Le Sentier de la Gloire

Achraf Hakimi et Ghizlane Chebbak après avoir reçu leurs Ballons d'Or africain, le 19 novembre 2025. AFP or licensors

ChroniqueAchraf Hakimi a enfin été consacré meilleur joueur africain de l’année. Il rejoint ainsi, dans le cercle très fermé des Marocains Ballons d’Or ou lauréats du CAF Award, feu Ahmed Faras en 1975, Mohamed Timoumi dix ans plus tard, Zaki Badou en 1986 et Mustapha Hadji en 1998. Outre ce triomphe, cinq autres récompenses ont été décernées au football marocain, désormais locomotive du football continental sur et en dehors du rectangle vert.

Le 20/11/2025 à 14h18

Achraf Hakimi a enfin touché son graal. Archi-favori l’année dernière, il avait vu le CAF Award du meilleur joueur masculin lui filer entre les doigts au profit du Nigérian Ademola Lookman. Mais contrairement à beaucoup de joueurs au mental fragile, le capitaine des Lions de l’Atlas est resté arquebouté à ses valeurs: travail, humilité, discrétion et leadership par l’exemple. Ces vertus, cultivées dans une famille modeste puis développées dans les différents clubs par lesquels il est passé, et surtout en sélection depuis dix ans, lui ont permis de remonter la pente, de redoubler d’efforts et de gagner haut la main le millésime 2025. Jamais, ô grand jamais, Salah ou Osimhen, derniers rescapés d’une short-list pour la forme, n’auraient pu lui contester ce trophée tant il a dominé ses partenaires et ses adversaires.

Conscient de ses responsabilités et sûr de son talent, Hakimi a proposé à l’assistance un speech ciblé, mettant en avant la vision de Sa Majesté, l’exigence du président de la FRMF, le soutien de son club, celui de ses coéquipiers tant en sélection qu’au PSG, et enfin la complicité qu’il a cultivée au fil du temps avec Walid Regragui, avec qui il ambitionne de remporter une CAN que toute une nation appelle de ses vœux. Achraf, qui mène une course contre la montre pour être opérationnel dans un mois, connaît l’importance de l’enjeu continental. Il sait aussi qu’après cinquante ans d’attente, de frustrations et de rendez-vous manqués, les Lions de l’Atlas n’auront pas droit à l’erreur.

Outre ce moment clé fêté par toute une nation, d’autres highlights ont éclairé la soirée. Quel plaisir de voir Ghizlane Chebbak plébiscitée comme joueuse africaine de l’année. Cette victoire consacre à la fois le talent de la meilleure joueuse marocaine de tous les temps, mais également les efforts fournis par notre pays pour promouvoir le football féminin. Chebbak, comme tant de joueuses, a vaincu tellement de préjugés sociaux que le moindre petit pas en avant des Lionnes de l’Atlas est un grand pas dans la promotion de la femme via le football.

Ce grand chelem, avec les deux principales récompenses de ces CAF Awards, a été agrémenté par le sacre de Yassine Bounou, qui est un autre modèle de résilience. Son parcours doit être enseigné dans toutes les écoles de foot. Imaginez les difficultés par lesquelles est passé le meilleur keeper marocain de tous les temps. Faites juste un flash-back dans le temps pour voir les paliers qu’il a dû franchir pour convaincre les entraîneurs ou les sélectionneurs les plus sceptiques à son sujet. Mais Yassine n’a jamais baissé les bras, et a continué à travailler dur et surtout à croire en son destin. Un destin qui pourrait davantage lui sourire le 18 janvier prochain si le Maroc venait enfin à vaincre le signe indien et à remporter sa CAN.

Trois autres titres ont également mis en avant la décade prodigieuse du foot marocain. Celui remporté par les U20 rappelle l’épopée de Santiago et ce sacre mondial que nous avons tous fêté il y a un mois dans les principales artères du Royaume. La bande à Ouahbi a fait honneur à un pays et à tout un continent. Cet award est également agrémenté par celui trusté par le jeune Maamma. Ce dernier marche sur les pas de Hakimi, lauréat de cette récompense en 2018 et 2019. Mais pour que ce titre ne soit pas seulement une simple illusion, le sociétaire de Watford devra garder les pieds sur terre, bosser deux fois plus et ne pas se reposer sur son seul talent. Idem pour Doha Madani, qui pourrait ajouter une nouvelle ligne à son palmarès en cas de sacre, ce vendredi, de l’AS FAR en finale de la Champions League féminine.

Toutefois, le grand chelem marocain aurait pu être agrémenté par la petite cerise sur le gâteau. Mais la CAF, fidèle à sa logique, a joué un peu les rabat-joie. Sinon, comment expliquer le sacre du sélectionneur du Cap-Vert aux dépens de Mohamed Ouahbi? Si la qualification historique de ce beau pays pour la Coupe du Monde méritait une récompense, celle du Maroc et de l’Afrique à une Coupe du Monde, même en U20, lui est supérieure, car elle rejaillit sur tout un continent. Sinon, il aurait fallu ne pas mélanger entraîneurs de clubs ou de sélections seniors et coachs des catégories jeunes, et ne valoriser celui qui a cornaqué la bande à Baouf que via une récompense spéciale. Mais la logique de l’instance présidée par brother Patrice Motsepe n’a aucun lien avec le raisonnement cartésien.

Mais faisons contre mauvaise fortune bon cœur, tant le cru 2025 pour le football de notre beau pays est exceptionnel. Mais il n’aura de valeur que s’il est couronné par la CAN qui aura lieu at home. Le sentier qui mène vers la gloire est souvent escarpé, avec des chutes qui font partie du chemin, comme dirait le nouveau meilleur joueur africain de l’année, Achraf Hakimi. Mais le retour fait souvent la différence.

Par Amine Birouk
Le 20/11/2025 à 14h18