L’Union sacrée ou la Niya 2.0

L'entraîneur marocain Walid Regragui est projeté dans les airs alors que les joueurs célèbrent la victoire du match de football de quart de finale de la Coupe du monde Qatar 2022 entre le Maroc et le Portugal au stade Al-Thumama de Doha le 10 décembre 2022.

L'entraîneur marocain Walid Regragui est projeté dans les airs alors que les joueurs célèbrent la victoire du match de football de quart de finale de la Coupe du monde Qatar 2022 entre le Maroc et le Portugal au stade Al-Thumama de Doha le 10 décembre 2022. . Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

À six mois du coup d’envoi de la CAN 2025, les Lions de l’Atlas nourrissent plus que jamais l’ambition de décrocher un titre continental qu’ils attendent depuis près d’un demi-siècle. Pour atteindre cet objectif, les hommes de Walid Regragui auront besoin d’une synergie totale et de la mobilisation de tous les acteurs, y compris les médias.

Le 20/06/2025 à 14h24

La dernière sortie médiatique de Walid Regragui, après le match face au Bénin, avait semé le doute. Beaucoup s’interrogeaient: étions-nous en train de perdre le Regragui que le public avait appris à connaître et à apprécier depuis ses débuts en tant qu’international en 2000? Son body language et ses réponses pouvaient légitimement intriguer ceux qui le connaissent le mieux, alors à fortiori le fan qui ne l’a jamais approché.

Mais jeudi, devant un parterre de journalistes de la presse généraliste et spécialisée, le sélectionneur national a pris le temps -trois heures durant- pour expliquer, chiffres à l’appui, sa démarche, sa vision, et les raisons de ses choix. Le ton s’est voulu apaisé, le mea culpa sincère. Et comme souvent dans ce genre de circonstances, faute avouée est à moitié pardonnée. En retour, les journalistes ont joué franc-jeu. Ils ont exprimé leurs attentes, leurs frustrations. Tout a été mis sur la table: l’absence d’interviews exclusives accordées à la presse nationale, la présence de Regragui sur des plateaux étrangers comme El Chiringuito. Pour beaucoup, le moment est venu de renforcer la préférence nationale. Le public marocain doit pouvoir lire, entendre et voir son sélectionneur sur des supports locaux. Avec un mot d’ordre: mieux vaut arroser son propre jardin que celui du voisin.

Cette initiative a permis de crever l’abcès, d’ouvrir un nouveau chapitre. Une sorte de Niya 2.0. Car ce mot arabe, qui signifie «bonne foi», doit s’appliquer aux deux camps. D’un côté, un sélectionneur appelé à conserver fraîcheur et spontanéité, notamment en conférence de presse. De l’autre, une presse capable de critique constructive, sans sombrer dans le dénigrement ni la chasse au buzz. Dans ce pacte moral et mutuel, il ne peut y avoir de place pour la malveillance. À Walid d’accueillir la contradiction sans se retrancher derrière le sarcasme. Aux journalistes, qu’ils soient rédacteurs, chroniqueurs ou figures télévisuelles, d’insuffler cet élan populaire capable de porter l’équipe vers les sommets, tout en gardant intact leur sens critique.

Dans la feuille de route qui s’ouvrira le 21 décembre, l’Union sacrée devra prévaloir sur les intérêts personnels et les ego mal placés. Il faudra aussi apprendre à exorciser nos peurs, à dépasser les traumatismes, celui de la CAN 1988 notamment, et à aborder chaque rencontre sans complexe. D’autres rencontres sont d’ailleurs prévues dans les prochains mois, avec les entraîneurs de Botola Pro 1 et 2, d’anciens internationaux comme les héros d’Addis-Abeba 1976, et pourquoi pas des représentants de la société civile.

La CAN se gagnera sur des détails. Ce moment de partage, de confidence et de vérité constitue une première étape essentielle. Car Regragui et ses hommes ont une obligation de résultat. La presse, elle, une obligation de moyens. Avec un objectif commun: gagner. Que ce soit grâce à des actions d’éclat, des lucarnes sublimes, des buts de raccroc ou au terme d’une cruelle séance de tirs au but.

Rendez-vous est donc pris pour le 18 janvier 2026. Pour célébrer une deuxième étoile de champion d’Afrique... ou pour faire les comptes sans complaisance et en toute objectivité.

Par Amine Birouk
Le 20/06/2025 à 14h24