En Bundesliga, Leverkusen est en train de devenir champion d’Allemagne, au nez et à la barbe du Bayern Munich. C’est un miracle car Leverkusen était surnommé Neverkusen, c’est-à-dire le club qui n’a jamais gagné le championnat. Toujours bien placé, et toujours coiffé au poteau.
La plupart des grands championnats d’Europe ont connu ce phénomène, quand un club inattendu renverse l’ordre établi. En Angleterre, il y a eu Leicester. En France, on a vu Lille et surtout Montpellier. En Espagne, jusqu’à une époque récente, La Corogne regardait le Real et le Barça dans les yeux, et Villarreal allait jusqu’en demi-finale de C1.
Et au Maroc? La dernière fois qu’un «Neverkusen» est monté sur le toit de la Botola, c’était avec le MAT, double champion en 2012 et 2014. Il y a eu Tanger aussi, champion en 2018, mais un peu par défaut, avec un bilan statistique assez faible (nombre de points et de buts marqués).
Tétouan, c’est le bon exemple. Mais, derrière ses deux titres, le MAT est redevenu un club Lambda, faisant un séjour en Botola 2 et jouant, depuis, le maintien.
La parenthèse enchantée du MAT a surtout été le fait d’un président, Abroun, qui faisait office d’homme-orchestre. Le club avait gagné des titres, mais sans réellement changer de dimension. Sans son homme fort, parti, le MAT a retrouvé sa dimension initiale de club du milieu de tableau.
Le modèle du MAT rejoint celui d’autres clubs qui ont, à un moment donné, quitté l’anonymat mais en liant leur succès à celui d’un homme, pas d’un système. On se souvient, aujourd’hui encore, du MCO de Belhachemi, du TAS de Zaouli ou du KAC de Doumou. Dès le départ de ces hommes, ces clubs sont retombés dans l’anonymat. Alors qu’on ne compte pas les grands joueurs sortis des rues de Kénitra, Oujda ou du Hay Mohammedi.
Le modèle de l’homme fort peut-il se fondre dans la démocratie, c’est-à-dire à l’intérieur d’une institution forte? Dans certains clubs, comme les géants de Casablanca, oui. Mais difficilement. Après l’écroulement de son président, Said Naciri, le Wydad avance avec la cadence d’un relégable. Quand au Raja, il collectionne davantage les présidents que les titres, sur les 10 dernières années.
Le modèle Neverkusen, celui d’un club qui ne gagne jamais mais qui repose sur une solide organisation et un top management, n’est pas très courant au Maroc. C’est dommage parce que ce modèle peut, quand il repose sur des bases saines, apporter un vrai bol d’oxygène.
Alors on a Berkane (qu’il faut féliciter pour sa qualification hitchcockienne hier soir pour les demi-finales de la C3), qui attend encore son premier sacre en Botola. En termes de gestion rationnelle, les hommes de l’Oriental ont des arguments. Mais pas autant que les trois clubs de Rabat, chacun dans leur genre.
Plus que le FUS et les FAR, qui ont déjà tout gagné, la surprise viendra un jour, peut-être, de Touarga. Un club discret, bosseur, qui est en train de s’installer dans le football d’élite. Pourrait-il nous faire une Neverkusen? C’est tout le mal qu’on lui souhaite.