La banderole du Collectif Ultras Paris, dimanche au Parc des Princes, était cinglante envers la Fédération française de football, dont la position ferme sur le ramadan tranche avec l'attitude plus conciliante des pays voisins.
Le sujet s'est invité dans l'actualité après l'envoi, jeudi aux arbitres, d'un rappel au règlement. Les interruptions de matches liés à la rupture du jeûne, en soirée, "ne respectent pas les dispositions des statuts de la FFF", selon l'instance française.
"L'idée est qu'il y a un temps pour tout. Un temps pour faire du sport, un temps pour pratiquer sa religion", a justifié Eric Borghini, président de la Commission fédérale des arbitres, auprès de l'AFP.
Pour ce membre du comité exécutif de la FFF, il s'agit simplement de "l'application scrupuleuse de l'article premier des statuts de la fédération sur le respect exigeant du principe de laïcité dans le football".
- L'exemple anglais -
Le milieu du football a depuis réactivé le débat, ancien et régulier, sur ce que doit être la laïcité à la française: la liberté d'exercer son culte librement, ou la primauté des règles communes sur les croyances religieuses.
"En 2023, on peut arrêter un match 20 minutes pour des décisions, mais pas une minute pour boire de l'eau", a soupiré sur les réseaux sociaux Lucas Digne, le latéral français d'Aston Villa.
En Angleterre, des pauses sont tolérées pour permettre aux joueurs musulmans de rompre le jeûne durant le mois du ramadan, commencé le 22 mars.
Cela a également été le cas pour la première fois ces derniers jours dans le Championnat néerlandais, tandis qu'en Allemagne, le patron des arbitres à la Fédération a annoncé l'année dernière qu'il soutenait ceux qui décideraient d'accorder ce genre de pause.
En Italie et en Espagne, aucune disposition n'est prévue mais le débat n'a pas été ouvert: le Marocain Sofyan Amrabat (Fiorentina) a par exemple profité de l'entrée des soigneurs sur la pelouse pour se nourrir, samedi soir.
En Premier League, l'usage des pauses existe depuis deux ans, sous l'impulsion du Français Wesley Fofana et du Sénégalais Cheikhou Kouyaté, joueurs de Leicester et Crystal Palace à l'époque, qui ont pris le temps de se restaurer en plein match.
"Je suis né en France et j'y ai travaillé, mais il y a une grande différence entre la France et l'Angleterre. Les Anglais montrent le bon exemple", a estimé Abdoulaye Doucouré, milieu malien d'Everton, à la BBC.
Outre-Manche, "on sait qu'ils sont plus ouverts que nous sur le sujet et ça l'a toujours été. Ce serait bien que la France le fasse mais ça ne pose de souci à personne qu'ils ne le fassent pas", a commenté vendredi Didier Digard, l'entraîneur de Nice.
- Vigilance sur la santé -
Chez les Aiglons, où de nombreux joueurs font le ramadan, le seul point de vigilance concerne l'état de forme des joueurs, possiblement affaiblis par la période de jeûne, selon le jeune technicien.
"On les accompagne du mieux possible. On a un pôle performance de grande qualité. Ils sont suivis au niveau de l'alimentation et de l'hydratation", a détaillé Digard.
Au FC Rouen, premier de son groupe en National 2 (l'équivalent de la 4e division), dix joueurs sont concernés et le discours est le même.
"Les joueurs sont habitués à jeûner depuis de longues années donc ce n'est pas un problème pour eux, raconte l'entraîneur Maxime D'Ornano à l'AFP. De notre côté avec le staff, la seule différence est sur la vigilance à avoir avec les joueurs concernés durant cette période afin de ne pas aller jusqu'à l'épuisement".
A Nantes, les joueurs de confession musulmane sont dispensés des repas en commun et de la deuxième séance d'entraînement, les jours à double séance. "Il y a du soutien, il y a de l'écoute", affirme Antoine Kombouaré.
Mais "le jour du match, il ne faut pas jeûner. Il y a beaucoup d'intensité, il faut être prêt. Et ceux qui jeûnent ne sont pas dans le groupe. Je ne veux pas qu'ils se blessent", a dit l'entraîneur nantais pour justifier la non-convocation de Jaouen Hadjam, dimanche face à Reims.