“Dieu merci qu'on n'en vienne pas à se donner des coups de poing ou autre chose! On se chamaille beaucoup, on s'insulte beaucoup, mais une heure après le match on oublie tout et on redevient amis”, glisse Abdelmalek, 57 ans. Il a délaissé son costume de PDG d'une entreprise d'événementiel basée à Tanger pour un jogging aux couleurs du Real Madrid, son “équipe de coeur”.
S'il ne présentait aucun enjeu comptable en Liga pour la première fois depuis 2008, la polémique du “pasillo”, traditionnelle haie d'honneur offerte à un club récemment champion par son adversaire au match suivant, et qui n'a pas été respectée par le Barça selon les pro-Real, a suffi à raviver les braises d'une rivalité incendiaire depuis plus d'un siècle.
“Zidane m'a soulagé avec le pasillo! Cela faisait trois mois que je n'étais pas bien avec cette histoire, c'était une humiliation. Il a pris la bonne décision!”, salue Abdelmalek. Nul doute que le match nul (2-2) dimanche entre les deux géants espagnols, avec un but chacun pour les idoles Messi et Ronaldo, va épargner quelques visites aux urgences et autres disputes interminables sur des faits de jeu.
De Casablanca à Kenitra, on ne compte plus les enseignes portant les noms “Real Café” ou simplement “Barcelona”, qui tentent de surfer sur l'incroyable engouement des Marocains pour les caïds de la Liga. Pour comprendre une telle passion extrême, à 1200 km du Camp Nou, théâtre du dernier Clasico de la saison, il suffit de prendre la direction de Tanger, au Nord du royaume.
Ici, à quelques encablures du détroit de Gibraltar, on parle de “gol”, “campo” ou “partido” pour évoquer un but, le terrain ou le match de foot. La langue du sport-roi n'est ni l'arabe dialectal, ni le français, mais bien l'espagnol! Et mieux vaut réserver assez tôt sa chaise devant la télé d'un café pour ne pas manquer un but.
Nidal, “supporter du Barça depuis la naissance”, n'a pas ce genre de souci. Dans le local tangérois de la “penya” de Chaouen (groupe officiel de supporters du Barça), le banquier de 42 ans est confortablement installé avec ses amis devant un rétro-projecteur géant, avec sur les murs des maillots de Messi encadrés.
“On se voit quasiment ici toutes les semaines, pour voir les matches de Liga, de Copa ou de Champions League. On organise aussi un tournoi annuel entre les penyes du Maroc, et des voyages à Barcelone pour aller au Camp Nou”, ajoute-t-il, entre deux cris d'encouragement pour la bande à Iniesta.
Avec 10 peñas contre 8, mais aussi une école de foot lancée par sa fondation en partenariat avec l'association Cervantes, le Real Madrid garde, à Tanger, une longueur d'avance face au Barça.
“Le Nord du Maroc a été colonisé pendant des dizaines d'années par les Espagnols, rappelle Abdelmalek. Et durant les années 1970-1980, on captait beaucoup plus la TV espagnole que marocaine, donc on suivait beaucoup plus le championnat espagnol que marocain. C'est à partir de là que les jeunes de l'époque ont suivi de plus près une équipe ou une autre”.
Il compte, à son tour, fonder sa propre peña madrilène la saison prochaine. La passion marocaine pour le Clasico n'est pas prête de s'éteindre!