Le «vrai» sommet arabe

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir. DR

Grâce à cette Coupe du monde qui se déroule au Qatar, nous pouvons enfin, nous autres pays arabes, renouer avec la notion d’unité qui nous faisait défaut et, surtout, prendre enfin la mesure de notre puissance dans l’unité.

Le 04/12/2022 à 11h15

Cette Coupe du monde qatarie est ô combien riche en révélations et en enseignements. La ferveur qui s’empare des stades où se déroulent les matchs qui opposent le Maroc à ses adversaires sur le terrain est telle que pour la première fois depuis des lustres, on assiste émus, si pas émerveillés, à l’incarnation de l’Union arabe dans tout ce qu’elle a de plus beau et de plus puissant.

Dans les tribunes aux couleurs du Maroc, les supporteurs ne sont pas tous Marocains. Ils sont aussi Qataris, Saoudiens, Tunisiens, Algériens (oui, oui...) mais tous, une fois n’est pas coutume, se sont réunis sous la même bannière, celle de leur arabité et de leur fraternité, par delà leurs différences culturelles.

Voir, entendre, vivre cette émotion de dizaines de milliers de spectateurs réunis et unis, tous projetés vers un même objectif, partageant un même espoir, celui d’une victoire commune, qui grandirait non pas un seul pays mais un monde arabe devenu une seule et même nation, n’est-ce pas là ce qu’on aurait espéré du Sommet arabe qui s’est récemment déroulé en Algérie, et qui s’est soldé malheureusement par un flop retentissant?

C’est là toute la magie du sport, du football en particulier, qui réussit là où la politique échoue. Grâce à cette Coupe du monde qui se déroule au Qatar, nous pouvons enfin, nous autres pays arabes, renouer avec la notion d’unité qui nous faisait défaut et surtout prendre enfin la mesure de notre puissance dans l’unité.

Cette prise de conscience est inédite, rare et précieuse, car c’est bien la première fois qu’un évènement sportif d’une telle envergure, d’un tel impact, se déroule dans un pays arabo-musulman. L’enjeu politique de cette Coupe du monde ne saurait être éludé. Enfin, démonstration a été faite, jusqu’à présent avec brio, du savoir-faire et de l’excellence dont disposent les pays arabes, cantonnés depuis bien trop longtemps par les médias et pays occidentaux à des clichés.

Tantôt cartes postales misérabilistes, bourrées de préjugés méprisants aux relents colonialistes insupportables, tantôt pays en guerre en proie à la corruption, à la violence que l’on a tôt fait de catégoriser anti-démocratiques et dictatoriaux parce que ne faisant pas valoir les mêmes règles ni les mêmes lois qu’en Occident… C’est ainsi que ce monde arabe est caricaturé et traîné dans la boue depuis bien trop longtemps.

Le Qatar Bashing que subit le pays organisateur de cette Coupe du monde n’est que la démonstration de plus d’une arrogance occidentale qui ne souffre pas que le Sud s’impose et brille. Mais à l’image de ces grandes équipes de football qu’étaient la Belgique et l’Allemagne, et qui ont été éliminées par de «petites» équipes de pays déconsidérés, à l’instar de la déculottée infligée par l’Arabie Saoudite à l’Argentine, la Tunisie à la France, le Cameroun au Brésil, il en va de même désormais, preuve en est faite, des rapports entre Nord et Sud. La donne a changé.

Enfin, l’autre impact, et non des moindres, de cette Coupe du monde en terre arabo-musulmane, c’est celui qu’elle exerce sur le changement des mentalités des supporteurs venus en masse y assister. Après avoir été biberonnés à la peur des Arabes et des musulmans par un appareil politico-médiatique qui a tôt fait de diaboliser les migrants de cette culture et avec eux tous leurs congénères, voici venu le temps pour eux de découvrir un pays plus moderne et avancé que leurs pays respectifs à bien des égards, où l’islam est la religion d’Etat et où se mélangent tout ce petit monde sans aucun heurt.

Ils sont loin, les clichés des femmes musulmanes enfermées à la maison, des femmes voilées de force quand on voit leur ferveur dans les tribunes et dans les rues. Evanouis, aussi, les clichés de la religion musulmane intolérante aux autres pour tous ces supporteurs étrangers qui visitent en masse les nombreuses mosquées de la ville qui toutes leur sont ouvertes.

Tenter de créer des amalgames entre des casseurs d’origine «arabe» lors des célébrations des victoires marocaines en Belgique et aux Pays-Bas pour mieux stigmatiser tout un peuple est vain. Ces casseurs-là sont les produits de la société dans laquelle ils ont vécu. Point à la ligne.

In fine, quelle que que soit l’équipe de football qui remportera la Coupe, s’il y a bien un vainqueur incontestable, c’est le monde arabe et toutes ses composantes. Quelle belle victoire et quelle belle revanche!

Par Zineb Ibnouzahir
Le 04/12/2022 à 11h15