Wydad: une assemblée marathon qui en dit long

Assemblée générale du Wydad

Réuni durant près de neuf heures dans une séance marathon, le Wydad Athletic Club a tenu, lundi soir, son assemblée générale annuelle. Le président Hicham Aït Manna a saisi l’occasion pour dresser un tableau sans fard de la situation du club rouge: dettes abyssales, saison sportive ratée, absence de structure administrative et manque de stratégie de formation.

Le 16/09/2025 à 09h54

L’assemblée générale du Wydad n’a pas été une formalité. Débutée à 20 heures, elle s’est achevée au petit matin, vers 5 heures. Neuf heures d’échanges, de bilans et de vérités crues, au cours desquelles Aït Manna a choisi la transparence. Ses déclarations, parfois dures, ont révélé l’ampleur des défis auxquels fait face l’un des clubs les plus titrés et les plus populaires du royaume.

Le président des Rouges a reconnu avoir mal évalué l’ampleur de la crise financière. Lui et son bureau savaient que des problèmes existaient, mais ils n’avaient pas imaginé des dettes aussi colossales. À son arrivée, le club croulait sous 100 millions de dirhams de dettes, impayés envers joueurs, fournisseurs et banques.

«Nous savions que nous n’arrivions pas dans un long fleuve tranquille, mais nous n’avions pas mesuré la profondeur de la crise», a-t-il confié. Cette révélation a jeté une lumière crue sur un club qui, malgré ses succès passés, vivait au-dessus de ses moyens.

Aït Manna a décrit la première année de son mandat comme «une année de souffrance». Face aux difficultés financières et organisationnelles, le bureau directeur a choisi le silence, préférant protéger l’image du club plutôt que d’étaler ses problèmes sur la place publique.

«Nous avons traversé une année de calvaire, mais nous avons préservé le prestige du Wydad», a-t-il déclaré. Ce mutisme volontaire a néanmoins eu un coût: les supporters, mal informés, ont souvent donné crédit aux rumeurs et spéculations circulant autour du club.

Pas de règlement de comptes avec les prédécesseurs

Fait notable, Aït Manna a refusé d’accuser ses prédécesseurs. Selon lui, chaque président a eu sa méthode et sa philosophie de gestion. Concernant Saïd Naciri, empêché de poursuivre son mandat pour des raisons judiciaires, il a estimé qu’il aurait probablement trouvé des solutions aux dettes. Quant à Abdelmajid Bernaki, qui avait assuré une période de transition, il a jugé son action limitée par le temps et les moyens disponibles. Cette posture conciliante tranche avec la tentation habituelle de rendre responsables ceux qui ont quitté la scène.

Malgré ce tableau sombre, Aït Manna s’est voulu optimiste. Selon lui, un an suffira pour remettre le Wydad sur pied sur le plan financier.

«Avec du travail, nous pouvons surmonter les contraintes financières en moins d’une année», a-t-il assuré, provoquant une lueur d’espoir chez les adhérents.

Si les finances sont préoccupantes, le volet sportif ne l’est pas moins. Le président a reconnu l’échec total de la saison passée: aucun titre, une élimination prématurée et surtout la perte d’une place en Ligue des champions.

«Nous avons échoué, nous sortons de la saison avec zéro titre. J’assume toute la responsabilité», a-t-il admis.

Selon lui, le club a perdu un temps précieux à répondre aux rumeurs au lieu de se concentrer sur ses objectifs. Une dérive qui a pesé lourd sur la performance sportive.

Une situation sportive et administrative chaotique

À son arrivée, le bureau a découvert une situation sportive chaotique: la plupart des contrats de joueurs étaient arrivés à terme, et il n’y avait plus de staff technique en place. Contraint de recruter dans l’urgence, le club a dû composer avec les miettes du marché des transferts, ce qui a généré des erreurs de casting.

«Nous avons trouvé un effectif à reconstruire et aucun entraîneur. Nous avons dû agir dans la précipitation», a-t-il expliqué. Malgré tout, il affirme avoir réussi à préserver l’essentiel et à renforcer l’équipe avec de nouvelles recrues.

Le constat le plus alarmant d’Aït Manna concerne l’organisation interne du club. Selon lui, à son arrivée, le Wydad ne disposait d’aucune structure administrative digne de ce nom.

«Le premier contrat que j’ai signé, je n’ai même pas trouvé une imprimante au siège pour l’éditer», a-t-il raconté, soulignant aussi l’absence d’archives. Un aveu qui illustre l’amateurisme avec lequel un géant du football marocain était géré.

Autre point noir: le Wydad ne possédait aucune stratégie claire pour la formation des jeunes. Tout reposait sur les résultats de l’équipe première.

«Nous payons aujourd’hui l’absence d’une politique de formation. Nous avons investi dans les catégories de jeunes, mais ce travail ne se voit pas encore. Au Wydad, on ne juge que par les titres», a-t-il regretté. Ce déficit structurel coûte cher au club, obligé de dépenser sur le marché des transferts au lieu de puiser dans sa propre pépinière.

Malgré les échecs, Aït Manna a tenu à rassurer les fidèles du club: le Wydd retrouvera les titres dès cette saison si le soutien est au rendez-vous. «Nous n’avons pas pu offrir un trophée l’an dernier, mais avec l’appui de nos supporters et de nos composantes, nous en gagnerons un cette année», a-t-il promis.

En conclusion, il a défendu son bureau face aux critiques : «Ne doutez pas de la compétence des membres du bureau directeur. Ils travaillent dans l’ombre et je suis prêt à rendre des comptes».

Cette assemblée générale aura au moins eu le mérite de lever le voile sur la réalité du Wydad. Criblé de dettes, désorganisé sur le plan administratif, en panne de résultats sportifs, le club traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire récente. Mais en s’engageant à redresser la barre en un an, Hicham Aït Manna s’est placé face à un immense défi.

Entre scepticisme et espoir, les supporters du Wydad attendent désormais des actes. Car dans un club de cette dimension, les promesses n’ont de valeur qu’une fois traduites en titres.

Par Adil Azeroual
Le 16/09/2025 à 09h54