Quarante-huit heures séparent les Lionnes de l’Atlas d’un possible premier sacre africain. Face au Nigéria, lors de l’apothéose de cette 13e CAN féminine, les coéquipières de Ghizlane Chebbak ont tout d’abord une obligation de moyens, à savoir rivaliser avec les 9 fois championnes d’Afrique, puis logiquement un impératif supérieur : aller au bout de leur rêve.
Il est nécessaire dans tout processus de connaitre le point de départ, l’existant et voir quelles étapes ont été franchies pour arriver à un résultat tangible. Concernant le football conjugué au féminin, regarder dans le rétroviseur est une nécessité absolue.
Saluons tout d’abord les pionnières, qu’elles soient dirigeantes et surtout joueuses. Elles ont lutté contre vents et marées pour vaincre les préjugés d’une société conservatrice et patriarcale. Le chemin de la reconnaissance a été long et ce n’est qu’en 1997 que la première sélection nationale a vu le jour.
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Quelques mois plus tard, la bande à Tigana a pris part à la CAN. La première prise de contact avec le football africain de compétition s’est révélée très douloureuse avec une cinglante raclée devant le Nigéria 0-8.
Cette déroute a permis de comprendre le gap qui séparait la sélection féminine avec le nec plus ultra du football continental. Cet écart s’est par la suite accentué faute de vision, d’infrastructures et, surtout, faute de moyens financiers.
Sans vouloir faire preuve d’une quelconque ingratitude, sans l’arrivée de Fouzi Lekjaa, jamais les équipes nationales -toutes catégories confondues- n’auraient eu autant de moyens logistiques et financiers. Concernant le football féminin, le plan Marshall mis en place en 2019 a posé les jalons de la révolution dont nous sommes les témoins privilégiés.
Le triptyque infrastructures-moyens financiers-planification a été respecté par la FRMF. Il a permis de créer un environnement sain autour des Lionnes de l’Atlas, et leur a permis de gravir peu à peu les échelons sur le plan continental. Khadija Er-rmichi, Aziza Rabbah, Najat Badri et Ghizlane Chebbak ont vécu la période où la sélection était livrée à elle-même pour ne pas dire délaissée par les responsables de la FRMF.
Actuellement, l’existant est diamétralement opposé au passif de l’ère 2000-2019. Les Lionnes de l’Atlas ont trouvé le cadre pour apprendre à être compétitives. Elles ont bénéficié d’un programme de préparation minutieux et ont touché le haut niveau africain et mondial.
La montée en puissance a débuté à partir de l’année 2020 avec l’arrivée du Français Reynald Pedros. Ce dernier a contribué à bâtir des fondations solides. Avec un plan de jeu minimaliste basé sur une défense solide, l’exploitation maximale des coups de pieds arrêtés et un mental à toute épreuve Redouani, Tagnaout, Mssoudi et Cie sont parvenues au dernier carré de la CAN 2022. L’appui extraordinaire du public leur a permis de renverser la montagne nigériane et d’arriver en finale.
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Beaucoup de sceptiques ont alors clamé haut et fort que cet exploit serait sans lendemain. L’épopée du Mondial 2023 suivi de l’arrivée de l’Espagnol Jorge Vilda a balayé d’un revers de la main cette prétention. Le Champion du Monde 2023 a apporté sa science du jeu à l’espagnole à des joueuses avides d’apprendre et de progresser.
Désormais, l’équipe nationale féminine a un projet de jeu lisible, des circuits préférentiels affirmés et une ADN reconnaissable. Le capital mental et la rage de vaincre, déjà existants, n’ont pas été galvaudés. Bien au contraire. Tout au long de cette CAN 2024, les Marocaines ont su faire bloc dans l’adversité, répondre au défi physique imposé par des rivales plus costaudes et revenir dans le score. Tout cela, en imposant leur technicité.
Quel plaisir de voir nos joueuses combiner dans les petits espaces, renverser le jeu vers les côtés, créer les décalages et forcer les verrous adverses.
Le seul bémol dans ce jeu, qui reste perfectible, et avec ces joueuses qui sont encore en phase d’apprentissage, c’est le manque de justesse dans les décisions. Dans le dernier tiers du terrain, certains choix ne sont pas idoines. Défensivement, notre équipe est joueuse et a envie de relancer ligne par ligne, ce qui l’expose à des contre-attaques rapides.
Néanmoins, une partie du gap qui séparait le groupe Maroc avec le tout puissant Nigéria a été réduite. Et sur un seul match, pendant 90 ou 120 minutes, tout est possible. Avec cet état d’esprit irréprochable, en jouant sur leurs qualités, et si elles sont capables de résister à l’impact physique qui sera imposé par les Super Falcons, nos championnes sont capables d’écrire le plus beau chapitre du football féminin marocain.
Elles mettront tout leur cœur à l’ouvrage, et elles savent pertinemment qu’avec la gouvernance actuelle de la FRMF, l’avenir des Lionnes de l’Atlas à plus long terme est assuré. Avec cinq éditions de la Coupe du monde U17 consécutives organisées par le Royaume, les prochaines générations feront méthodiquement leur apprentissage du haut niveau.
C’est donc une évidence, la FRMF a tout prévu. Sa vision a été de gérer le court terme de manière efficiente et de préparer le long terme avec un process industrialisé avec un leitmotiv: Pense bien, fais bien, tu récolteras beaucoup de bien.
