Aussi loin qu'il se souvienne, «Carlitos» a toujours voulu soulever la coupe des Mousquetaires. «Ce tournoi m'est cher, parce que lorsque je terminais l'école, je courais à la maison, j'allumais la télé et je regardais les matches. Ceux de Rafa, parce que c'était lui le maître ici... Puis, je me suis dit: je veux rajouter mon nom à la liste d’Espagnols».
Ce premier triomphe à Paris a tout d'un symbole, car il se produit l'année où Nadal, le Roi des lieux avec 14 sacres, a certainement tiré sa révérence, éliminé au premier tour par le finaliste, Alexander Zverev. Ce passage de témoin, «Carlitos» l'a réussi en vengeant en quelque sorte son glorieux aîné.
La courbe de leurs destins se sera croisée le temps de trois années à peine, mais les liens sont forts, puisqu'ils comptent défendre ensemble les couleurs espagnoles, au tournoi olympique de double des Jeux de Paris cet été, ici encore à Roland-Garros.
N.1 à 19 ans
En attendant, Alcaraz poursuit son ascension à une vitesse supersonique, la même dont il est capable sur le court, pour renvoyer toutes les balles, les plus éloignées, les plus fortes, les plus vicieuses, les plus désespérées, avant de remporter un point qui semblait inéluctablement perdu.
Cette aptitude à écoeurer ses adversaires se double d'une abnégation sans borne, qui transpire l'humilité et rappelle là encore celle de Nadal.
«Je joue avec la tête, le cœur et tout le reste, soutient Alcaraz. Je me mets beaucoup la pression dans tous les matches, je joue avec passion. Je joue avec ce rêve, le rêve de l’enfant qui voulait être dans ce genre de situation». A savoir être en position de remporter les plus grands tournois.
Résultat: à 21 ans et 1 mois, il est le plus jeune vainqueur de Majeurs sur les trois surfaces de référence (dur, terre battue, gazon), devant... Nadal (22 ans et 7 mois). Le tout après avoir été le plus jeune N.1 mondial de l'histoire à 19 ans, 4 mois et 6 jours.
Précoce, Alcaraz le fut aussi en tapant ses premières balles à quatre ans, sur les courts ou seul contre le mur du club de tennis dirigé par son père, dans le hameau d'El Palmar, près de Murcie.
Au premières loges, ce dernier raconte: «à 5 ou 6 ans, Carlos avait déjà des qualités naturelles, une très bonne coordination et surtout une capacité à apprendre très vite. Il pouvait copier ce qu'il voyait sur le court. C’est à ce moment-là qu'on a décidé de développer son potentiel».
Sourire permanent
Il a 15 ans quand Juan-Carlos Ferrero, ancien vainqueur de Roland-Garros (2003), le prend sous son aile dans son académie de Villena, à une grosse heure du foyer familial. Leur relation de travail est fusionnelle, «ça a changé ma vie, j'ai évolué, je suis devenu plus dur sur le court».
Le surdoué se révèle en mondovision au 3e tour de l'US Open 2021, où il renverse le N.3 mondial Stefanos Tsitsipas au terme d'un énorme combat, qu'il paiera d'une blessure musculaire le contraignant ensuite à abandonner en quarts.
Lancée, la fusée passe la vitesse de la lumière en 2022. Outre l'US Open où se dessine une énorme rivalité en devenir avec l'Italien Jannik Sinner, il décroche son premier Masters 1000 à Miami, puis le deuxième à Madrid, où il dégomme Nadal et Djokovic.
Son sourire, qui surgit souvent en plein match, renvoie l'image d'un jeune homme heureux sur le court. «Plus jeune, j'étais toujours en colère, en train de me plaindre. Je ne m'amusais pas comme je m'amuse aujourd’hui», dit-il.
En 2023, il crée la sensation à Wimbledon en détrônant Novak Djokovic, sur un gazon qu'il pensait être encore loin de maîtriser, alors qu'un mois plus tôt, à Roland-Garros où tout le monde l'attendait, il avait flanché en demi-finale, perclus de crampes, face au Serbe.
Mais pour Alcaraz, conquérir la terre battue parisienne n'était évidemment qu'une question de temps...