Dans quelques années, lorsque viendra le temps de découvrir le nouveau stade Hassan II de Benslimane, théâtre de la finale du Mondial, si les étoiles veulent bien s’aligner, les Marocains seront fiers de voir s’afficher les portraits géants des légendes qui ont mené le pays si haut dans la hiérarchie du sport le plus populaire au monde. Il s’agit, on l’a bien compris, des joueurs de la génération 1962, celle de Maroc-Espagne, de celles des participations aux Coupes du Monde 1970, 1986, 1998, 2018 et 2022, celle des champions d’Afrique 1976 et celle des finalistes de Tunis en 2004. Le Maroc n’aurait jamais pu espérer devenir, avec le Portugal, le 20ᵉ pays à organiser une Coupe du Monde sur son sol sans leurs exploits, sans le génie de leurs entraîneurs, le sacrifice des dirigeants et la vision de ses Rois.
On pourrait même aller plus loin dans le temps et évoquer Larbi Ben Barek, Abderrahman Bel Mahjoub et Just Fontaine pour leurs exploits en équipe de France. Formés au Maroc, ils ont brillé en Europe, comme plus tard les Akesbi, Naybet, Bouderballa, Haddaoui, Zaki, Bassir et tant d’autres. Une chronique ne suffirait pas pour en faire le récit, comme pour raconter l’histoire des Marocains nés ailleurs et qui ont porté très haut le drapeau national. La marocanité n’est pas une question de lieu de naissance et ne le sera jamais.
Parmi ces Marocains d’ailleurs, en très bonne position pour ne pas dire aux premiers rangs, figure un des piliers des Lions de l’Atlas, le talentueux Hakim Ziyech. C’est depuis 2018 la star incontestée de l’équipe nationale. Son talent et son influence l’ont porté, depuis la Coupe du Monde 2022, au statut de capitaine de l’équipe du Maroc. Un poste qui aurait pu faire rire les dents des puristes de la rigueur, des intransigeants du respect de l’autorité, tant Hakim fait partie de la catégorie des rebelles qui ont animé l’histoire du football au Maroc.
C’est son leadership technique qui l’a imposé et son extraordinaire fraîcheur physique. Il se trouve que ce leadership n’est plus vraiment d’actualité. Ziyech souffre dans son quotidien de joueur: il n’est plus titulaire indiscutable en club et les blessures s’accumulent. Mais le plus insupportable pour le sympathique Hakim, c’est l’arrivée d’une nouvelle génération de grands talents.
Ziyech est extrêmement sympathique, malgré son caractère bougon, il donne l’impression d’être toujours de mauvaise humeur, mais il est sympa. Ça ne suffit pas quand la concurrence se fait jour. Et cette concurrence est de taille. C’est d’abord Brahim Diaz qui lui a fait de l’ombre et tout le monde s’en est rendu compte lorsqu’il s’est imposé avec autorité pour tirer un deuxième penalty, alors que Brahim était en quête de marquer son premier but en sélection. La réponse du joueur du Real Madrid ne se fera pas attendre, il marquera dans la foulée un super «golazo». Depuis, ce dernier est devenu le chouchou du public, un statut bien mérité et que son triplé et son excellente prestation face au Lesotho ne font que confirmer. Pour l’ancien joueur d’Ajax d’Amsterdam, la menace est multiple et variée. Elle a pour nom Ben Seghir, Ezzelzouli, Akhomach, Saibari, El Khannouss, Richardson, des talents jeunes, brillants et prometteurs.
Autre inquiétude pour notre ailier: ce sont les statistiques de l’équipe nationale sans lui et avec lui. Sur les dix derniers matchs des Rouges et Verts, il a été présent six fois pour cinq victoires, un nul et 14 buts marqués, soit une moyenne de 2,33 buts par match. Depuis qu’il n’est plus convoqué par Regragui, pour blessure et méforme, l’équipe a réalisé un sans-faute: 4 victoires en autant de matchs et 21 buts marqués, soit une moyenne stratosphérique de 5,25 buts par match.
Brahim Diaz. FRMF
En dix matchs, depuis la défaite en Coupe d’Afrique des Nations, les Lions de l’Atlas sont sur une autre planète, longtemps décevants pour leurs prestations à minima, ils se sont nettement améliorés dernièrement faisant taire un grand nombre de critiques, légitimement déçus par le résultat de la CAN Abidjan 2023.
Mais pour en revenir à Ziyech, s’il ne semble plus indispensable, il n’en reste pas moins que son talent, mis au service du collectif, reste utile. Il a de beaux restes et une belle expérience à partager avec les nouveaux Lions. Pour cela, il devra prendre exemple sur En-Nesyri, qui est disponible sur le banc de touche et buteur quand il le faut, et à l’étranger sur le Croate Modric et tous ceux qui font passer leur ego en second sur la hiérarchie des priorités.
Les belles prestations de l’équipe nationale, depuis début octobre, sont rassurantes et prometteuses. Elles vont inciter, on l’espère, Ziyech à se remettre en question pour faire partie à nouveau de cette belle aventure qui nous conduira vers la CAN 2025 et le Mondial 2026. Il peut à nouveau avoir un rôle central dans l’équipe: il en a les aptitudes, en a-t-il l’envie? Il est seul à le savoir. Quitter la table c’est cruel parfois, il faut savoir, quand on le décide, le faire avec classe. Les portes de la sélection sont ouvertes à toutes les bonnes volontés et toutes les ambitions, la sienne comprise, c’est la leçon à retenir de cette belle semaine.
Les images de la victoire des Lions de l'Atlas contre le Lesotho (7-0), le lundi 18 novembre.. FRMF