Les litiges sportifs, en tous cas en football, sont du ressort exclusif des fédérations locales, des confédérations continentales ou de la FIFA, l’organisme suprême de gestion du football international. Elles ne relèvent que rarement des tribunaux civils. Chacun de ces organismes, en charge de la gestion des compétitions, dispose d’une commission de discipline. Elle est habilitée à suspendre, radier ou sanctionner matériellement un joueur, un club ou une fédération en cas de manquement aux règles sportives.
L’objectif de ceux qui ont mis en place les règlements de la FIFA est de s’assurer de la neutralité politique du football. Les règles émises s’imposent à toutes les associations qui dépendent de la FIFA, fédérations, confédérations, etc.
Lorsque le verdict d’un de ces organismes ne convient pas à une des parties, la FIFA a prévu une possibilité de recours, via le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Cette disposition est statutaire, elle figure dans les statuts de la FIFA. L’article 56, de ces statuts, prévoit que «tout litige impliquant la FIFA, les associations membres, les Confédérations, les Ligues, les clubs, les joueurs, les officiels, les agents ayant une licence pour organiser des matchs et les intermédiaires doit faire l’objet d’un recours au TAS». Cela revient à dire que pour toute contestation, d’une des parties, le seul recours possible est le Tribunal Arbitral du Sport.
Une affaire, concernant indirectement le Maroc, est pendante devant cette cour. Elle concerne l’affaire USMA-RSB. Tout le monde se souvient de l’épisode rocambolesque qui s’est déroulé en avril dernier, à l’occasion du match de demi-finale aller de la Coupe de la CAF entre les deux équipes maghrébines. Les autorités algériennes avaient cru bon de confisquer la tenue officielle de l’équipe de Berkane sous prétexte qu’elle contenait la carte du Maroc.
Dans un épisode digne des «Pieds Nickelés», la célèbre bande dessinée, elles ont confectionné, pour remplacer la tenue confisquée, une tenue qui ne correspondait en rien à celle qui avait été, auparavant, validée par la CAF. La Renaissance Sportive de Berkane, engagée par des contrats de sponsoring, notamment avec l’équipementier, a refusé de se produire avec une autre tenue que la sienne. La CAF, saisie par les parties, a confirmé la position marocaine et donné match gagné à la RSB par 3-0.
Avant le match retour, l’USMA a demandé l’invalidation de la décision de la CAF par le TAS ; elle a été déboutée. Il n’empêche qu’au match retour, malgré la sentence du TAS, l’USMA a refusé de jouer, sous prétexte que l’équipe de Berkane était vêtue d’une tenue qu’ils ne reconnaissaient pas. Une conception assez originale du droit!
La CAF, qui a des contrats à respecter, doit prendre des sanctions sportives et pécuniaires à l’encontre de l’USMA. Elle a subi des pertes importantes, occasionnées par leur défection. Elle ne les a pas encore prises parce qu’elle est suspendue à la décision du TAS qui doit trancher sur le dossier.
Une décision compliquée, les Algériens ayant mandaté des cabinets d’avocats de grand renom, non pas pour défendre une cause perdue, mais pour embrouiller la cour en multipliant les procédures, les points de droit, etc. Ce n’est pas un dossier habituel pour le TAS. Chaque année, ce sont près de 300 affaires qui sont soumises à son arbitrage. Elles font l’objet de procédures dans le cadre d’un agenda. Dans certains cas, le TAS peut convoquer des tribunaux ad hoc pour des événements importants. Ce n’est pas le cas de l’affaire qui nous concerne.
Le tribunal traite, habituellement, des sujets ou litiges en lien avec le sport. Dans le cas de cette affaire c’est plutôt de la politique. Les sujets qui lui sont soumis répondent à la typologie suivante :
- Litiges sur l’interprétation de contrats entre sportifs, agents de sportifs, etc. Les contrats les plus traités sont relatifs au sponsoring et aux litiges entre entraîneurs et joueurs. On en sait quelque chose au Maroc. Des clubs marocains ont été condamnés à régler le reste des émoluments d’un entraîneur licencié suite à un jugement du TAS.
- Les affaires de dopage. Beaucoup de sportifs condamnés pour dopage ont recours à l’arbitrage du TAS. Certains athlètes ont pu obtenir un non-lieu sur des dossiers compliqués.
- Les recours suite à une décision ou à une sanction de la FIFA ou d’une confédération continentale. On se souvient des sanctions émises par la FIFA, à l’encontre de certains clubs, pour non-respect des conditions du fair-play financier. Elles ont fait l’objet d’un recours auprès du TAS. Manchester City, par exemple, condamnée par la FIFA, a été blanchie par le TAS.
Le cas de l’affaire USMA-RSB ne correspond à aucun de ces profils de dossiers. C’est peut-être la raison pour laquelle, il traine. Le football algérien, en crise ouverte depuis que l’Algérie s’est faite sortir des éliminatoires de la Coupe du Monde à domicile face au Cameroun, veut éviter à tout prix une nouvelle humiliation. Une suspension de deux à quatre ans, encourue par l’USMA, risque de très mal passer auprès des supporters du seul club algérien couronné sur le plan continental sur les dix dernières années. Le combat mené actuellement par les juristes en charge du dossier c’est d’obtenir que le TAS se déclare, au final, incompétent pour le dossier. Noyer le poisson est une stratégie que nos voisins ont beaucoup expérimentée pour dissimuler leurs échecs. Ce n’est qu’une tentative de plus.