La garde prétorienne de Regragui

Lions de l'Atlas

ChroniqueÇa y est, Walid Regragui a livré son verdict et fait publier, via les réseaux sociaux de la FRMF, les noms des 28 joueurs, dont 2 réservistes, appelés à défendre les couleurs du Maroc pour la prochaine CAN à domicile. Le sélectionneur national a reconduit l’intégralité des hommes qui figuraient dans le groupe lors de la date FIFA d’octobre 2025. Visiblement, il a été convaincu et séduit par le rendement de ses joueurs, au point qu’il n’y a pas eu de surprise, ou presque, dans cette liste que les médias, les réseaux sociaux et le citoyen lambda pourront décortiquer en long et en large.

Le 11/12/2025 à 15h56

Walid Regragui est un entraîneur très conservateur dans son approche des stages, des matchs et des compétitions. Ce constat est corroboré à chacune de ses listes lors des multiples dates FIFA depuis la dernière CAN. S’il a donné un léger coup de balai, c’est qu’il ressentait le besoin de renouveler par petites touches son groupe. Deux crédos semblent d’ailleurs cohabiter dans l’esprit de l’homme qui a contribué à écrire la plus belle page du foot marocain : préserver sa garde prétorienne, et ouvrir son groupe au gré de l’état de forme, de la résolution des dossiers en instance concernant certains binationaux, de la baisse de rendement ou de la blessure d’un joueur. C’est en pianotant entre tous ces paramètres qu’il a ainsi choisi son commando pour la prochaine CAN, qui débute dans moins de 10 jours, avec une seule issue: gagner le titre coûte que coûte.

Pour analyser les hommes, le projet de jeu et la méthode préconisée, deux grilles classiques de lecture s’imposent. Tout d’abord sur le plan de la forme: Walid a choisi un modèle de communication atypique en ce qui le concerne, mais habituel pour certains de ses illustres devanciers. En effet, Regragui a préféré déroger à la traditionnelle conférence de presse, une première depuis trois ans et demi. En lieu et place du jeu de questions-réponses avec la presse, le patron des Lions de l’Atlas a visiblement choisi une option minimaliste, histoire de ne pas gaspiller trop de salive dans un exercice où chaque mot est scruté, disséqué et interprété. Chaque silence, non-dit, phrase distillée au vitriol ou au second degré peut faire l’objet de polémiques inutiles dans ces temps où l’union sacrée est une absolue nécessité. Mais entre l’option «fight» avec certains confrères, et la liste laconique et impersonnelle, ne valait-il pas mieux réserver la plage horaire du principal Journal télévisé pour publier cette liste, et donner quelques éléments de réponse avec un questionnaire cadré? Ne fallait-il pas au moins disposer de quelques explications par rapport à certains choix, oublis ou rappels?

Visiblement, Walid Regragui a choisi de se protéger et de servir de bouclier à ses hommes, car dans l’absolu sa liste ne comporte qu’une demi-surprise: Youssef Bellamari est appelé en tant que réserviste, tandis que le principe de précaution a prévalu concernant Igamane, out pour un minimum de cinq semaines.

L’absence de ce dernier prive le Maroc d’un attaquant explosif, donc différent d’En-Nesyri ou Kaabi. Si l’on prend en compte que Rahimi est un partant certain, ce sont plutôt Talbi ou Ben Seghir qui bénéficient de ce forfait. Le premier n’a toujours pas réussi à faire son trou dans la rotation de Regragui, tandis que le néo-sociétaire du Bayer Leverkusen n’a plus réussi le moindre match convaincant depuis son arrivée en Allemagne. Sinon, Bellamari semble pâtir de l’émergence d’un Anas Salah-Eddine en pleine bourre. Et si l’on sait que Hakimi allait quoi qu’il arrive figurer sur la liste en tant que capitaine courage et modèle d’exemplarité, le Rajaoui était condamné à figurer dans le groupe en tant que 27e homme.

En revanche, Hamza Aït Boudlal arrive en trombe dans la liste. Il est vrai que le Rennais, qui a manqué la dernière Coupe du Monde U20, bénéficie d’un état de forme intéressant et d’une feuille de services plus qu’honorable avec le Stade Rennais. D’ailleurs, le bonheur d’Aït Boudlal fait la peine d’Abqar, délaissé depuis septembre dernier. Le joueur de Getafe ayant perdu gros depuis son transfert dans la banlieue madrilène.

Sinon, Walid Regragui a donné un oui massif à ses grognards: Bounou, Munir, Hakimi, Mazraoui, Saïss (tiens, tiens), Aguerd, Amrabat, Ounahi, Kaabi, En-Nesyri et Ezzalzouli, sans oublier les ex-U23 Saibari et Targhaline, qui ont été du dernier voyage africain à San Pedro. Autant dire que le groupe, par rapport à la dernière CAN, a été modifié sans pour autant que ce changement n’ait été réalisé de manière radicale. Les arrivées de Diaz et Ben Seghir, plus celle de Rahimi, ont eu lieu pour apporter plus de peps au groupe. Les éclipses de Ziyech et Boufal, et celle momentanée de Saïss, étant le fait de blessures, de méforme ou de choix de carrière compliqués.

Voilà, Walid Regragui a tranché dans le vif, et surtout donné du grain à moudre à tous ceux qui désirent discuter ses choix. Dans un pays où chaque citoyen est un sélectionneur en puissance, il a su garder une certaine cohérence dans ses options. Reste maintenant à produire toutes les discussions et critiques possibles, avant de refermer cette page et de faire bloc autour de l’Équipe nationale. Ces joueurs et leur coach ont besoin d’un soutien franc et massif pour enfin soulever le graal africain après une attente qui aura duré un demi-siècle.

Par Amine Birouk
Le 11/12/2025 à 15h56