Maroc 2026: un mensonge gros comme le monde arabe

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Sept pays arabes sur 22 ont voté en faveur du dossier américain pour l’organisation de la Coupe du Monde en 2026. Peut-on donc continuer de parler de monde arabe?

Le 13/06/2018 à 16h29, mis à jour le 14/06/2018 à 15h52

Ils sont au nombre de 22 pays, et ne jurent (en théorie) que par les liens de sang, de la langue, d’une histoire et d’une géographie commune. Devant les caméras et à chaque occasion publique, ils certifient à qui veut l’entendre que l’unité et la solidarité passent avant tout et que rien ne vaut la fraternité devant les unir. Ils, ce sont les pays arabes. Mais le vote, qui s’est tenu aujourd’hui à Moscou pour désigner le pays organisateur de la Coupe du monde 2026 et qui a donné le trio Etats-Unis-Canada-Mexique largement gagnant au détriment du Maroc, a de nouveau apporté la preuve qu’il ne s’agit là que de belles paroles. La réalité est autre, la vérité ailleurs. Et une lecture du tableau des votes des pays arabes en donne la pleine mesure.

Un chiffre suffit: sept pays arabes frères, et non des moindres, ont voté pour United 2026. Il s’agit de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis, du Koweït, du Bahreïn, de l’Irak, de la Jordanie et du Liban. Autant dire que hormis le Qatar, la Syrie et l’Égypte, c’est tout le Moyen-Orient et le Golfe qui ont retourné leur gandoura (dishdash dans leur jargon local).

Si les pays du Maghreb (Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie) ont été naturellement unanimes à soutenir le Maroc, la belle surprise a émané de pays comme le Qatar, le Sultanat d’Oman et l’Égypte, ayant pourtant des liens très solides avec les États-Unis, mais aussi d’ États comme la Somalie, le Djibouti, le Yémen, les Comores, la Syrie ou la Palestine.

Reste le rôle on ne peut plus contre-productif qu’ont pu jouer d’autres pays, comme l’Arabie saoudite qui non seulement n’a pas voté pour le Maroc, mais a mis la pression sur nombre d’autres pays pour les convaincre d’opter pour le parrain militaire, industriel et politique américain. Ce n’est donc pas un hasard si toute la région a suivi, sous l’influence régionale terrible de la première réserve pétrolière au monde. N’est-ce d’ailleurs pas un certain Turki Al-Cheikh, patron du football saoudien, qui a mené tambour battant campagne en faveur du dossier américain?


Dès mars dernier, l’homme, qui est aussi un conseiller du prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane, n’a pas caché ses intentions: “l’amitié et la fraternité ont beaucoup nui aux Saoudiens et la bonté consiste, aujourd’hui, à privilégier d’abord les intérêts de la nation qui sont au-dessus de toutes autres considérations”. “Ce qui m’intéresse, c’est que le Mondial 2026 se passe dans les meilleures conditions”, a-t-il dit. Avant d’enfoncer le clou: “En tant que président de l’Union arabe de football, je suis en train d’étudier le meilleur choix entre la candidature de l’Amérique et celle du Maroc. Dans tous les cas, notre voix sera accordée aux intérêts de l’Arabie saoudite et non pas pour autre chose”.

Une posture qui en a étonné plus d’un au sein de l’opinion publique de ces pays. Sitôt le soutien du sien exprimé à United 2026, Walid al-Tabtanai, député koweïtien, a déclaré avoir l’intention de saisir le Parlement pour exiger des explications à un tel alignement.

Le résultat, on l’a bien vu. Reste la consolation que, votes de pays arabes ou pas, le Maroc, loin derrière United avec seulement 65 voix contre 135, n’aurait jamais pu obtenir l’organisation de la Coupe du monde. Des failles dans le dossier marocain étaient visibles et le trio nord-américain, malgré les atouts du Royaume, constituait une véritable machine de guerre.

Par Youssef Bellarbi
Le 13/06/2018 à 16h29, mis à jour le 14/06/2018 à 15h52