Harit, agent provocateur

On a l’impression que beaucoup découvrent Amine Harit. C’est le facteur X de Marseille et de son club mythique. Le garçon a pourtant 25 ans au compteur, et cela fait déjà six ans que l’on attend la confirmation de son talent précoce.

A Nantes, où il a démarré en pro, il était une jeune pépite à polir, et qui avait malgré tout de vraies chances pour aller en sélection chez les A (il a fait toutes les sélections de jeunes et d’espoirs en France). Mais il choisit rapidement le Maroc, et Renard l’embarqua pour un Mondial 2018 frustrant. Au lieu de décoller, Harit a alors plongé.

De retour du Mondial, notre Amine a connu d’énormes soucis personnels. Entre autres un terrible accident de la circulation et de récurrent problèmes d’addiction au jeu. A Shalke O4, où un Hamza Mendyl, un autre Lion en perdition, tentait lui aussi de se relancer, Harit va alterner le bon et le moins bon. Mais sa côte est en baisse. On pointe constamment son indiscipline, son immaturité.

Et quand il arrive en prêt à l’OM, l’année dernière, son avenir semble déjà derrière lui. Car tout le monde l’a oublié ou presque, y compris la sélection marocaine qui a appris à faire sans lui.

C’est ce garçon, donc, qui a retrouvé Marseille en début de saison, cette fois après un achat en bonne et due forme (5 millions d’euros, un petit prix pour un joueur de 25 ans appelé à briller sur le plan international). Pour quel résultat ?

Déjà intéressant par séquences lors de son prêt de la saison dernière, Amine s’affirme aujourd’hui en joueur-cadre. Au point de retrouver la sélection marocaine. Il lui a suffi de quelques matchs enlevés, surtout en Champion’s League, où Harit a fait valoir ses qualités premières. C’est de ces qualités dont l’entrejeu national a plus que jamais besoin, pour le Mondial.

Nous parlons ici d’un garçon à la prise de balle dévastatrice. Quand il est en forme, comme avec Marseille en ce moment, il est injouable. C’est un agent provocateur, déstabilisateur. Ses contrôles orientés, sa conduite de balle et ses courses sont totalement imprévisibles. Parce que déroutantes. En plus, il va toujours de l’avant et cherche à transpercer les lignes adverses.

Evidemment, un profil comme cela, capable du meilleur comme (parfois) du pire, un peu à la Benarfa, voire Dembélé, ne peut qu’avoir beaucoup de déchet dans son jeu. Parce qu’il est tout le temps en train de tenter des choses, de casser des lignes (et des reins). Mais quand ça passe, il peut à lui seul créer bien des différences. Avec une bonne pointe de vitesse, en plus. Et par-dessus le marché, une très bonne attitude sur le terrain.

Le Harit que l’on a vu en séquences, avec l’OM, est un patron. Guéri de ses maux et démons, en jambes et surtout en confiance, il peut joueur en soutien d’un pivot offensif, en deuxième attaquant où s’exiler sur un côté avant de pouvoir rentrer sur son meilleur pied. Il peut même descendre plus bas, dans l’entrejeu, pour participer à la construction. Parce qu’il a une très bonne qualité de passe, avec des ouvertures au laser. Et c’est un sacré chasseur de coups francs.

A son meilleur niveau, comme aujourd’hui, ce Harit sera un vrai plus pour la sélection marocaine. Où il attend d’ailleurs toujours de marquer son premier but. Pourquoi pas au Mondial du Qatar, où la grande interrogation concernera son association (ou pas) avec un autre soliste génial mais inconstant: Ziyech. 

Le potentiel offensif des Lions dépendra beaucoup de la manière dont coach Regragui arrivera à faire cohabiter ces deux artistes. Ou à faire en sorte qu’ils deviennent de parfaites alternatives, l’un pour l’autre. Un plan B, ou un plan A bis, voilà ce que peut devenir un Harit, pour peu qu’il soit dument intégré et encadré par Regragui et les autres.