Le monde du ballon rond a la particularité de transcender les classes sociales, de supprimer les frontières et de développer des sentiments d’appartenance de différentes natures: nationales, régionales ou locales.
Certaines entreprises ont même lancé leurs propres clubs de football pour développer un fort sentiment d’appartenance chez leurs employés et les familles de ces derniers.
PSV Eindhoven ou Bayer Leverkusen ont porté la marque qu’elles représentent bien haut, juste à travers des performances sportives auxquelles le public s’est identifié.
Des chefs d’État, des patrons de grosses entreprises, et non des moindres, se sont retrouvés Présidents de club de football. C’est dire le niveau de passion engendré par ce sport éminemment populaire.
Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre italien, a occupé la présidence de l’AC Milan de la grande époque. Il représente une caste d’hommes d’affaires qui ont, tour à tour, incarné des équipes de football partout dans le monde.
Ils ont surfé sur la popularité de leur club pour développer leurs groupes industriels et améliorer l’image du capitalisme, dont les débuts ont été particulièrement cruels pour la classe ouvrière.
Ce n’était pas du tout l’objectif du regretté souverain, Sa Majesté Hassan II, lorsqu’il a, en sa qualité de Prince héritier, créé l’équipe des FAR, devenue depuis l’AS FAR.
Il voulait que le football, sport populaire et source de fierté pour un pays nouvellement indépendant, se développe dans un contexte de rigueur, de discipline et de professionnalisme.
Il a, à cet effet, recruté un certain nombre de jeunes officiers et d’hommes de troupe de la nouvelle armée marocaine, issus du sport militaire, pour en faire une équipe compétitive, encadrée par un entraîneur de valeur, un homme à poigne, feu Guy Cluseau.
L’équipe ainsi constituée disposait de moyens importants avec des conditions d’entraînement dignes des plus grands clubs européens de l’époque. Les joueurs étaient soumis à la fois aux dures conditions d’entraînement et à la formation militaire, en vue d’une carrière post-parcours footballistique.
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Une génération d’officiers supérieurs est passée par le «onze» militaire, et a marqué l’histoire du football au Maroc: que ce soit des généraux comme Benslimane, Bamous et Zemmouri, ou des colonels dont Mehdi Belmejdoub et Akkari (sans avoir joué, il a longtemps dirigé le club) parmi tant d’autres.
Cette équipe des FAR s’est très vite imposée comme locomotive du football national. Sa toute-puissance était telle que les principales vedettes du football national terminaient leur carrière au sein du club, un peu comme le PSG ou le Bayern de Munich aujourd’hui dans les championnats français ou allemand.
Elle est aussi devenue attractive grâce à sa participation régulière à la Coupe Mohammed V, un trophée que l’AS FAR n’a jamais remporté mais où l’équipe a particulièrement brillé.
Les plus anciens d’entre nous se souviennent de la victoire de l’AS FAR face au grand Real Madrid, celui qui venait de remporter cinq Coupes d’Europe des Champions à la suite, en match de classement par 4-3.
Un match mémorable au cours duquel un joueur marocain, Mokhtatif, s’est distingué en marquant face au Real un hat-trick, un exploit unique pour un footballeur marocain 64 ans plus tard.
C’est aussi la première équipe marocaine à avoir participé à la Coupe d’Afrique des Clubs Champions, devenue depuis la Ligue des Champions d’Afrique, c’était en 1968.
Elle a perdu en demi-finale face au Tout Puissant Englebert (TP Mazembe) avant de devenir la première équipe marocaine à remporter le trophée en 1985.
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L’AS FAR formait l’ossature de l’équipe nationale avec 4 à 7 joueurs titulaires en permanence. Cette domination a perduré jusqu’en 1971. Depuis, une nouvelle génération de grands dirigeants s’est intéressée au football national.
Désolé pour les oublis, mais on peut déjà citer les Mekouar et Smili du Wydad, les Bouabid, Tber et Semlali du Raja, les Mesfioui au Raja de Beni Mellal, Benzakour du MAS ou Belhachmi du MCO.
Autant de grands noms qui ont pris le relais et ont permis au Maroc de continuer à briller sur la scène continentale.
En revanche, l’AS FAR a connu, entre 1971 et 1982, une longue période de vaches maigres qui s’est arrêtée en 1983 avec l’arrivée de Faria et l’émergence d’une nouvelle génération de footballeurs brillants et spectaculaires: les Timoumi, Laghrissi, Khairi, Dahane, Haidamou…
Cette équipe est aujourd’hui considérée, par beaucoup, comme la plus belle de l’histoire de la Botola.
Cette nouvelle ère va complètement bouleverser le statut de l’équipe, jadis considérée comme une équipe nationale bis, et son poids dans le football national.
Cette date correspond à l’ouverture du Complexe Moulay Abdellah, un stade moderne situé à proximité d’un des deux quartiers populaires de la ville de Rabat. Cette proximité a changé la nature du club et ses liens avec le public.
De club lié à l’administration, il est devenu celui des classes laborieuses et de la banlieue de Rabat, un club avec une nouvelle composition sociale, soutenu par un public fidèle et diversifié et recrutant en masse auprès de la jeunesse de Rabat, devenant ainsi le troisième club le plus populaire du Royaume derrière le Raja et le Wydad.
Ce statut et l’évolution de la Botola marocaine vers plus de professionnalisme a permis à l’AS FAR de faire sa mue afin de devenir un club comme les autres. Tellement comme les autres qu’il a remercié pour la deuxième fois cette saison un entraîneur pour mauvais résultats.
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C’était impensable il y a encore quelques saisons. Ce n’est pas le seul élément de sa normalité, son public s’est mobilisé pour refuser qu’un groupe de musiciens se produise dans sa ville pour des propos désobligeants de son principal animateur.
Il préconisait la disparition de l’AS FAR. Il s’est trompé de combat, parce que malgré cette normalité, l’AS FAR est parfaitement gérée, elle bénéficie du soutien de la Fondation des FAR, dont les recettes proviennent des cotisations de ses membres, de sponsors et des recettes des matchs.
Celles du prochain Complexe Moulay Abdellah sont, à cet égard, tout aussi prometteuses.
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