Le derby casablancais, opposant le Raja et le Wydad, reste l’un des rendez-vous les plus attendus du football marocain depuis des décennies. Ce vendredi 22 novembre, les deux rivaux se retrouveront sur la pelouse du stade Larbi Zaouli à partir de 18h, dans le cadre de la 11e journée de la Botola Pro Inwi. Cependant, cette édition se jouera dans un contexte particulier où aucun des deux clubs n’affiche sa meilleure forme.
Au classement, le RCA, qui reçoit, occupe la 11e place avec 13 points (3 victoires, 4 nuls et 3 défaites), tandis que son rival historique pointe à la 6e position avec 15 unités (4 victoires, 3 nuls et 3 défaites). Ce match, qui se déroulera à huis clos, se fera sans la ferveur des supporters, une absence majeure qui atténuera l’ambiance électrique habituelle, mais ne diminuera pas l’intensité de l’affrontement sur le terrain.
Depuis leur première confrontation officielle dans les années 50 au stade Philip, le derby casablancais est devenu un événement national, une référence de rivalité sportive et culturelle. Plus qu’un simple match, il transcende le football, mêlant fierté régionale, identité culturelle et passion des supporters. Au fil des décennies, les rencontres entre les deux rivaux ont offert des moments mémorables, des retournements de situation spectaculaires et des tensions parfois explosives.
Des maillots partagés, des destins croisés
L’une des singularités du derby de la métropole réside dans les nombreuses figures emblématiques ayant porté successivement les maillots des deux clubs, un choix audacieux souvent controversé auprès des supporters. Parmi ces joueurs figurent Mohamed Beggar, Mustapha Choukri alias Petchou, Abdelkader Jalal, Mustapha Bettach, Mustapha Bidoudane, Mohsine Yajour, Abdelhak Aït Laarif, Mohamed Nahiri, ainsi que Hicham El Amrani, Zakaria Aboub, Omar Najdi, Zakaria Hachimi, Jawad Issen et Tarik El Jarmouni. Ces transferts, bien que parfois marqués par les critiques, témoignent de la volonté de ces joueurs de relever de nouveaux défis ou de retrouver le club de leur cœur.
Le premier à ouvrir cette voie n’est autre que feu Mohamed Ben Lahcen Tounsi, alias Père Jégo, véritable pionnier du football casablancais. Fondateur et artisan des succès des Rouges, il a marqué l’histoire en changeant de camp en 1955 pour rejoindre les Aigles Verts. Deux ans après son arrivée, le 10 février 1957, sur le banc du Raja, il conduit les Verts à leur premier coup d’éclat en remportant le tout premier derby officiel (1-0), grâce au but du défenseur Mohamed Laâchir El Ouejdi, au stade Marcel Cerdan, ancêtre du stade d’honneur et du complexe Mohammed V. Cette victoire a inscrit une nouvelle page dans la rivalité historique entre les deux formations.
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Nous avons joint un ancien joueur des deux clubs casablancais, Abdelaadim Khadrouf (Wydad 2016-2018, Raja 2018), qui a confié que jouer pour les deux géants de la ville et du Maroc avait été un véritable rêve d’enfant. «Porter le maillot des deux équipes, c’est une immense fierté pour moi», a-t-il déclaré.
L’ancien milieu de terrain a également partagé avec nous une anecdote pour le moins cocasse: «Quand j’ai rejoint le Raja après mon passage chez les Rouges, mon premier match était un derby. Après l’échauffement, alors qu’on remontait du vestiaire pour se préparer à la photo traditionnelle d’avant-match, j’ai, par habitude, proposé à mes coéquipiers de poser debout, comme on le faisait au WAC. Là, Badr Banoun m’a tapé sur l’épaule en disant: ‘Réveille-toi, ici, c’est le Raja!’».
Pour Mustapha Bidoudane, ancien attaquant (Raja 2002-2005, WAC 2007-2010), les débuts au Wydad n’ont pas été simples, bien qu’il ne s’agisse pas d’un transfert direct. «Quand tu développes une relation forte avec les supporters, ça peut devenir compliqué», nous confie-t-il.
Il partage une anecdote marquante, avec un sourire en coin: «pendant les trois ou quatre premiers mois après mon arrivée au Wydad, j’essayais de rester incognito. Mais un jour, je me suis réveillé et j’ai trouvé ma voiture entièrement repeinte en vert!» (dit-il en riant). Heureusement, la situation s’est apaisée grâce à un match clé : «Ce qui a tout changé, c’est le derby de la Coupe du Trône (victoire 2-0 du WAC), où j’ai marqué les deux buts de la victoire. Les supporters du Raja ont remarqué que j’avais célébré normalement, sans excès. Ils ont compris que j’étais un joueur professionnel, que ce n’était que leur ‘petit’ qui avait marqué contre eux. Depuis, une relation de respect mutuel s’est installée».
Ce phénomène ne concerne pas seulement les joueurs, mais aussi les entraîneurs. Plusieurs techniciens ont marqué les deux clubs, à l’instar de Père Jégo, Kacem Kacemi, Abdelkader Lakhmir, Oscar Fulloné, Faouzi Benzarti, José Romao et Juan Carlos Garrido. Ces figures emblématiques ont contribué à façonner cette rivalité unique et à écrire de belles pages dans l’histoire des deux équipes.
Malgré les difficultés actuelles des deux formations, ce derby reste une opportunité cruciale pour relancer une saison en demi-teinte.