Après cinq saisons abouties en Belgique avec la Royale Union Saint-Gilloise puis La Gantoise, le Lion de l’Atlas, Ismaël Kandouss a pris un virage important dans sa carrière en rejoignant Al-Orobah, en Arabie saoudite.
Une destination qui l’a confronté à un football différent, exigeant et parfois sous-estimé, mais dans lequel il a rapidement trouvé ses marques. Entretien exclusif, sans filtre avec un joueur qui aspire à retrouver les rangs de la sélection marocaine.
Quel bilan tirez-vous de votre saison?
Je suis content de ma saison. Je suis heureux d’avoir découvert la Saudi Pro League. J’ai pris part à l’intégralité des matchs depuis mon arrivée. J’ai progressé sur certains aspects. Ici, j’ai découvert un nouveau système et j’ai joué contre de grands joueurs. C’est une expérience très enrichissante. J’ai aussi pu assumer un rôle de leader; avec Kurt Zouma, nous étions un peu les deux patrons en défense.
Quelles différences avez-vous noté entre le championnat belge et le championnat saoudien?
Je trouve que les équipes jouent beaucoup mieux au ballon en Arabie saoudite, techniquement c’est un peu plus fort. Évidemment, les terrains permettent aux joueurs de s’exprimer, car les pelouses sont de très bonne qualité. Il y a énormément de talent en Arabie saoudite, chaque week-end on voit de superbes buts.
En Belgique aussi, il y a beaucoup de qualité, mais c’est un championnat plus jeune: les équipes peuvent parfois partir dans tous les sens, se projeter rapidement sans forcément poser le jeu. Pour réussir en Arabie saoudite, il faut un peu plus d’expérience; le jeu y est très structuré.
Il y a aussi des différences au niveau de l’organisation: on s’entraîne très tôt le matin ou en fin d’après-midi pour éviter les fortes chaleurs.
Cristiano Ronaldo a déclaré que la Saudi Pro League était meilleure que la Ligue 1. Partagez-vous son avis?
Je n’ai jamais joué en Ligue 1, donc c’est difficile de comparer les niveaux. Je pense qu’un joueur comme Neymar serait mieux placé pour répondre à cette question.
«La Saudi Pro League est très sous-estimée»
— Ismaël Kandouss
C’est une excellente ligue, avec de grands joueurs dans chaque équipe. La Saudi Pro League est un championnat très sous-estimé. Je pense qu’il est cependant moins homogène que la Ligue 1: il y a des équipes très fortes, et d’autres directement conditionnées à lutter pour le maintien.
Vous avez eu l’occasion de défendre face aux meilleurs joueurs du monde. Lequel vous a le plus impressionné?
Même s’il y a plusieurs grands attaquants comme Cristiano Ronaldo ou Mitrovic, aucun ne m’a particulièrement impressionné. Cela dit, je reconnais la qualité des grands joueurs. J’ai surtout été impressionné par les milieux de terrain: quand j’ai joué face à Ruben Neves ou N’Golo Kanté, j’ai compris pourquoi ils étaient à ce niveau.
Comment jugez-vous le niveau des joueurs saoudiens?
Cela dépend des clubs. Du côté d’Al-Hilal, ils ont probablement les meilleurs Saoudiens du pays. De notre côté, il y a un écart entre les joueurs locaux et les étrangers.
La formation est différente, donc on ne voit pas toujours le football de la même manière. Cela peut parfois provoquer quelques incompréhensions. Mais j’ai aussi affronté des Saoudiens très talentueux dans d’autres équipes, avec un potentiel suffisant pour réussir en Europe sans problème.
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En parlant d’Al-Hilal, vous avez perdu deux fois contre eux cette saison. Sont-ils si impressionnants que ça?
On a eu du mal face à eux, effectivement. C’est une équipe qui maîtrise son match et qui ne se précipite jamais. Lors des deux rencontres que j’ai jouées contre eux, il y avait seulement 1-0 à la mi-temps, puis ils ont déroulé en fin de match (NDLR : 4-0 et 5-0).
Ils jouent leur jeu, poussent tout le match, et à force d’insister, ils finissent par dérouler. Leur niveau à la Coupe du Monde des Clubs l’a montré: ils ont tenu tête au Real Madrid et éliminé Manchester City. Al-Hilal joue très bien au ballon, avec beaucoup de joueurs de qualité. Ils ne seraient pas ridicules dans un grand championnat.
Vous êtes arrivé à Al-Orobah en même temps que Kurt Zouma, en fin de mercato. Pouvez-vous nous parler de votre relation?
On a passé l’année ensemble et on a été très proches. On est arrivés au même moment, logés dans le même hôtel en attendant notre logement, donc on s’est rapidement rapprochés.
On s’est très vite entendus, sur le terrain comme en dehors. J’ai énormément appris à ses côtés. Il m’a beaucoup conseillé, notamment sur le placement et la gestion de certaines situations de jeu. C’est quelqu’un qui a connu le très haut niveau: plus de 150 matchs avec Chelsea, l’équipe de France… donc je l’écoute pour progresser.
Vous avez réalisé une grosse performance face à Al-Nassr. Parlez nous-en.
Au départ, on appréhendait un peu ce match, car il s’annonçait compliqué. Kurt Zouma était blessé, notre gardien titulaire également. C’est donc notre gardien remplaçant, qui avait très peu joué, qui a été titularisé.
On pensait souffrir, mais on est très bien rentrés dans le match. On a marqué le 1-0, puis ils ont égalisé au retour des vestiaires. Quinze minutes plus tard, on met le 2-1 et on réussit à tenir le score jusqu’à la fin. On a été très solides défensivement. J’en garde un très bon souvenir.
Vous avez marqué deux buts de la tête cette saison. Est-ce quelque chose que vous travaillez souvent?
Bien sûr. Travailler le jeu de tête à l’entraînement m’aide énormément en match. Je continue de bosser là-dessus. Au fil des saisons, ça me permettra d’être encore plus efficace.
Cette année, j’ai mis l’accent sur ce point, et le coach m’a aussi beaucoup fait travailler dessus. Je suis content que cela se soit reflété sur le terrain.
Revenons un peu en arrière. Après 5 saisons à l’Union Saint-Gilloise, Vous décidez de vous engager à La Gantoise. Pourquoi ce choix?
À ce moment-là, il me restait un an de contrat avec l’Union. Donc soit je partais, soit je prolongeais. Après 5 ans passés là-bas, je sentais que j’arrivais à la fin d’un cycle, donc j’ai décidé de partir.
En sélection, j’ai beaucoup échangé avec Tarik Tissoudali de La Gantoise, et il m’en a dit beaucoup de bien. Mon premier souhait, au départ, c’était de découvrir la Ligue 1.
Puis j’ai parlé avec Walid Regragui, qui m’a dit que le plus important, ce n’était pas forcément le club, mais de jouer. En discutant avec La Gantoise, j’ai senti qu’ils me voulaient vraiment, qu’ils m’apportaient une garantie. Ils ont fait beaucoup d’efforts pour me recruter.
J’ai signé là-bas car j’avais besoin de temps de jeu, et ils m’ont placé au cœur du projet. Tout était aligné. En plus, cela me permettait de rester proche de ma famille dans le 59 (département du Nord, ndlr).
Après une grosse saison personnelle et collective, vous êtes convoqué par Walid Regragui en juin 2023. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
«C’est un rêve que j’ai réalisé. Une grande fierté.»
— Ismaël Kandouss
Représenter son pays, c’est le but d’une carrière. J’ai été honoré d’être appelé, et encore plus de pouvoir débuter titulaire. C’est un rêve que j’ai réalisé. Une grande fierté.
Pourriez-vous nous parler de votre intégration dans le groupe?
J’avais déjà côtoyé En-Nesyri, Mazraoui et Hakimi en sélection olympique en 2019. Je connaissais Tarik Tissoudali, qui m’a très bien accueilli. Je me suis rapidement entendu avec Yassine Bounou et Nayef Aguerd, ce qui a facilité mon intégration.
J’ai découvert le reste du groupe et rencontré de belles personnes. J’ai aussi pu discuter davantage avec Hakimi, ce que je n’avais pas fait en 2019. C’est quelqu’un qui communique beaucoup sur le terrain et c’est très agréable. Jouer aux côtés de grands joueurs te pousse à élever ton niveau. Et quand tu sais que tu viens d’un championnat moins exposé, tu dois prouver que tu n’es pas là par hasard.
Qu’est-ce que ça fait de retrouver Hakimi, Mazraoui et En-Nesyri en sélection, 4 ans après les avoir côtoyés chez les Olympiques ?
À l’époque, ils étaient déjà en sélection A, mais ils étaient descendus avec nous pour nous aider à nous qualifier pour les JO.
Aujourd’hui, les retrouver au plus haut niveau, c’est une fierté. Je me dis que j’ai moi aussi parcouru du chemin.
Malheureusement, après ce rassemblement vous n’avez plus été rappelé. Qu’est-ce qu’il vous manque selon vous?
J’ai seulement eu 4 jours d’entraînement avec le groupe, mais Walid Regragui m’a tout de suite fait confiance. Il m’a dit qu’il allait me titulariser car il avait aimé ce qu’il avait vu.
J’ai démarré le match avec Nayef Aguerd et Achraf Hakimi. Honnêtement, je n’avais pas encore tous les automatismes. En club, je jouais en 3-5-2, alors qu’en sélection on joue à 4 derrière. J’avais besoin d’un petit temps d’adaptation.
Regragui m’a sorti à la mi-temps lors du 0-0 contre le Cap-Vert, puis je n’ai plus eu de nouvelles. J’ai essayé de le joindre, mais je n’ai pas réussi. Je continue de travailler, de donner le maximum en match, en espérant revenir. Je respecte les choix du coach et je veux lui prouver sur le terrain que je suis au niveau. Rien n’est impossible. Il y a des joueurs sélectionnés qui évoluent en Belgique ou en Arabie saoudite.
«Ce serait une bonne chose que, cette année, un latéral remporte enfin le Ballon d’Or»
— Ismaël Kandouss
Est-ce que vous soutenez Hakimi dans sa campagne pour le Ballon d’Or?
Bien sûr. C’est quelqu’un que j’ai côtoyé et avec qui j’ai partagé de bons moments.
Je pense que si on compare sa saison avec celles des plus grands latéraux de l’histoire, la sienne est dans le top 3. Le débat est ouvert entre Achraf et Dembélé. Si Ousmane l’emporte, ce ne sera pas un vol au vu de sa saison, mais Hakimi le mérite tout autant. Ce serait une bonne chose que, cette année, un latéral remporte enfin le Ballon d’Or.
Pour terminer, on a entendu certaines rumeurs selon lesquelles vous auriez conclu un accord avec le Wydad Casablanca. Est-ce vrai?
Honnêtement, je n’ai eu aucun contact direct avec le Wydad Casablanca. Je sais que pendant le mercato hivernal, le club s’était renseigné auprès du mien pour un transfert. Mon agent en avait été informé.
C’est flatteur: c’est un grand club, avec une histoire et des supporters incroyables, donc je ne me ferme pas la porte pour l’avenir. Mais quand les médias ont annoncé que j’avais signé là-bas, c’était faux. Je l’ai appris comme tout le monde, dans la presse.
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À l’heure actuelle, je ne suis pas particulièrement intéressé. J’en ai parlé à mon agent et à mon club: mon premier souhait est de retourner en Arabie saoudite. J’ai tout aimé là-bas: le championnat, le cadre de vie… Je m’y sens vraiment bien.
Mais je ne ferme la porte à aucun projet, que ce soit en Europe ou ailleurs.
