ls ont sans doute plus de chances de soulever un jour la Coupe du monde qu'un Oscar, mais Antoine Dupont et Romain Ntamack ont assuré ces dernières semaines dans les médias et sur les tapis rouges des avant-premières la "promo" du film sur leur club.
Il devait s'agir au départ d'une série documentaire sportive dans l'esprit de celles qui cartonnent actuellement sur les plateformes de streaming, comme le "Drive to survive" de Netflix sur l'univers de la Formule 1.
La saison 2020-2021 historique des rugbymen toulousains, auteurs du doublé Coupe d'Europe - championnat, a poussé l'équipe de production à tenter plutôt l'expérience du cinéma.
"Les choses se sont un peu imposées d'elles-mêmes", raconte à l'AFP Eric Hannezo, co-réalisateur. "Puisqu'ils ont accompli quelque chose d'exceptionnel, nous avons essayé de travailler sur un objectif exceptionnel: aller en salles".
"Je suis convaincu que le sport doit et va rencontrer la salle de cinéma", ajoute le dirigeant de la société de production Black Dynamite, pour qui "le rugby n'a que des qualités cinématographiques".
"Snobisme"
Sa dimension combative, ses valeurs et sa dramaturgie semblent faire de la discipline un bon support pour le septième art. Relativement peu de films lui ont pourtant été consacrés.
Le fameux "Invictus" de Clint Eastwood sur la victoire de l'Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 1995, érigée en symbole de réconciliation après l'apartheid, la vieille comédie "Allez France!" (1964) sur des supporters des Bleus en déplacement en Angleterre pour le Tournoi des cinq nations... Julien Camy en a recensé une trentaine, rugby à XIII compris ("Le Prix d'un homme" notamment en 1963), en compilant avec son père Gérard le bel ouvrage "Sport et cinéma".
"Les Etats-Unis, plus gros pourvoyeur de films de sport, ne sont pas un pays de rugby", avance l'auteur. "Les sports qui ont été les plus filmés sont ceux largement pratiqués aux Etats-Unis, comme le football américain, le baseball ou la boxe".
"Commercialement, les films de sport ne marchent pas énormément en France", ajoute ce cinéaste et journaliste, pointant "une certaine frilosité" et un certain "snobisme" chez les producteurs français vis-à-vis du sport.
Une opinion partagée par l'ancien joueur du Racing, devenu réalisateur, Philippe Guillard, même si son premier film, "Le Fils à Jo", ancré dans l'univers du rugby, a connu le succès dans les salles en 2011 avec plus d'1,2 million d'entrées.
"Si vous voulez faire un film de rugby sur la success story d'un gamin des quartiers qui finit demi de mêlée de l'équipe de France et gagne la finale de la Coupe du monde contre les All Blacks, il faut être Clint Eastwood et avoir 100 ou 150 millions. J'ai eu 5 millions pour +Le Fils à Jo+", rappelle à l'AFP l'ancien joueur de haut niveau.
Aspect humain
Ces contraintes budgétaires n'aident pas à franchir le principal écueil: rendre crédibles les scènes de jeu d'un sport technique dont la complexité des règles échappe par ailleurs souvent au grand public.
"On voit tout de suite un mec qui sait faire une passe ou pas, sa position en mêlée...", décrypte le champion de France 1990. "On ne peut pas tricher là-dessus, il faut prendre des vrais rugbymen. Dans +Invictus+, le rugby est joué par des mecs de Fédérale 3 qui n'ont rien à voir avec Jonah Lomu et compagnie".
Cela contraint les réalisateurs à "prendre des angles différents", plus éloignés du jeu, pour traiter de rugby, comme Sacha Wolff et son "Mercenaire" (2016) sur un jeune joueur Wallisien confronté au déracinement après être venu tenter sa chance en métropole.
Cet aspect humain sera au coeur du nouveau film sur le rugby que Philippe Guillard prépare à l'occasion de la Coupe du monde l'an prochain en France: "Je suis content de retrouver mon ADN", confie-t-il.
Ce sera l'histoire de réfugiés qui découvrent, dans le Sud-Ouest français, un autre type de guerre: celle de clochers autour d'un ballon ovale. Ni Dupont, ni Ntamack n'apparaîtront cette fois au générique.