s’est passé c’est malheureux mais c’est comme ça".

Ziyech était très attendu dans cette CAN et il a déçu comment l'expliquez-vous ?


"L’entraîneur est là pour évoluer la saison que vient de faire le joueur, le temps de jeu, le nombre de matches importants qu’il a disputés. Sa préparation doit être faite en conséquence. Il y a aussi l’aspect mental. Tout ça c’est de ma responsabilité. Si Hakim n’a pas été au top c’est aussi parce que je n’ai pas bien géré certaines choses. Il aurait pu nous apporter plus mais je n’ai pas bien maîtrisé son cas particulier".

Qu'est ce qui a réellement motivé votre décision de quitter le Maroc?


"J’ai voulu partir après la Coupe du Monde parce que j’estimais qu’on avait atteint le maximum en terme de qualité de jeu. Bien sûr ça ne s’est pas traduit par une qualification pour le deuxième tour mais au niveau des prestations ça a été remarquable, dans un groupe où figurait le futur vainqueur de la Ligue des Nations et un champion du Monde. Je me suis dit que ça allait être difficile de tirer encore plus de cette équipe. On avait atteint le maximum de notre potentiel. Quand on atteint son maximum on sait que ça ne pourra pas être aussi bien après. C’est ce que j’ai ressenti".

Mais vous êtes resté quand même...


J’en ai fait part à ma hiérarchie qui m’a demandé de continuer. J’ai accepté. On s’est mis d’accord pour un départ après la CAN. J’ai refusé toute augmentation de salaire car ce n'était pas le sens de ma démarche.

Quelle a été votre plus grosse erreur en trois ans et demi?


"J’ai fait confiance à des gens, staff et joueurs compris, jusqu’au bout, alors qu’il s’est passé des choses ces derniers mois et j’aurai peut être dû prendre des décisions fortes. Elles auraient peut être été mal perçues mais je n’ai pas su les prendre".

En disant cela vous visez vos adjoints?


"Je n’en dirais pas plus… j’aurais dû prendre certaines mesures très fortes pour rétablir l’ordre".

Pourquoi ne pas l’avoir fait?


"Parce que je ne me suis pas senti capable d’interrompre le cycle. On avait  vécu tellement de choses que j’ai considéré qu’il fallait aller au bout ensemble quels que soient les problèmes rencontrés. Quelque part je ne le regrette pas ça fait partie de ma personnalité. Ça aurait été inhumain, et pour moi être inhumain c’est difficile".

Vous diriez qu’Hadji et Beaumelle avaient envie d’être "calife à la place du calife"?


"Ce n'est pas ça non… l’institution leur a donné trop d’importance. C’est à moi avant chaque stage, chaque complétion, de décider de tout. Si quelque chose n’est pas maîtrisé c’est moi le responsable. J’ai manqué d’autorité".

Vous aller quitter le continent...


(il coupe) "Mais je reviendrais. Avant la fin de ma carrière j’ai envie d’essayer de remporter une troisième Coupe d’Afrique des Nations".

Avec le Maroc?


"Je ne suis pas devin je n’ai pas de boule de cristal je ne peux pas savoir avec qui ce sera. Dans la vie il ne faut jamais dire jamais".

Donc la porte reste ouverte...


"Moi je pars la tête très haute du Maroc. Sincèrement les gens ont été magnifiques avec moi. C’est un des plus beaux moments de ma carrière ce passage au Maroc en terme de reconnaissance, de chaleur humaine".

Quelle est votre prochaine destination?


"J’ai une décision importante à prendre en début de semaine. Sur le continent asiatique des clubs et des sélections me sollicitent. Il me faut faire un choix".

Vous êtes pressenti en Arabie saoudite...


"C'est une option. Une décision comme ça ne se prend pas en 48 heures. Attendez ma décision en début de semaine prochaine. J’ai encore quelques heures pour bien réfléchir. J’ai plusieurs offres. Je vais devoir me prononcer entre un club et une sélection. Je donnerai ma réponse lundi soir, et l’annonce sera faite mardi".

Vos agents vous conseillent quoi, un club ou une sélection?


"Déjà, contrairement à ce qui se raconte, mes agents ne m’ont jamais incité à quitter le Maroc. Ils ont simplement écouté ce que je leur disais. Ils m’ont toujours défendu. On a aucun contrat signé ensemble, simplement un respect mutuel depuis le début. Certains les prennent comme boucs émissaires de mon départ mais le seul responsable de cette décision c’est moi. Je suis seul à choisir l’orientation de ma carrière. Une fois que j’ai décidé on discute ensemble mais ils m’ont toujours écouté. Ça leur a parfois causé du tort je m’en excuse auprès d’eux. Je veux que tout le monde sache que j’ai décidé seul de partir. Non pas parce que je n’étais pas bien au Maroc, mais dans l’évaluation de mon plan de carrière, il était temps de partir".


Par Le360 Sport
Le 27/07/2019 à 13h26