Nous l’avons tous rêvé, les Lionceaux de l’Atlas l’ont fait. Dans les premières heures de ce jeudi 2 Octobre 2025, les hommes de Mohamed Ouahbi ont ajouté la Seleção à leur tableau de chasse, 72 heures seulement après avoir maté la Rojita.
Ces deux performances prouvent à quel point les U20 ont franchi plusieurs étapes dans leur mindset, puisqu’ils ont abordé chacune de leur sortie dans cette Coupe du monde disputée au Chili, avec sérieux, abnégation, rigueur et surtout sans le moindre complexe. Une attitude que toutes les sélections nationales adoptent désormais sans arrogance aucune.
J’appartiens à une génération qui a été bercée pendant son enfance et son adolescence par ce que nous ont raconté nos parents, oncles ou grands-parents à propos du Brésil. Pour nos ainés, ce pays était une usine de magiciens du football, la Mecque des virtuoses qui étaient capables d’enchanter les foules sur un terrain de football. Nous avons tous d’une façon ou une autre récité quelques noms mythiques: Pelé, Garrincha, Vava, Jairzinho, Rivelino, Tostao, Zico, Socrates, Falcao etc.
Notre période d’adulte n’a pas non plus manqué de virtuoses du «futebol samba». Ronaldo, Rivaldo, Ronaldinho, Kaka, Cafu et autres Roberto Carlos ont enchanté nos soirées Calcio, Liga ou Champions League. Nous regardions leurs exhibitions avec des yeux de Chimène en nous demandant souvent à quelle sauce notre équipe nationale allait être mangée en cas de confrontation avec ces funambules du ballon rond.
Nous avions eu quelques éléments de réponse en 1997 et 1998 lorsque la génération Naybet avait croisé le fer avec les Auriverde. A Belém en amical, les poulains de feu Henri Michel avaient crânement défendu leurs chances. Quelques mois plus tard, en Coupe du monde, ils avaient tout de même mesuré le fossé qui séparait les deux nations avec à la clé une défaite lourde de conséquences.
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En 2005, la génération légendaire des U20 s’étaient inclinés en match de classement du Mondial néerlandais. Plus de deux décennies se sont écoulées depuis ces confrontations. Et visiblement, nos complexes se sont dilués avec le temps. Il y a certainement un avant et un après Qatar 2022. Cette épopée a contribué à changer tant de perceptions que ce soit celle des joueurs, des dirigeants mais surtout celle des supporters.
Désormais, nous ne vivons plus le football par procuration, et si certains assument sans complexes leur culture clubiste, d’autres ont désormais toute la latitude pour vivre leur passion uniquement et exclusivement avec les sélections nationales.
Le Mondial U20 au Chili en est l’illustration la plus parfaite. Devant le petit écran, des millions de marocains ont applaudi chaque parade de Benchaouch, apprécié la sobriété du quatuor défensif, apprécié chaque remontée de balle du capitaine Essadek ou eu la chair de poule sur les deux buts de Maama et Zabiri.
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L’orchestre marocain a joué sa partition sans fausses notes, comme trois jours plus tôt devant des ibériques arrogants, puis surpris et enfin résignés devant les vertus démontrées par nos Lionceaux de l’Atlas.
Ces derniers sont le fruit du travail méthodique de la FRMF notamment en matière de formation. Sur la liste des 21 sélectionnés, dix sont passés par la case formation, soit à l’Académie Mohammed VI, soit via la filière de clubs comme l’AS FAR, le KACM ou même l’USMO.
Ces chiffres révèlent le travail de fond effectué par l’Académie Mohammed VI, voulue par Sa Majesté le Roi, afin de permettre à la Jeunesse marocaine de s’épanouir et de créer de la valeur via le football. Ces mêmes chiffres indiquent à quel point la FRMF a effectué un travail de fond reflété ces dernières années par le nombre de titres ou de places de finalistes obtenus par les différentes sélections nationales (U23 , U17, Féminines, Futsal masculin et féminin).
Dans son État-major au Complexe Mohammed VI, l’organisation huilée de la DTN, l’enseignement académique et pratique dans les centres régionaux, et en complément un scouting efficace, sont autant d’éléments qui permettent d’obtenir des résultats probants, tant au niveau du vaisseau amiral, la sélection A, que dans les autres composantes de l’armada footballistique.
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Autre enseignement majeur dans notre réflexion: Le travail et la rigueur finissent par réduire le fossé entre les grandes nations de foot et le Maroc. Naguère, nous abordions les matchs de Coupe du monde avec l’envie de créer un exploit. L’opinion publique fêtait dans la rue l’épopée de Mexico 86 ou celle de Tunis 2004, car elle savait dans son for intérieur que ces prouesses étaient éphémères. De nos jours, le processus est industrialisé et la réaction est que chaque victoire est une évidence.
Rappelez-vous, personne n’est sorti il y a quelques semaines, pour fêter la qualification au Mondial 2026. Personne non plus ne va sauter comme un cabri, comme dirait le Grand Charles de Gaulle, après ces succès devant l’Espagne et le Brésil.
Bien au contraire, ces résultats reflètent un changement d’état d’esprit. Les joueurs regardent dans le blanc des yeux leurs rivaux, quels qu’ils soient. Ils les respectent certes, mais ils ne nourrissent aucun complexe vis à vis d’eux.
L’opinion publique doit leur emboiter davantage le pas, histoire d’éviter quelque réflexion aigre-douce du genre «Yamal, Cubarsi, Endrick et Messinho n’ont pas été autorisés par leurs clubs» à prendre part au tournoi mondial. Nous leur rétorquerons que les Lionceaux de l’Atlas ont pâti des mêmes contraintes sans les Ben Seghir, Ait Boudlal, Aznou, Houary ou Koutoune. Certes, ces noms sont moins ronflants que ceux de nos rivaux, mais la présentation de cette liste non-exhaustive permet de battre en brèche tant de théories fumeuses, fruit de tant de décennies de complexes.
Cette barrière mentale doit disparaître de notre logiciel. Cela ne veut pas dire que le microcosme du football marocain doit avoir un comportement arriviste ou nouveau riche. Il a seulement pour obligation de croire en ses chances, et de se dire que quel que soit l’adversaire, il faudra être compétitif face à lui, le pousser dans ses derniers retranchements et croire jusqu’au bout dans ses propres possibilités avec un leitmotiv: En 2025, l’impossible n’est plus marocain.






