Tribune. Nelson Mandela et le CHAN

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le petit-fils de Nelson Mandela, Zwelivelile Mandela.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le petit-fils de Nelson Mandela, Zwelivelile Mandela.. DR

L’Algérie a tout à fait le droit d’inviter qui elle veut et lui faire dire ce qu’elle veut pourvu que celui qui est concerné parle pour lui-même et non dans un cadre d’un marketing politique qui relève de la propagande.

Le 15/01/2023 à 12h57, mis à jour le 15/01/2023 à 13h26

Il y a des noms qui sont magiques, ils ont une aura qui leur permet de survivre à celui qui les a portés à travers des héritiers dont le but est souvent d’honorer leurs mémoires ou de l’utiliser à des fins inavouables. De Gaulle, Che Guevara, Mao Tsé Tong, Marx ou Mandela en font partie. Beaucoup de ceux qui se revendiquent de ces personnages n’ont absolument rien à voir avec les causes défendues par leur cujus et souvent avec le temps l’image même du père est écornée par une réalité privée qui brouille leurs messages d’origine.

On sait, par exemple aujourd’hui, que De Gaulle était raciste, Marx bourgeois dans l’âme et Mao amateur de soirées sordides. Seuls Che Guevara et Mandela gardent avec le temps l’image d’hommes respectables. Leurs destins, Che Guevara est mort au combat et Mandela a passé 28 ans en prison, constituent un début d’explication.

L’image de Mandela a malheureusement été souvent écornée par sa descendance. Alors qu’il était hospitalisé en fin de vie, le clan de celui qu’on appelait Madiba s’était déjà déchiré à plusieurs reprises. Il y avait les deux millions de dollars, du Prix Nobel à partager et surtout une famille divisée entre deux clans, d’un côté les enfants de Winnie de l’autre ceux de Evelyne Ntoko.

C’est l’ aîné des petits-fils Mandela, surnommé Jr Ewing de la célèbre série Dallas, qui a lancé les hostilités en s’attaquant à plusieurs membres de sa famille. Il a même accusé son frère Mbuzo d’avoir «fécondé (sa) propre femme». Ensuite c’était aux autres de fonder une marque de vêtement utilisant le militantisme du père ou de lancer la marque de vin «House of Mandela». L’utilisation du nom de Mandela a des fins commerciales, même si une toute petite partie des bénéfices est versée à la Fondation, choque à plus d’un titre. Elle ne correspond pas du tout à l’image que l’on se fait de lui. «Je ne veux pas que mon nom soit associé à une marque», disait-il! Raté.

Nelson Mandela ne peut être tenu responsable du comportement de sa descendance. En écartant ses enfants et ses petits-enfants de l’organigramme de la Fondation qu’il a créée, il voulait clairement distinguer son héritage politique de son héritage privé. C’est pour ça qu’aucun d’entre eux n’est influent politiquement.

C’est dans ce contexte qu’il faut observer la récente sortie de M. Zweliwelile, un des petits fils Mandela, lors de la cérémonie d’ouverture du CHAN à Alger. 

L’Algérie a tout à fait le droit d’inviter qui elle veut et lui faire dire ce qu’elle veut pourvu que celui qui est concerné parle pour lui-même et non dans un cadre d’un marketing politique qui relève de la propagande. Il est tout à fait légitime d’inviter un Mandela pour une cérémonie au cours de laquelle le nom de ce dernier est honoré. Le stade vient d’être baptisé du nom de Nelson Mandela et on était en droit de penser qu’il allait remercier les organisateurs pour l’honneur qu’ils font à Papy. Ce n’est pas pour ça qu’il est venu. En fait il allait servir un autre agenda que le sien.

Il était là pour prononcer un discours destiné au peuple algérien, que l’on bassine à longueur de journée de la «cause sahraouie». On peut comprendre les organisateurs, il faudra bien expliquer un jour aux Algériens pourquoi 500 milliards de dollars, plus les équipements militaires, ont été dépensés pour la «soi-disant RASD» et pour rien?

Avec ce discours, ils vont pouvoir dire pendant quelques jours «vous voyez c’est une cause «juste» la preuve nous ne sommes pas les seuls à le dire. Regardez, même Mandela, au lieu de nous remercier d’avoir nommé le stade au nom de son grand-père, parle du Polisario».

Pour faire crédible, ceux qui lui on écrit son discours ont soigneusement associé la Palestine. Ils ont bien fait, les applaudissements pour la Palestine étaient nourris, alors que pour le Polisario, ils étaient plutôt timides, seuls les officiels ont applaudi peut-être? Peu importe, les médias seront là pour faire le travail de propagande ou plutôt le service après-vente.

Ce discours qui a offusqué un certain nombre de compatriotes marocains, ne concerne en rien les Marocains, il est destiné aux Algériens. C’est eux qu’ils veulent convaincre. S’ils voulaient convaincre à l’international que le pays était mieux géré depuis deux ans, ils auraient mis en avant les stades qu’ils viennent de construire en un temps record, avec même un peu de précipitations si l’on en croit les vidéos qui circulent sur les malfaçons. Ce sont de beaux stades à la hauteur de ce que l’on attend d’un pays qui vient de retrouver toute son aisance financière d’antan. C’est pour ça qu’il ne faut pas faire attention! Le régime algérien parle aux siens, les Mandela ont hérité du nom de leur père et de la cupidité de leurs mères.

La vie est ainsi faite, en attendant, regardons avec encore plus de plaisir les vidéos qui circulent sur Laâyoune, Dakhla et d’autres villes du Maroc les soirs de victoires des Lions de l’Atlas en Coupe du Monde au Qatar. Elles sont belles, jamais un peuple opprimé n’a exprimé autant de joie, elles se distinguent des vidéos des camps de Tindouf ou certains de leurs frères souffrent, c’est peut-être au fond de ceux-là que parlait Mandela. Qui sait?


Par Larbi Bargache
Le 15/01/2023 à 12h57, mis à jour le 15/01/2023 à 13h26