«72 heures en enfer». Tel pourrait être le titre du chapitre relatif au voyage de la RS Berkane à Alger. De l’arrivée à l’aéroport, à la réception surréaliste au stade, sans oublier l’objet principal du litige, à savoir la saisie à la douane des maillots du club de l’Oriental, sous prétexte que le design de la carte du Royaume toucherait à «la souveraineté nationale algérienne». Droit dans ses bottes, le président des orange et noir, Hakim Benabdellah, n’a pas varié d’un iota dans la position du dernier représentant marocain dans les compétitions continentales. Le maillot ayant été homologué par la CAF avant le démarrage de la compétition, il n’est pas question de déroger à cette position de principe, quelle que soit l’attitude hostile des responsables de la Fédération algérienne de football (FAF), de l’USMA ou encore celle des factotums du régime d’Alger, qui n’ont pas lésiné sur les mesures vexatoires, insultes et intimidations en tous genres.
Les dirigeants de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et de la RSB s’en sont tenus à une ligne de conduite qui correspond bien au mindset actuel de la diplomatie marocaine: respect de la règle de droit et sang-froid. Voilà qui contraste fortement avec les gesticulations inutiles et le fait du prince qui caractérisent les actes venus de l’autre côté de la frontière. Les Berkanis ont fait appel à la Commission technique de la CAF, qui a lancé à la FAF un ultimatum dans les règles de l’art. La teneur du 1er communiqué est on ne peut plus éloquente: «la Confédération africaine de football exige la restitution des maillots confisqués, des maillots par ailleurs conformes aux normes et approuvés par la CAF. Si tel n'est pas le cas, l’USMA sera déclarée perdante et la RSB victorieuse». Et 24 heures plus tard, cette décision était ratifiée par la Commission d’appel.
En contraste, la lecture myope des règlements par les autorités algériennes nous rappelle à quel point celles-ci s’embarrassent peu de la règle de droit. Elles basent tout leur argumentaire sur l’article 10 alinéa 3.6 de la circulaire de la FIFA, datée de l’année 2022, qui stipule «qu’un élément décoratif dans un maillot ne doit pas représenter le visage ou l’identité d’une personne, la forme d’un pays ou d’un territoire ou en donner l’impression». Toutefois, les articles 2.3.2 et 2.3.3 énoncent que cette règle générale s’applique à toutes les compétitions, à l’exception de celles organisées par les Confédérations. Cela signifie que les équipes marocaines, club ou sélection, n’ont pas le droit d’apposer sur leur maillot la carte du pays lors des éliminatoires africaines du Mondial ou durant la Coupe du Monde, mais qu’elle peut le faire à la CAN ou toute autre compétition africaine. CQFD.
Cette victoire de la règle de droit est aussi corroborée par un sang-froid à toute épreuve. Ni les vexations ni l’attitude inamicale du public n’ont eu raison de la détermination de la délégation marocaine. Ces intimidations ne sont que le dernier épisode d’une hostilité qui est allée crescendo depuis 2019. Depuis «la prise en otage des journalistes accrédités pour les Jeux méditerranéens de 2022», le passage à tabac des joueurs de l’EN U17 après la finale de la Coupe arabe 2022 et le discours 100% marocophobe du petit-fils de Nelson Mandela, l’hostilité des caporaux d’Alger n’a pas cessé. Elle est l’illustration d’un réflexe devenu pavlovien, dépassant le cadre du football.
Ainsi, lors du dernier championnat arabe de handball U17, l’Algérie a déclaré forfait dans son match face à la sélection nationale sous prétexte que la sélection junior arborait un maillot avec la carte entière de notre pays. Pourtant, 12 mois plus tôt, aux Championnats du monde en Suède, les hommes de Noureddine Bouhaddioui avaient porté un maillot avec le même dessin, sans que leurs adversaires algériens n’aient émis la moindre objection. Idem pour le team de basketball du Chabab Rif d’Al Hoceima, qui avait déjà eu la même initiative en 2014.
On en est loin de l’attitude plus courtoise des gouvernants d’Alger d’avant 2019. En 1979, au summum de la crise entre les deux pays, la délégation marocaine, qui devait disputer le match retour des éliminatoires des JO, avait été reçue avec un maximum de respect. Une visite même de la ville natale du sélectionneur national de l’époque, Guy Cluseau, avait été programmée. Ce comportement fair-play a eu de multiples épisodes des deux côtés de la frontière. Le sport étant loin des contingences politiques et des débats aux Nations unies ou dans d’autres organisations concernant notre intégrité territoriale. Aujourd’hui, ce n’est manifestement plus le cas. Le sport est devenu un terrain politique où Alger (et ses sbires) n’hésitent pas à gesticuler, histoire de rappeler que la cause nationale a un seul ennemi.
Ce dimanche, un nouveau round de ce bras de fer entre l’excellence marocaine et la déchéance de l’Algérie aura lieu à Berkane. L’USMA sera accueillie comme l’exige notre tradition d’hospitalité. La réunion technique aura lieu, la RSB présentera le maillot homologué par la CAF. Quelle sera l’attitude des adversaires de la RSB? Accepteront-ils de rentrer sur le terrain et de défendre leurs chances? Continueront-ils à invoquer une cause perdue d’avance?
Leur attitude ne doit nullement être un obstacle pour les responsables du club phare de l’Oriental. Ceux-ci devraient s’en tenir à leur ligne de conduite, tout en se souvenant de cette citation de Feu Hassan II, qui pourrait et devrait servir de doctrine: «Il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi».