Quand Oussama Idrissi signe à Pachuca, lors de l’été 2023, beaucoup d’observateurs sont surpris par ce choix peu commun. Moins de deux ans plus tard, force est de constater que le natif de Bergen-op-Zoom avait bien raison de passer de l’autre côté de l’Atlantique. Vainqueur de la Ligue des champions Concacaf (Confédération de l’Amérique du Nord et centrale), Idrissi est un véritable cadre de la formation mexicaine. Le Lion de l’Atlas a même mené ses coéquipiers vers une finale de la Coupe intercontinentale, après avoir disposé de Botafogo, grâce à un but d’anthologie, et d’Al Ahly. Alors que le championnat mexicain est sur le point de commencer et que le Mondial des clubs est dans quelques mois, Oussama Idrissi a pris le temps de répondre à nos questions.
Racontez-nous votre parcours, depuis vos débuts jusqu’à la confirmation.
J’ai commencé quand j’avais 5 ans, mon père m’avait inscrit dans une équipe amateure de ma ville natale (Bergen-op-Zoom, ndlr). J’ai changé à deux ou trois reprises, jusqu’au jour où j’ai été convoqué par le NAC Breda pour intégrer leur académie. Puis, j’ai eu l’occasion d’aller à l’académie de Feyenoord, qui était la meilleure aux Pays-Bas à l’époque.
A Rotterdam, j’ai passé 4 ans, mais pour être honnête, c’était difficile de se trouver une place en équipe première, tellement il y avait une forte concurrence. C’est là que je suis parti à Groningen, où je suis devenu professionnel. J’y ai joué deux ans et demi, puis j’ai signé à l’AZ Alkmaar, où j’ai fait également deux ans et demi.
L’opportunité se présente à Séville, mais…
A 24 ans, j’ai quitté les Pays-Bas, pour rejoindre Séville. J’y ai joué une saison et demi et j’ai été prêté deux ou trois fois. D’abord à Cadix, qui jouait en D1, puis 6 mois à l’Ajax, puis encore une saison à Feyenoord. J’ai gagné le championnat avec les deux.
En rentrant à Séville, il y avait au moins une douzaine de joueurs qui revenaient de prêt. En pré-saison, l’entraineur avait à sa disposition 36 ou 37 joueurs. Ça n’allait pas le faire. Alors on a trouvé une solution avec le club pour résilier mon contrat. Je suis resté deux semaines à m’entrainer à la maison, j’ai reçu quelques offres, mais elles n’étaient pas à la hauteur.
L’été 2023, vous faites un choix atypique: traverser l’Atlantique pour signer à Pachuca. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce choix?
L’offre de Pachuca était très bien. Normalement, on n’y pense pas. Mais je me suis mis à chercher le club, la ville, le pays, le championnat… Plus j’avançais dans mes recherches, plus j’avais un bon feeling et je me disais que ça allait marcher. Depuis ce jour-là, on est heureux ici et je remercie Dieu de m’avoir mis cette opportunité sur la route.
«Même dans l’avion, je me demandais si j’allais bien signer dans un club au Mexique.»
Le Mexique? Vraiment?
Le jour où mon grand-père a quitté le Maroc pour aller aux Pays-Bas, personne ne pouvait prédire que 30 ou 40 ans plus tard, son petit-fils allait faire sa carrière au Mexique. C’est quelque chose qui est difficilement concevable. Mais c’est la vie, particulièrement pour un joueur de football. On ne sait jamais où l’opportunité va se présenter. C’est mon cas aussi. Même dans l’avion, je me demandais si j’allais bien signer dans un club au Mexique. Ce n’est pas le parcours que l’on s’imagine, pour un joueur né aux Pays-Bas. Mais j’ai saisi ma chance et ça fait maintenant un an et demi que je suis là. L’ambiance est très bonne, pour moi et ma famille. Ils me traitent très bien. On a gagné la Champions League, on a bien joué au Qatar (Coupe intercontinentale).
Quels sont les points communs entre le Maroc et le Mexique?
Honnêtement, il y a beaucoup de points communs. Bien sûr, il y a des choses qui sont totalement différentes, mais les gens ici sont gentils, bons vivants, ils chérissent la famille et les proches. Ils me respectent beaucoup. Il n’y a pas beaucoup de musulmans, mais ils respectent, par exemple, quand j’observe le Ramadan. De la même manière, quand des étrangers viennent au Maroc, ils se sentent à l’aise et respectés.
Revenons au foot. A votre début, vous étiez plutôt Monsieur Assist et là, vous commencez à marquer de plus en plus. Qu’est-ce qui a changé?
Quand on arrive dans un nouveau pays, on doit toujours s’adapter. Les trois premiers mois, je devais m’installer, trouver une maison, améliorer la langue… Après, aussi bien moi que l’équipe, on a atteint un très bon niveau.
La prestation au Qatar vous a mis au centre de toutes les rumeurs de mercato. Mais vous avez décidé de rester à Pachuca. Pourquoi?
Un joueur doit toujours être concentré sur son équipe. Les rumeurs sont toujours là, les médias vont toujours en parler. C’est la dynamique du football. Après, je pense que pour un joueur, il faut toujours éviter de trop penser au mercato, aux offres... Le plus important est de rester concentré et respecter ses coéquipiers, son club, son public… Il arrive qu’un jour on soit obligé de partir. Mais ce jour-là n’est pas encore arrivé pour moi.
On a entendu dire que vous aviez un ordre de priorités pour vos choix de clubs. Est-ce vrai?
Franchement, je n’ai pas de priorités dans mes choix. Dans le football, ce n’est pas comme ça que ça marche. Si on a une belle offre, on doit la saisir. J’ai 28 ans, je veux jouer encore 5 ans dans le top niveau. Du coup, dans mes choix, je vois si ça va me permettre de m’améliorer.
Dans quelques mois, Pachuca va disputer le Mondial des clubs aux Etats-Unis. Mais d’ici-là, il y a un championnat à jouer. Cela fait partie des objectifs de la saison?
Le principal objectif est le championnat (Clausura 2025). Avec l’expérience qu’on a vécu au Qatar, l’équipe s’est nettement améliorée. Il y a eu des départs et des arrivées et on a passé une excellente pré-saison.
Honnêtement, je vois une équipe qui a faim et veut continuer sur ce parcours. J’espère qu’on pourra être compétitif en championnat. On a l’effectif et la qualité pour le faire. Après, il y aura le Mondial des clubs qui est bien plus grand que ce qu’on a vécu au Qatar. Du coup, on doit se préparer, pour que le jour où on débarque aux Etats-Unis, on soit prêts pour défendre les couleurs de Pachuca.
Conseilleriez-vous à un joueur marocain de tenter l’aventure au Mexique?
De manière générale, chaque joueur doit évaluer les offres qu’il a et voir ce qu’on lui propose en parallèle, pour faire le meilleur choix. Mais si on me demande sur la vie au Mexique, je dirais qu’elle est très bien, respectable. Le niveau du championnat est très élevé, avec beaucoup d’équipes populaires et qui disposent de gros budgets pour ramener de très bons joueurs. Et le format est assez spécial: on joue deux fois 6 mois et des playoffs comme en NBA. Il y a un champion tous les six mois et on peut se rattraper. La Liga MX est très compétitive et la dynamique est différente, pas comme en Europe. Mais que ce soit dans la vie quotidienne, ou dans le niveau du championnat, le Mexique est très bien.
Parlons un peu des Lions de l’Atlas. Pourquoi, à votre avis, n’avez-vous jamais eu de la régularité en sélection?
Quand j’ai commencé en équipe nationale, je n’ai jamais pu décrocher une place de titulaire. Je suis parti à Séville pour ça, mais je me suis blessé. Puis, il y a eu la pandémie du COVID. Je n’ai pas pu atteindre un bon niveau là-bas. Par la suite, j’ai repris mon niveau, mais l’équipe tournait déjà très bien.
Même cet été, quand j’ai atteint mon meilleur niveau à Pachuca, je vous le dis en toute honnêteté, les joueurs qui jouent à mon poste étaient tous performants en Europe. Je sais que ce n’est pas facile pour un sélectionneur de faire des choix. En plus, il y a eu deux changements de sélectionneurs et le niveau de l’équipe nationale n’est plus celui d’il y a 7 ou 10 ans. La sélection s’est beaucoup améliorée et les joueurs qui sont disponibles et qui ont fait l’histoire du Maroc en Coupe du monde, méritent d’être là. Pour moi, c’est toujours un honneur d’être présent en équipe nationale et le jour où j’aurai l’occasion de revenir, je serai prêt à tout donner.
Y a-t-il des contacts avec Walid Regragui?
Non, il n’y a pas de contacts. A mon avis, le joueur a rarement des contacts avec le sélectionneur. Ce dernier fait son travail, avec les gens qui l’entourent. Ils analysent les joueurs, pour voir ce dont ils ont besoin, ou pas. Ils font leur travail et le jour où on est présent, on parle à l’entraineur et son staff. C’est difficile pour un sélectionneur de parler à l’ensemble des 60 ou 70 joueurs sélectionnables à travers le monde.
Comment voyez-vous le niveau de la sélection?
Le niveau de la sélection s’est nettement amélioré ces dix dernières années. On voit comment la Fédération a transformé Maâmora. Le Maroc va dans la bonne voie, grâce au travail que font les gens à la Fédération et j’espère que l’équipe va continuer sur cette lancée.
Comment avez-vous vécu l’exploit du Maroc en Coupe du monde?
Pendant Qatar 2022, j’étais blessé. J’ai tout fait pour être disponible pour le Mondial, mais je me suis malheureusement blessé. C’était difficile à vivre. Mais les joueurs nous ont honorés et je pense que chaque marocain, où qu’il soit dans le monde, est derrière l’équipe nationale.
Vous envisagez une carrière dans le football, quand vous allez vous retirer?
J’aime le football, je veux rester dans le milieu. Ce que j’ai gagné comme expérience, je voudrais la transmettre aux nouvelles générations.
Real Madrid's English midfielder #5 Jude Bellingham vies for the ball against Pachuca's Moroccan midfielder #11 Oussama Idrissi during the 2024 FIFA Intercontinental Cup final football match between Spain's Real Madrid and Mexico's Pachuca at the Lusail Stadium in Doha on December 18, 2024. (Photo by Mahmud HAMS / AFP). AFP