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Tribune. Il était une fois une légende: Petchou, seigneur des Rajaouis... Et des Wydadis

Mustapha Chokri Alias Pitchou transféré du Raja au Wydad à l'intersaison 1979. © Copyright : Le360
Mustapha Choukri, dit Petchou, est mort le 22 janvier 1980 en Arabie saoudite, dans des circonstances floues. La vie de cet immense footballeur fut tumultueuse, et marquera à jamais l'histoire des deux clubs casablancais, «frères ennemis», qu'il avait réunis, le temps d'un deuil. Voici sa légende.
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Alors qu'en ce moment même, et plus que jamais, les états-majors du Raja et du Wydad se livrent à un combat de coqs, il serait bon de rappeler aux uns et aux autres les hauts faits d'un grand footballeur, qui, voici plus de 40 ans, avait réussi à porter les couleurs des deux grandes équipes de la métropole économique du royaume. Et qui avait réussi, aussi, ce fait improbable: réunir ces deux familles.
 
Petchou s'était ensuite exilé vers des terres lointaines (trop lointaines pour cet homme attaché à sa terre natale, son derb, ses amis), non sans susciter controverse et polémique. Mais sa mort soudaine avait entraîné une grande émotion, associant Rajaouis et Wydadis autour d’un même deuil, d'un chagrin commun. 
 
Feu Mustapha Choukri fut en effet le premier (ou l’un des tout premiers) grands joueurs du Raja à rejoindre le «frère ennemi» qu’est le Wydad.
 
Né en 1947, dans le quartier populaire de Derb Sultan, fief du Raja, il fut, naturellement, dès son enfance, un Rajaoui.
 
Après ses débuts avec les juniors de l'équipe des verts, il a évolué dans l’équipe première. Il avait alors 20 ans, et il lui fallut peu de temps pour en devenir un des éléments incontournables. En cette année 1967, il avait d'ailleurs remporté, avec les Verts, la Coupe du Trône contre le Mouloudia d’Oujda.
 
Petchou était cependant mal à l’aise au Raja, et passait par des moments très difficiles. Feu Hamid Hazzaz, défunt gardien du MAS de Fès, mais aussi de l’équipe nationale, raconte dans un documentaire: «un jour, alors que nous jouions un match important, Petchou m’a demandé au moment où nous rentrions au stade: "on joue contre qui ?"»
 
Il fallut alors l’intervention, et le sens de la finesse de feu Abderrazak Mekouar, alors dirigeant du WAC, pour convaincre Petchou de rejoindre les Wydadis. Mekouar, en plus de diriger le WAC, était alors l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas. Ce fut d'ailleurs lui qui exposa, devant la Cour internationale de justice de La Haye, en 1975, les raisons pour lesquelles le Sahara est une terre marocaine.
 
Mis à part son rôle prépondérant de diplomate, feu Abderrazak Mekouar avait aussi su faire rallier Petchou à la cause du WAC. Et l'ambassadeur mordu de foot ne s’y était pas trompé, puisque les Rouges de Casablanca allaient ensuite enchaîner les victoires. Jugez-en plutôt: le WAC a été le vainqueur de trois championnats de suite (1976, 1977 et 1978), a remporté deux Coupes du Trône (1978 et 1979) ainsi que la Coupe Mohammed V (1979).
 
Mais Petchou n’était toujours pas bien sa peau, ni même dans ses baskets, comme le déclara d'ailleurs Abderrazak Mekouar peu avant son décès.
 
Al Wehda Club d’Arabie saoudite lui fit alors une proposition qu'il ne pouvait refuser. Nous étions en 1979, et Petchou reviendra dans son Maroc natal dans un cercueil.
 
A ce jour, les circonstances exactes du décès de feu Mustapha Choukri n'ont jamais pu être élucidées.
 
Ses fans l'appelaient «Petchou», mais peu savent d’où lui venait ce surnom. Le père de Petchou était lui-même un grand footballeur, et avait évolué dans l'équipe du Racing Athletic Club (RAC), à une époque, pas si lointaine, où dans ce club jouaient des juifs, des chrétiens, des musulmans, unis par la passion du football. C’est sans doute là une première dans l’Histoire, qui mériterait d'y revenir plus longuement.
 
Pour signifier à ce jeune footballeur, encore enfant, qui venait jouer au RAC avec son père, une grande admiration, les joueurs l’appelaient affectueusement «Petit Chou», ensuite contracté en Petchou, un surnom qui lui aura collé à la peau. 
 
Mais Mustapha Choukri, alias «Petchou», on l’appelait aussi «Al Aâwd» (le Cheval), pour ses qualités d'athlète.
 
Et bien que sportif dans l'âme, il avait traîné son mal-être de stade en stade, et la cause essentielle de celui-ci est connue de ses proches -ses demi-frères pourraient d'ailleurs en témoigner. 
 
Jamais, en effet, un sportif marocain n’aura traîné son spleen comme Petchou. Ce qui ne l'empêchait nullement d'être très généreux. Quand il touchait ses primes, il en donnait une partie à sa famille, il en distribuait une autre à ses voisins, parmi les plus nécessiteux, et il allait ensuite faire la fête avec ce qu'il restait. Et dès le lendemain, il se retrouvait sans un sou.
 
Ainsi était Petchou. Le footballeur qui divisa si fort Rajaouis et Wydadis, mais qui les réunit à son décès, le temps d'un deuil. 

Par Abdelkader El-Aine
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