Voyage au bout de la nuit

ChroniquePendant que la plupart des 36 millions de sélectionneurs proposaient leur grille de lecture, certains courageux alignaient les tasses de café, histoire de se tenir éveillés et de vivre le plat de résistance du jeudi le plus long de l’année 2025.

Le 10/10/2025 à 17h50

C’était le jour le plus long pour les fans de football marocain. Ce jeudi 9 octobre 2025 était à marquer d’une pierre blanche, avec au menu 4 plats copieux pour ceux qui, comme votre serviteur, ne jurent que par les équipes nationales.

Quatre contextes différents et surtout des enjeux qui sont allés crescendo au fil de la soirée. Des rencontres amicales de préparation pour les U17, les A’ avec des objectifs à moyen terme définis: Mondial de la catégorie pour les cadets et Coupe arabe au Qatar pour le team de Sektioui, puis évidemment Maroc-Bahreïn histoire de voir où sont les poulains de Regragui à 73 jours de la CAN at home et, enfin, le huitième de finale de Coupe du monde U20 Maroc-Corée au Chili et au bout de la nuit.

Il fallait se munir de courage ou plutôt puiser dans les réserves d’énergie pour tenir ce programme et suivre au moins 3 des 4 matchs programmés. Si l’affiche des U17 était proposée en streaming avec un commentaire sénégalais, la confrontation entre le Maroc et l’Égypte préparative pour la Coupe arabe n’était visible nulle part. A ce propos, il faudrait ouvrir une petite parenthèse.

Le choix de disputer ce match à huis clos incombe a Tarik Sektioui. Fidèle à la méthode qui lui a si bien réussi pour les JO et le CHAN, il a préféré disputer ce match test sans public. Et sans manquer de respect a Si Tarik, ne fallait-il pas faire une exception histoire de primer les derniers vainqueurs du CHAN? Une standing ovation aurait été la moindre des choses pour les Botolistes qui constituent l’ossature de ce groupe.

Et puis franchement, en 2025 à l’heure de l’ultra marketing, ce type de match doit être commercialisé autrement. Les télévisions égyptiennes auraient pu payer à la FRMF et à la SNRT de succulents droits de retransmission.

En tous cas, contentons-nous du score du match 2-0 dans le money time pour les Marocains, et laissons Sektioui faire à sa sauce, en attendant le prochain Koweït-Maroc disputé à Dubaï... à huis clos.

Trois mille kilomètres au sud de Mohammedia, et plus précisément à Thiès au Sénégal, les U17 disputaient le premier des deux tests prévus devant les Lionceaux de la Téranga. Une confrontation musclée où les protégés de Baha ont montré qu’ils avaient du répondant. Les rares privilégiés qui ont eu le bonheur de suivre derrière leur smartphone ce match ont pu être rassurés.

En effet, les champions d’Afrique de la catégorie n’ont pas égaré leurs fondamentaux: bloc compact, rigueur, et organisation tactique notamment défensive au point. Et même sans les atouts offensifs Belmokhtar et Ouazzane ils ont su poser des problèmes aux sénégalais. De bon augure à moins d’un mois d’une autre aventure au Qatar où il faudra s’extirper du groupe composé du Japon, du Portugal et du petit poucet néo-calédonien.

Il restait à suivre et surtout à disséquer les deux plats forts de la nuit: Maroc-Bahreïn et Maroc-Corée du Sud. Le premier pouvait être consommé au stade, dans un café ou à table à la maison à l’heure du dîner. Sur le papier, l’adversaire 80e au classement FIFA, ne payait pas de mine.

Le scénario de la rencontre était même prévisible avec un rival attentiste, organisé en bloc bas, et des Lions de l’Atlas obligés de résoudre cette équation via une circulation de ballon à une ou deux touches maximum, avec du mouvement autour du porteur du ballon et de l’intensité dans la récupération du cuir.

Or, aucun de ses ingrédients n’a été utilisé pendant une bonne partie du match. Pire encore, la précipitation et la fébrilité ont pollué le match des marocains. De quoi donner quelques soucis à un Regragui sur la défensive lors de la conférence de presse d’après match. Il est vrai que le sélectionneur national n’a pas aimé ce que ses poulains ont proposé.

Avec 81% de possession, ils ont gaspillé de belles munitions faute de qualité dans les premières relances, et de précision dans la dernière passe ou dans le geste final. D’ailleurs, le terme brouillon pourrait résumer à lui seul le rendu final. Un brouillon qu’il faudra corriger avec d’éventuelles décisions fortes ou quelques ajustements, puisqu’à l’exception d’un El Aynaoui qui a joué juste, les autres mèches offensives ressemblaient à des pétards mouillés.

Imaginez un Brahim Diaz erratique, un Kaabi volontaire mais sans plus et un Abde pas très inspiré. Ajoutez à cette bouillie, un Khannous ultra timide ou un Saibari loin de ses dernières prestations, et vous avez un décor planté. La suite se résumera à une réaction plus orgueilleuse que technique, avec un peu plus d’intensité mais sans la moindre justesse qui finira par aboutir grâce à un but au bout de la nuit de l’improbable El Yamiq.

Walid Regragui va devoir serrer les boulons et exiger des siens une meilleure version devant le Congo mardi prochain. Sinon, il devra, pour paraphraser Brother Motsepe, proposer un plan B, C ou même Z car l’objectif est toujours le même: gagner la CAN à domicile le 18 janvier 2026.

Et pendant que la plupart des 36 millions de sélectionneurs proposaient leur grille de lecture oscillant entre une vision résolument optimiste, une autre plus contrastée ou un avis plus sceptique, certains courageux alignaient les tasses de café, histoire de se tenir éveillés et de vivre le plat de résistance du jeudi le plus long de l’année 2025.

Et ils ont eu raison de tenir le coup, car ils ont pu célébrer la qualification des U20 pour les quarts de finales du Mondial 2025 au Chili. Face à des Coréens pugnaces, les coéquipiers de Baouf ont puiser dans leur playbook pour gagner ce bras de fer, donnant raison au fameux dicton : c’est dans les vieilles marmites que l’ont fait les meilleures soupes. En effet, il y avait un air de Qatar 2022 dans le plan de match, l’attitude, le sérieux et la combativité des hommes de Mohamed Ouahbi.

Les chevauchées de Maama, l’abattage de Biyar, la sobriété des deux centraux ou la qualité de finition de Zabiri ont fait la différence dans une confrontation qui exigeait une concentration et un self contrôle de la première minute au coup de sifflet final. Cette qualification en quart de finale n’est nullement usurpée mais elle n’est pas une finalité en soi.

Qatar 2022 a décuplé l’ambition et l’appétit des Lions et Lionceaux de l’Atlas qui sont en chasse et n’ont nullement l’intention de rentrer dans leur tanière de sitôt. Dimanche prochain, toujours à Rancagua au Chili, les USA sont prévenus, et devraient se souvenir d’une vieille citation qui fait partie de leur patrimoine et que la FRMF et les sélections marocaines ont résolument adopté : Sky is the limit.

Par Amine Birouk
Le 10/10/2025 à 17h50