Si le Complexe Moulay Abdellah m’était conté

L'ancien complexe Moulay Abdellah. Omar Taibi

ChroniqueDans quelques heures, le Complexe Moulay Abdellah de Rabat entrera dans une nouvelle dimension. L’inauguration princière a transformé ce joyau, longtemps considéré comme l’un des fiefs incontournables du football marocain, en l’un des temples du football mondial. En quarante-deux ans d’existence, le Complexe Moulay Abdellah a connu plusieurs vies, chacune marquée par son lot d’anecdotes et de souvenirs indélébiles.

Le 05/09/2025 à 10h15

Nous sommes le 24 juillet 1983. Le Complexe Sportif de Rabat vit son premier frisson à l’occasion du match d’ouverture de la Coupe de Palestine Maroc–Syrie, compétition ouverte aux sélections U20. Le rbati lambda a l’opportunité de s’approprier un petit bijou, fruit de la coopération entre le Royaume et la République populaire de Chine. Un mois plus tard, les Lions de l’Atlas affrontent le Nigéria dans le cadre du dernier tour des éliminatoires de la CAN 1984. Un match marqué par le sceau de la maladresse, de la malchance, ou peut-être des gris-gris du portier des Eagles, Peter Rufai. Ces deux souvenirs, en prélude des JM de 1983, constituent un peu le préambule d’un stade situé en lisière de la capitale, et qui suscitait déjà un mélange d’admiration et de scepticisme.

Quelques mois plus tard, plus exactement le 29 janvier 1984, Feu Sa Majesté Hassan II procédait à son inauguration officielle lors d’un Maroc–PSG de gala, en présence du maire de Paris, Jacques Chirac. Depuis lors, le Complexe a pris sa dénomination officielle. Il débutait ainsi son âge d’or. À l’époque, il pouvait contenir 60 000 spectateurs assis sur du ciment. Déjà, il devenait l’un des lieux privilégiés du sport marocain, avec les Championnats d’Afrique d’athlétisme, un Maroc–Libye qualificatif pour Mexico 86, ou encore l’épopée de l’AS FAR en Champions League 1985. C’est d’ailleurs sur ce gazon, maudit ou pas, que Timoumi sera salement agressé par un certain Gamal Abdellah.

Depuis lors, le Complexe Moulay Abdellah a été la scène idéale pour quelques virtuoses du foot, qu’il s’agisse des chevaliers de la Botola, des héros ou anti-héros des Lions de l’Atlas, notamment le come-back de Ziyech un soir de l’Aïd El-Adha lors du match décisif Maroc–Mali en chemin vers la Russie, ou encore de quelques épisodes cocasses ou épiques du Mondial des Clubs (de la célèbre inondation de 2014 aux chevauchées de Vinicius, sans oublier les partitions de Kroos et Modric en finale de l’édition 2023).

Les plus sceptiques, en 1983, pensaient que ce stade de banlieue était un flop. Loin de toute habitation, sans véritables dessertes ou transports pour y amener du public, certains craignaient qu’il ne devienne un éléphant blanc. Aujourd’hui, il est situé quasiment en plein centre, entre Hay El Fath, Hay Riad et Témara. Il disposera bientôt d’une gare qui facilitera la tâche des supporters. Son architecture et ses commodités sont pensées pour le football de très haut niveau.

Le stade prend ainsi sa forme quasi définitive, répondant au cahier des charges de la FIFA pour le Mondial 2030. Plus de piste d’athlétisme, une meilleure visibilité pour les spectateurs, et toutes les commodités possibles pour transformer un match de football en spectacle, afin que le supporter soit enfin considéré comme un client.

Mais en attendant, il sera le point névralgique de la CAN 2025 dans quelques mois. C’est sur sa pelouse que les poulains de Regragui devront composter leur ticket pour le Mondial nord-américain, avant de viser cette CAN qui nous fuit depuis 1976. D’ailleurs, un message est lancé à tous ceux qui auront le bonheur de vivre in situ ces deux événements: profitez du moment, appropriez-vous ce petit bijou, faites en sorte qu’il puisse briller de mille feux. En attendant de communier tous ensemble, et de prendre date pour le 18 janvier 2026, au moment de la grande finale de la CAN, avec l’espoir, ou la certitude, de voir Hakimi brandir le trophée de champion d’Afrique des nations.

Par Amine Birouk
Le 05/09/2025 à 10h15