Basket-ball: le gel des activités impacte les joueurs, les staffs et leurs familles

Avec la suspension de tous les championnats de basket, décidée par la Fédération Royale Marocaine de Basketball, Le360 a pris contact avec plusieurs acteurs du terrain, pour recueillir leur ressenti face à cette impasse.

Le 26/04/2025 à 15h58

Le conflit est ouvert. Il oppose deux camps: d’un côté, la direction des Sports au ministère de tutelle, de l’autre, la Fédération royale marocaine de basket-ball (FRMBB), touchée de plein fouet par une accumulation de dettes, une prime ministérielle non versée et des employés grévistes, eux-mêmes sans rémunération et victimes collatérales du blocage.

Pour un membre de la FRMBB, qui a préféré rester anonyme, la situation est le fruit de «pulsions qui ont malheureusement jeté le basket dans la gueule du loup». Le président de la fédération, lui, pointe du doigt la direction des Sports.

Peu importent les responsabilités: les premières victimes restent les joueuses, les joueurs —qu’ils soient marocains ou étrangers—, privés de compétition, à un moment clé de la saison. Le tout, avec un impact direct sur l’ensemble des employés des clubs (staff, personnel administratif…) et leurs familles respectives.

Car si les tensions entre la FRMBB et le ministère ne datent pas d’hier, la décision de suspendre toutes les compétitions est, elle, tombée sans prévenir.

Le lundi 21 avril, plusieurs clubs étaient sur le point de jouer, comme l’AS Salé et le Wydad de Casablanca, prêts à disputer leurs derniers matchs de la saison:

«Nous étions à l’entrée de Casablanca quand notre coach nous a annoncé que le match allait peut-être être annulé. Mais à ce moment-là, ce n’était encore qu’une rumeur, explique Yassine El Mahsini, joueur de l’AS Salé. Nous nous sommes rendus à la salle, les joueurs du WAC et même des supporters étaient là. On a commencé à s’échauffer, puis les responsables nous ont arrêtés. C’est là qu’on a compris qu’il n’allait pas y avoir de match».

Malgré tout, les joueurs ont envisagé de disputer un match amical. Mais la publication du communiqué officiel, et les raisons évoquées, les ont rapidement rappelés à l’ordre.

«Nous étions pris de court. Beaucoup de questions: serons-nous payés? Sommes-nous toujours assurés? Nous voulions tout de même jouer un match amical avec l’équipe adverse, mais en apprenant que nous n’étions plus couverts, nous avons préféré ne pas prendre de risques».

«On coupe court aux activités des familles, qui viennent voir leurs enfants jouer, fièrement»

—  Abdelkhalek Kamil

Au-delà de la suspension du jeu, c’est tout un tissu social qui est impacté. Les spectateurs, les familles, les enfants. Le basket marocain, c’est aussi une dynamique collective.

«Pourquoi arrêter la première division, la deuxième, même les sections féminines? On coupe court à l’activité des familles, qui viennent voir leurs filles jouer fièrement… À cause d’un conflit», s’interroge Abdelkhalek Kamil, membre du comité du Club municipal de Casablanca. «Il fallait que ça explose un jour», nous confie-t-il avec amertume.

Même son de cloche du côté d’El Mahsini, pour qui cette situation dépasse le cadre sportif:

«Il y a des conséquences sur nos familles. Elles dépendent de nous».

Le meneur belgo-marocain est familier du pays, mais qu’en est-il de ceux qui découvrent le Maroc pour la première fois, venus de l’étranger dans le cadre d’un contrat professionnel?

«Nous avons des licenciés venus de plusieurs pays africains, très fiers de jouer ici. Ils en parlent autour d’eux, à leurs familles… Que va-t-on leur dire aujourd’hui? poursuit Kamil, qui estime que la solution ne peut venir que d’un arbitrage supérieur. «Le ministère des Sports doit intervenir».

«Pendant ce temps, les autres pays africains forment leurs joueurs et les envoient aux États-Unis»

—  Said El Bouzidi, coach du FUS basket

Au-delà de l’impact immédiat sur les joueurs et le personnel, c’est l’image même du basketball marocain qui en prend un coup.

Il y a quelques semaines à peine, le Maroc accueillait fièrement la conférence Kalahari de la BAL 2025 à Rabat. Un événement continental d’envergure, où le coach du FUS, Said El Bouzidi, nous déclarait que «le basket est le deuxième sport au Maroc. Le potentiel est là, humain, sportif, en infrastructures».

Avec plus de 28.000 spectateurs présents à l’événement, l’engouement était bien réel. Mais aujourd’hui, l’avenir inquiète.

«Le basket, c’est un sport d’intellectuels. Et quand on voit ce qui se passe, les intellectuels ne voudront plus y toucher, regrette Bouzidi, les jeunes n’auront plus envie de jouer».

Lui aussi dénonce une perte de temps et d’énergie, au détriment du développement du sport:

«Plutôt que de faire avancer le basket, combler les lacunes de formation et construire un vrai championnat, on cherche des problèmes entre nous. Pendant ce temps, les autres pays africains forment leurs joueurs et les envoient aux États-Unis».

Aux dernières nouvelles, le ministère envisagerait l’instauration d’une commission provisoire, dans le but d’organiser une assemblée générale extraordinaire pour que tout rentre dans l’ordre. En attendant, le basket marocain est en hibernation, en plein printemps.

Par Magda Soltani
Le 26/04/2025 à 15h58