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Le Mondial de l’hypocrisie

Karim Boukhari. © Copyright : DR
Les droits humains, la liberté de boire, d’aimer et de faire la fête 24H/24, c’est au moment de négocier les gros contrats qu’il fallait y penser. Aujourd’hui, ces larmes de crocodile ressemblent à une bonne blague!
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Le Mondial du Qatar, qui s’ouvre dans quelques jours, s’accompagne d’une campagne de boycott où quelques voix sincères, amoureuses du foot et des valeurs humaines, se mêlent à un tintamarre de voix sournoises, hypocrites. Mais, avant d’aller plus loin, remettons les choses dans leur contexte.

Depuis que l’argent et la politique se sont invités à ce grand rendez-vous mondial, chaque nouvelle édition de la Coupe du monde a servi de tremplin et de foire d’exposition pour les nouveaux donneurs de leçons, toujours plus nombreux. En 1970 (Mexique), on a déjà crié «non à la dictature». En 1978 (Argentine), le plus grand joueur de l’époque, celui que l’on appelait le Néerlandais volant, Johan Cruyff, est allé jusqu’à boycotter le Mondial pour «raisons politiques». C’est ce qu’on disait alors. Alors qu’il n’en était rien, le joueur n’étant pas prêt à jouer pour des raisons… strictement personnelles.

En ces temps de guerre froide, les Jeux olympiques aussi ont souffert de cette hypocrisie. On se rappelle par exemple comment, en 1980, le bloc de l’Ouest a boycotté les JO de Moscou, avant que le bloc de l’Est ne leur rende la monnaie, en boycottant les JO 1984 de Los Angeles.

C’est cela l’histoire du sport en général, et du football en particulier. Derrière le jeu, il y a des enjeux d’argent que l’on place toujours en premier, et derrière encore, il y a les règlements de comptes politiques où l’humanitaire, ou l’humanisme, sert souvent de prétexte. On connait la chanson.

Bon an, mal an, ces voix qui portent haut la conscience humaine sont toujours les mêmes. Quand le rendez-vous se déroule en «démocratie», c’est-à-dire dans un pays d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord, les bonnes âmes disparaissent. Quand le Mondial s’invite ailleurs, elles réapparaissent comme par enchantement.

En 2010, quand le Mondial se déplace en Afrique du Sud, nos amis râlent contre les fameuses vuvuzelas (des cornes dont le souffle est aussi assourdissant qu’amusant) et accusent le reste du monde d’offrir un trop beau cadeau à Mandela. En 2014, la campagne bat son plein contre le Brésil, pays hôte, dont on dénonce les inégalités sociales. En 2018, c’est le tour de la Russie de Poutine d’en prendre plein la tronche. Comme le Qatar, aujourd’hui.

Le schéma est toujours le même. Au moment du vote qui désigne le pays hôte, les voix qui portent la conscience humaine sont bien silencieuses. Elles laissent faire les lobbys financiers et politiques. C’est là que les affaires sont réellement négociées. Plus tard, quand la compétition arrive, où le seul enjeu devient sportif (et communicationnel, question d’image de marque), nous voyons réapparaitre ces magnifiques voix consciencieuses.

Avec le Qatar, ces voix sont allées encore plus loin dans le cynisme et l’hypocrisie. Comme ces maires de villes européennes qui «boycottent» (ou s’amusent) en refusant la retransmission des matchs sur les lieux publics. Pardon? Mais qui a envie d’aller se les geler, en plein automne-hiver, debout au milieu d’une place européenne?

Alors oui, les droits humains au Qatar, la liberté de boire, d’aimer et de faire la fête 24H/24, c’est bien beau. Mais c’est au moment de négocier les gros contrats qu’il fallait y penser. Aujourd’hui, ces larmes de crocodile ressemblent à une bonne blague. Parce que c’est l’heure du sport, du football, et du plaisir simple de millions, voire de milliards de passionnés et de consommateurs.

Alors prenez tout et laissez-nous le foot, et le sport, s'il vous plaît!

Par Karim Boukhari
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