La Coupe du monde 2026, organisée conjointement par les États-Unis, le Canada et le Mexique, s’annonce comme un événement hors normes: un format élargi à 48 équipes, 104 matchs, des installations de pointe et une couverture médiatique estimée comme la plus massive de l’histoire du sport. Mais à mesure que les premières informations sur la billetterie et les coûts logistiques se dévoilent, une inquiétude grandit parmi les passionnés: le Mondial nord-américain pourrait devenir la Coupe du monde la plus chère jamais organisée, au point de remettre en cause l’accessibilité même de l’événement.
Au cœur de cette inquiétude figure le modèle américain du dynamic pricing, un système où les prix ne sont jamais fixes. Ils évoluent en fonction de la demande, du volume de requêtes en ligne, de la réputation de l’affiche, et même de paramètres algorithmiques sur lesquels le consommateur n’a aucune prise. Ainsi, une chambre d’hôtel normalement vendue autour de 200 USD ne sera pas proposée à moins de 500, voire 600 USD, et probablement davantage pour les retardataires.
Ce mécanisme, courant dans le sport professionnel américain, pourrait transformer l’achat de billets pour le Mondial en une course effrénée, voire injuste. Certains tickets pour la finale sont déjà annoncés entre 5.000 et 20.000 dollars, un niveau totalement inédit. Les billets des matchs de poules pourraient connaître des fluctuations quotidiennes, rendant quasi impossible toute projection financière pour les fans étrangers.
Les supporters américains, déjà habitués à des prix très élevés en NBA, NFL ou MLB, semblent mieux armés pour naviguer dans ce système. En revanche, pour le fan marocain, brésilien, sénégalais, égyptien ou indonésien, ce modèle représente un obstacle presque infranchissable.
À ce tableau déjà ombragé s’ajoute la question de la plateforme officielle de revente, la FIFA Official Ticket Resale Platform. Dans l’idéal, elle permet d’éviter le marché noir et de sécuriser les transactions. Mais dans un marché dominé par la logique spéculative, elle pourrait devenir un terrain de jeu pour des acteurs cherchant à maximiser leurs profits, d’autant plus que la FIFA prend une commission au passage.
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La FIFA n’a pas encore communiqué sur les garde-fous qu’elle compte mettre en place. Sans régulation stricte, la revente pourrait amplifier la volatilité des prix, surtout pour les matchs les plus prisés: phases finales, rencontres impliquant des équipes à forte diaspora, match d’ouverture et finale.
L’un des éléments les plus déconcertants de ce Mondial est la vente anticipée de billets sans affectation précise. Aux États-Unis, sur les 6 millions de billets prévus, près de 2 millions ont déjà trouvé preneur, alors que leurs détenteurs ne savent pas encore pour quels matchs ils ont payé.
Cela reflète plusieurs dynamiques: Une confiance totale du public américain dans l’organisation de l’événement ; le pouvoir d’achat élevé d’un public prêt à investir massivement dans des expériences sportives ; une asymétrie structurelle entre supporters américains et fans internationaux, ces derniers étant contraints d’attendre les affectations pour planifier voyages et budgets.
Cette situation alimente la crainte que les stades soient massivement occupés par des spectateurs locaux, au détriment des supporters venant soutenir leurs équipes depuis l’étranger.
Les États-Unis comptent parmi les marchés hôteliers les plus chers du monde, et les villes retenues ne dérogent pas à la règle: New York, Los Angeles, Miami, Seattle, Dallas ou encore San Francisco figurent régulièrement en tête des destinations les plus coûteuses. Une véritable inflation est attendue dans tout le secteur hôtelier. Lors d’événements sportifs d’envergure, les prix des chambres peuvent doubler ou tripler. Pour une Coupe du monde étalée sur plus d’un mois, les projections sont encore plus alarmantes : certains opérateurs évoquent déjà des tarifs « jamais vus ».
Les fans devront donc anticiper des hausses massives des prix des hôtels, une saturation prévisible des logements alternatifs et des coûts de transport interne très élevés, puisque les distances entre villes hôtes exigent souvent le recours à l’avion.
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L’ensemble de ces paramètres pose une question centrale: à qui s’adressera réellement la Coupe du monde 2026? Les 250 millions de licenciés du football dans le monde pourraient se sentir frustrés. Leur sport leur échappe.
Le modèle nord-américain, dominé par les logiques commerciales et les mécanismes spéculatifs, semble incompatible avec la tradition du football en tant que sport populaire.
On pourrait assister à l’émergence d’un Mondial à deux vitesses: Une Coupe du monde premium, largement fréquentée par le public nord-américain et les supporters les plus aisés ; Une Coupe du monde à distance pour des millions de fans internationaux qui devront se contenter des retransmissions télévisées, faute de moyens suffisants pour se rendre sur place.
Pour les supporters venant de pays où le revenu médian est largement inférieur à celui des États-Unis, qu’il s’agisse de nations africaines, latino-américaines, asiatiques ou même européennes, l’expérience pourrait devenir inaccessible.
La FIFA est visiblement face à un dilemme stratégique. Elle devra tôt ou tard répondre à cette problématique. Certes, le choix des États-Unis garantit des infrastructures de haut niveau, des recettes record, un marché publicitaire colossal et une organisation logistique d’une fiabilité rare. Mais cette logique financière pourrait entrer en contradiction directe avec la mission sociale et symbolique du football: rassembler, fédérer, inclure.
Si le Mondial 2026 se transforme en événement élitiste, il risque de laisser une trace négative durable dans l’opinion publique. Le football moderne, déjà critiqué pour sa dérive commerciale, pourrait faire face à une contestation accrue venant des fans, ces mêmes fans qui font vivre ce sport, d’autant plus que les revenus de la FIFA devraient passer de 7,5 à 13 milliards USD.
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Le Mondial est ainsi sous tension. En 2026, il sera sans doute spectaculaire sur le plan sportif et organisationnel. Mais il pourrait aussi devenir un tournant dans l’histoire de la Coupe du monde: celui où l’événement cesse d’être un rendez-vous populaire et accessible pour se transformer en produit premium destiné à un public privilégié.
Entre inflation des billets, explosion des prix hôteliers, distances logistiques et modèle économique américain, le risque est réel de voir cette édition entrer dans l’histoire comme la plus exclusive, la plus chère et la moins accessible.
La FIFA, les organisateurs et les villes hôtes devront trouver les moyens d’atténuer cette dynamique pour ne pas sacrifier l’essence même du football: un sport universel, qui appartient à tous.
La proximité de Gianni Infantino avec Donald Trump, voire l’amitié qui lie les deux hommes, pourra-t-elle aider en quelque chose?




