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Un brutal rappel à l’ordre après une nuit tragique

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On a bradé les prix pour le match contre Al Ahly, ce n’est pas logique, le match le plus important de la saison doit être le plus cher. Il semble que c’est la logique populiste qui s’est imposée, on voit le résultat.
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On se voyait trop beaux, plongés dans une rivalité stérile avec un voisin qui, fatalement, nous tirera vers le bas, nous n’avons pas vu venir. Les événements qui se sont déroulés dans les alentours du complexe Mohammed V, samedi 29 avril avant le match retour des quarts de finale de la Ligue des Champions de la CAF entre le Raja de Casablanca et Al Ahly du Caire, sonnent comme un brutal rappel à l’ordre pour toutes les composantes de la famille du football au Maroc.

Ce sont des événements tragiques qui se sont soldés par le décès d’une jeune supportrice du club casablancais, emportée par un mouvement de foule violent que personne n’a réussi à maîtriser.

«Ce n’est pas la première fois qu’un mouvement de foule a une conclusion aussi tragique», répondent tous ceux qui cherchent à se dégager de toute responsabilité, tout en se cachant derrière une fatalité qui a bon dos. D’autres exigent une enquête et des sanctions. Ils ont raison, mais encore faut-il, parallèlement à l’enquête, analyser les causes de cette triste actualité.

Il est vrai que la finale de la Ligue des Champions européenne à Paris a connu des mouvements de foule qui ont retardé le coup d’envoi de plusieurs et longues minutes, mais ce n’est en rien comparable. Le mal qui touche l’organisation des matchs de football est plus profond. Ne pas reconnaître les efforts réalisés, depuis quelques années déjà, serait négatif, mais ce qu’il reste à faire est important et surtout urgent, compte tenu des challenges qui attendent le pays.

Les vidéos qui circulent sur les différentes plateformes font beaucoup de mal à l’image du Maroc et ternissent son ambition qui est d’organiser d’importantes compétitions: la CAN 2025 et le Mondial 2030. Le dispositif de vente des billets mis en place par les organisateurs donne des résultats, notamment sur la lutte contre le marché noir, mais il faut faire plus.

Le football est une affaire d’émotions, de rivalités et, des fois, de fanatisme. Son public doit être appréhendé par des équipes pluridisciplinaires en capacité d’analyser des domaines aussi divers que la sociologie des foules, l’urbanisme et l’accès au stade, la sécurité des personnes et la gestion de leurs déplacements en capitalisant sur les expériences passées, qu’elles soient positives ou négatives.

C’est aussi une affaire d’associations de supporters et de logique économique de tarification. On a bradé les prix pour le match contre Al Ahly, ce n’est pas logique, le match le plus important de la saison doit être le plus cher. Il semble que c’est la logique populiste qui s’est imposée, on voit le résultat. Parallèlement, créer des fan zones attractives dans tous les quartiers de la ville pour diffuser les matchs et permettre à ceux qui n’en ont pas les moyens de profiter de l’ambiance. Au Bernabeu, l’ambiance est exceptionnelle lors des finales de Ligue des Champions que le Real joue ailleurs.
    
Ce n’est pas qu’une question d’organisation, c’est aussi une affaire de coordination d’avant match. Organiser un match de championnat, ou un match international ne s’improvise pas, il s’agit de sécuriser les alentours et proposer un parcours clair au spectateur qui doit savoir exactement ce qu’il a à parcourir pour atteindre la place numéroté qu’il a acheté quelques jours auparavant. Les circuits doivent être tracés et testés avant d’être expliqués. Le travail pédagogique est important.

Le travail des forces de l’ordre est souvent remarquable et les moyens déployés impressionnants. C’est vrai aussi, mais ce n’est pas suffisant.

Un rapprochement avec les associations et leur responsabilisation sur tous les aspects, y compris sécuritaires, s’impose. Les plus grands clubs du monde ont noué des partenariats tripartites avec leurs associations de supporters et avec les autorités en charge de la sécurité. C’est peut-être un partenariat à envisager pour les clubs marocains.

Les associations de supporters des grands clubs au Maroc arrivent à concevoir des tifos gigantesques, qu’il faut dessiner, imprimer, financer et déployer quelques petites minutes avant le match. Elles se sont fait connaître à travers le monde pour la qualité de leurs prestations. Pourquoi ne pas envisager de capitaliser sur leurs compétences organisationnelles pour les associer à l’organisation des matchs?

C’est tragique de voir mourir une jeune femme dans la fleur de l’âge dont le seul tort est d’avoir voulu soutenir son équipe de cœur.
C’est honteux de voir la place qu’on a achetée occupée par un autre dans l’irrespect total de l’organisation. Les supporters espagnols du Real Madrid qui ont assisté à Rabat au Mondialito n’ont toujours pas compris cette foutaise. Pourtant, ils étaient ravis de tout ce qu’ils ont vu par ailleurs: qualité de la pelouse, ambiance du stade, feux d’artifices de la clôture et hospitalité des habitants.

Chez les grands clubs, l’achat des billets répond à une hiérarchie, les «socios» sont privilégiés, ils achètent leurs billets directement via le club. Les membres des associations de supporters sont servis après eux. Enfin, le spectateur lambda se sert soit au guichet soit par Internet. Chaque détenteur de billet connaît son parcours, on lui a expliqué lors de l’achat, il se rend d’abord, muni de son billet, à un point de rencontre, il est pris en charge et conduit vers sa place numérotée qu’il trouvera libre en arrivant. Chaque association a son carré réservé et ses adhérents bénéficient de tarifs privilégiés. Elle détermine, en coordination avec les autorités, un point de rencontre à l’extérieur du stade à partir duquel l’accès sera facilité. Le spectateur qui sera rassuré d’accéder au stade grâce au billet acheté et de trouver sa place numérotée libre ne cédera jamais à la panique et à la précipitation.
 
Quel que soit le dispositif retenu, le spectateur détenteur d’un billet doit pouvoir accéder à sa place en toute sécurité, ceux qui souhaitent la fermeture du stade comme alternative sont dans la même logique que ceux qui prônent l’abstinence pour lutter contre le Sida. Gagner le droit d’organiser la CAN et la Coupe du monde, c’est aussi baliser le parcours du spectateur, de l’achat du billet jusqu’à la place réservée, en passant par le rassemblement près du stade. A défaut, ce sera l’échec et le brutal rappel à l’ordre du weekend n’aura servi à rien.

Par Larbi Bargach
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