Botola Pro Inwi: le football en mode faits divers

La semaine dernière a été riche en événements ou en soubresauts dans le microcosme du football marocain. Malheureusement, ils n’ont aucun rapport avec les buts d’anthologie, les exploits et autres gestes de fair-play. Au contraire, les dirigeants, les entraineurs, les joueurs et les supporters ont tous occupé la page faits divers de l’actualité, pour le plus grand bonheur des fans du buzz, à l’affût de «clashs», mettant au jour la triste réalité du football à l’échelle locale.

Le 26/12/2024 à 16h09

Bienvenue dans un nouvel épisode du football des contrastes et des paradoxes. En début de semaine, le New York Times a consacré un article élogieux, à travers sa parution «The Athletic», où il a mis en avant le Maroc en tant que «superpuissance émergente du football». Ce reportage a mis en valeur les avancées du Royaume en termes d’infrastructures, de détection des talents ou encore en termes de performances, à l’image de l’épopée du Mondial 2022. Cette position de choix a été consolidée davantage par l’annonce de l’établissement d’un siège permanent du Bureau Afrique de la FIFA, qui s’installera à Rabat.

Malheureusement, le soft power marocain, qui le place à un rang avancé sur l’échiquier continental et mondial, est neutralisé par des pratiques d’un autre temps, nuisant à la réputation d’un football, qui a gagné avec mérite, sa place dans la cour des grands. Commençons par les chamailleries, qui opposent régulièrement les clubs historiques du football national. Le dernier clasico entre l’AS FAR et le Wydad a offert un beau spectacle sur le terrain. Mais au lieu de faire l’objet d’analyse techniques d’une belle opposition entre deux clubs historiques, le match a défrayé la chronique, en raison du comportement déplorable de quelques énergumènes, apparentés au club rbati. Ces derniers ont bombardé le stade de projectiles en tous genres, poussant l’entraineur sud-africain du WAC à exposer, en pleine conférence de presse, une «pièce à conviction», qui a réactions et guéguerres par réseaux sociaux interposés.

La télénovela s’est poursuivie avec des épisodes «back to back». Le petit numéro devant les médias de Mokwena, la rumeur concernant une possible plainte à son encontre et la sortie médiatique du Président Ait Menna, sur Radiomars, avec une pique ajustée en direction du Raja. Enfin, dernier acte de cette tragicomédie, le communiqué du Raja et le droit de réponse de son président Adil Hala, qui a décidé de déposer une plainte en bonne et due forme, devant la Commission d’Ethique de la FRMF. Les pages des fans des trois clubs ont fait leurs choux gras de cette polémique qui, au final, ne fait que tirer notre Botola vers le bas.

Et que dire de la sortie remarquée de l’ex coach du MAT accusant le club nordiste d’être à la merci d’un agent de joueurs ? Que penser aussi des actes de hooliganisme qui ont caractérisé le match CAK-KACM ? Et enfin, comment analyser tous les ragots qui occupent le devant de la scène des supports médias et des réseaux sociaux ? Le professionnalisme «déguisé», instauré depuis plus d’une décennie, nous mène droit vers le mur, faute de maturité de l’ensemble des acteurs de la Botola.

Le contraste est éloquent avec les championnats qui devraient nous servir de modèle, à l’approche d’échéances importantes. La comparaison sera inévitable. En Liga, les présidents des clubs déjeunent ensemble les jours de match. C’est une tradition, respectée même par les adversaires les plus honnis. Les présidents sont assis, côte à côte, dans la tribune d’honneur et félicitent l’adversaire à chaque titre remporté. En Angleterre, les présidents ne sont jamais cités par les médias. Leur gestion est scrutée certes, mais les «Pundits» (consultants télé) préfèrent se focaliser sur le jeu, sur le management des coachs et sur la bonne santé des finances. En France, Al Khelaifi, Aulas ou Nicollin sont omniprésents dans les talks, sur les plateaux radio et télé, mais les professionnels des médias mettent aussi en évidence les performances des joueurs et les stratégies des entraineurs. Sans parler du jeu, qui prend la part du lion dans les analyses d’avant et d’après match.

Voilà pourquoi si un gentleman agreement n’est pas trouvé entre dirigeants, si les entraineurs continuent à s’abstenir de parler du jeu et des joueurs, et enfin, si nos médias continuent de snober volontairement, ceux qui font ou défont le spectacle, le produit Botola ne sera jamais vendable à l’international. Et en dix ans nous serons finalement passés d’un amateurisme déguisé à un professionnalisme marron.

Par Amine Birouk
Le 26/12/2024 à 16h09