En visioconférence, Soufiane El Mesrar avait fait l'effort de revêtir son maillot de l'Étoile lavalloise une dernière fois cette saison. Depuis son domicile, le meilleur buteur et joueur de futsal le plus capé du Mountakhab, naturellement devenu capitaine de la sélection marocaine, est revenu sur son actualité lors d'un long entretien.
Au menu: ses deux sacres en championnat de D1 et en Coupe de France sous les couleurs mayennaises, sa relation avec son coéquipier Bilal Bakkali ou encore la Coupe arabe de Futsal, manquée après un dénouement tardif dans l'Hexagone. À 33 ans, le Lion de l'Atlas, fraîchement nommé meilleur élément du championnat français en 2022/23, a permis à son club de décrocher ses deux premiers trophées majeurs, et par la même occasion de participer à la Ligue des Champions l'an prochain.
Le360 Sport: est-ce que vous vous attendiez à un succès si rapide lors de votre signature, il y a un an et demi, lors du mercato hivernal 2022?
Soufiane El Mesrar: Nous sommes arrivés en janvier pour que l'équipe puisse recruter plus de joueurs (lors de l'été qui a suivi). On a voulu continuer l'aventure avec Bilal (Bakkali, qui est arrivé dans le même temps à Laval, à l'hiver 2022, ndlr). On ne s'attendait pas à gagner le championnat et la coupe directement. L'objectif, c'était les playoffs. La D1 restait le plus important des objectifs, car cela nous permettait de jouer la Ligue des Champions pour la première fois.
La saison se déroule sans encombre, avec seulement une seule défaite au compteur (après 20 matchs de D1, ndlr), face au Sporting Paris. On avait l’impression que cette saison, vous, les Stellistes, étiez intouchables. L'idée de finir champions était-elle dans vos têtes dès le début?
On a gardé les pieds sur terre. En finissant premier du championnat ou même champion d'automne (à la mi-saison), cela ne t'assure rien, comme il y a les playoffs. On l'a bien compris et nous avons bien travaillé. Cela nous a motivés pour le reste de la saison. On s'est dit qu'il fallait finir premiers oui, et ensuite, on s'est concentré sur la victoire finale en championnat.
Quel était votre qualité première pour expliquer des performances aussi régulières?
Notre travail. Avec André (Vanderlei, entraîneur de Laval depuis 2016, ndlr), on pouvait s'entraîner trois fois par jour. On laissait un petit pourcentage pour avoir de la chance, mais on a quand même bien travaillé sur tous les aspects. Même le staff technique, médical... Tout le monde a bien bossé, et on n'a jamais eu de telles conditions à l'Étoile lavalloise.
Un double succès 6-4 et 9-1, face à Mouvaux Lille, vous envoie en finale de playoffs, où vous retrouvez le Sporting Club de Paris, seule équipe qui vous a fait tomber cette année.
Pour dire la vérité, on ne voulait pas jouer directement le Sporting à deux reprises, en demi-finale. Nous les affrontions en finale de Coupe de France, ça allait beaucoup jouer sur le mental. Il fallait préparer deux finales contre la même équipe, et c'était difficile.
Et cette première finale s'est soldée par deux buts à zéro en votre faveur. C'était serré jusqu'au bout, mais vous avez obtenu un avantage psychologique important, n'est-ce pas?
On est resté à 0-0 jusqu'aux dix dernières minutes. C'était long, il fallait être concentré. C'est là qu'on a compris que le Sporting avait beaucoup de joueurs expérimentés, qui avaient joué la Ligue des Champions, cette année. Si on leur donnait l'occasion, ils allaient marquer. Après avoir gagné le premier match, on savait que lors du deuxième, qui était programmé quelques jours après (une semaine plus précisément), le Sporting allait essayer de réagir. Ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour changer de tactique, et on a gagné.
Qu'est que ça fait d'écrire l'histoire d'un club aussi récent que l'Étoile lavalloise (qui a été créée en 2006, et qui découvrait la première division l'année dernière, ndlr)?
On a eu des supporters qui sont venus nous encourager toute l'année. L'espace mayenne était rempli, et ça nous a motivé d'écrire l'histoire du club dans ces circonstances. Tout le monde à Laval suivait le football. Quand je sortais boire un café, tout le monde nous demandait des photos, de remporter la Coupe, le championnat... Cela motive et donne beaucoup d'énergie pour gagner. Je suis content de faire partie de ces joueurs magnifiques, et d'écrire l'histoire de ce club-là.
Vous avez par ailleurs eu le titre honorifique de meilleur joueur de la saison en D1. Comment jugez-vous votre saison sur le plan individuel?
Je suis content d'avoir terminé la saison comme ça. Quand tu joues avec ces joueurs, dès que tu te déplaces, c'est facile de marquer. Je ne suis qu'une partie de l'équipe et tous les joueurs sont importants. On en a de très expérimentés comme Abdessamad (Mohammed), Souheil (Mouhoudine), Bilal (Bakkali), Diego (Napoles), Kaique (Ivo)... C'est le résultat du travail de toute l'équipe. Pour moi, les trophées collectifs sont les plus importants, car on travaille ensemble onze mois. Si tu gagnes le titre de meilleur joueur ou buteur de championnat sans le championnat, ça ne sert à rien. Une fois que tout le monde est content, tu peux chercher les récompenses individuelles.
Bilal Bakkali, natif de Kénitra, comme vous, est avec vous à l'Étoile lavalloise. Vous avez signé quasiment en même temps en Mayenne, et vous étiez déjà ensemble à Asnières Villeneuve, à Montpellier et au Maroc. Pourquoi êtes-vous aussi inséparables?
On a joué au Futsal au Maroc, car on habitait dans le même quartier. J'ai vu qu'il jouait et je l'ai ramené au Dynamo (Kénitra), où j'étais joueur, pour qu'il soit avec moi. On a gagné le championnat marocain, à plusieurs reprises, puis on est parti dans les mêmes équipes en France (à Montpellier en 2018, puis à l'ACCS 92 de 2019 à 2021, puis à Laval dès l'hiver 2022, ndlr). Lui, il a décidé que l'on continuait notre aventure ensemble. Mais on ne négocie pas ensemble non plus (rires). Chacun le faisait pour ensuite être dans la même équipe.
Double finale oblige, vous avez manqué la Coupe arabe de Futsal avec la sélection nationale. Comment l’avez-vous vécu?
J'étais un peu déçu, car je voulais participer avec l'équipe du Maroc. Les dates de la FIFA n'ont pas coïncidé avec celle de la Coupe arabe. En plus, on ne pouvait pas laisser l'Étoile lavalloise, car on avait travaillé onze mois. Quand on a su les deux dates finales et celles de la Coupe arabe, on s'est dit «si on ne se qualifie pas, on y va, sinon on la rate». Finalement, le Maroc l'a gagné, et nous on a gagné la Coupe de France et le championnat.
Tout va très vite pour l'Étoile lavalloise, bloquée en deuxième division pendant cinq saisons avant de rejoindre l'élite, l'an passé seulement. Maintenant parmi les meilleurs, quel est votre prochain objectif?
Gagner le championnat et la Coupe, ainsi qu'une belle participation en Ligue des Champions. On ne va pas concentrer tous les efforts dans la C1, car il y a ces deux compétitions. Et surtout, la D1 c'est la priorité.
Il faut croire qu'à 33 ans, vous êtes toujours aussi agile devant le but. Vous sentez-vous à l’apogée de votre carrière?
C'est ma meilleure saison avec l'Étoile (46 buts : 34 buts en championnat et 12 en Coupe de France, ndlr). On est contents ici à Laval, tout le monde me soutient. Il y a des supporters magnifiques, donc il faut donner plus. Un jour, tu peux être fatigué, mais il y a 3600 personnes qui payent leur billet pour te soutenir, donc il faut donner plus. Pourquoi ne pas faire encore de belles choses la saison prochaine.
Propos recueillis par Hicham Bennis