La haine jusqu’ici cantonnée aux médias et aux organes du pouvoir algérien a fini par gagner la pelouse d’un terrain de football, enterrant en deux coups de pelle l’esprit sportif et ses valeurs sacrées ainsi que la fraternité entre peuples. Le sport, jusque-là espace préservé des tensions politiques entre les deux pays, a fini par capituler et céder sous la pression de la propagande.
La fraternité entre voisins, ce doux mirage qui laissait encore à penser aux Marocains que l’Algérie était déchirée en deux, le peuple frère d’un côté et de l’autre la junte militaire au pouvoir, s’estompe de plus en plus.
Car après avoir visionné ces terribles images, d’une violence rare, qui donnent à voir le gardien de but marocain assailli et tabassé par plusieurs joueurs de l’équipe adverse, cet autre joueur marocain couché à qui on assène des coups de pieds, chaussés de godasses, sur la tête et le cou, mettant sa vie en péril, cette foule de supporteurs qui envahit le terrain pour en découdre avec les joueurs marocains, ces forces de l’ordre qui n’interviennent pas pour sécuriser les joueurs… on en vient à douter aujourd’hui, fortement, de cette scission entre le peuple et la junte qui le dirige, autant qu’on doute qu’il faille vraiment dissocier l’homme de l’artiste pour mieux excuser ses actes odieux.
Alors que le Maroc pratique de longue date la politique de la main tendue, ces images témoignent d’un fait devenu incontestable: la machine à propagande qui tourne à plein régime en Algérie depuis des décennies a fini par récolter les fruits de son labeur. La haine anti-Maroc, totalement aveugle et absurde, germe désormais dans l’esprit de la jeune génération.
Comment expliquer autrement le déchainement de violence de cette jeune équipe de gamins dans un stade où ce type de comportement n’a pas sa place? Cautionnée, applaudie, saluée sur les réseaux sociaux et dans les médias du pays, cette violente haine contre le Maroc s’exprime librement, en toute impunité, faisant fi des règles déontologiques du journalisme, de l’éthique du sport, des valeurs musulmanes qui incarnaient encore le fragile lien qui unissaient les deux pays au nom de la oumma.
Elle s’exprime désormais fièrement dans les micro-trottoirs réalisés dans la rue algérienne, où les badauds se voient tendre le micro pour insulter «le Marrok» et «les Mrarkas», ce peuple de sionistes, pour accuser les Marocaines, ces sorcières, de défaites sportives algériennes et, dernièrement, pour appeler l’émir du Qatar à inviter le Polisario à l’occasion de la Coupe du monde de football et espérer ainsi que le Maroc annule sa participation comme il s’est retiré du sommet de Tunis… Tout y passe pour salir l’image d’un pays et de ses habitants. Mais le plus frappant dans ces images récoltées en Algérie, c’est le jeune âge des interviewés. Cette haine des Marocains n’est pas spontanée. Elle a été patiemment fabriquée par une junte qui sert un seul narratif aux Algériens, dont la trame essentielle tend à diaboliser les Marocains. Les médias algériens diffusent en boucle, jour après jour, un discours haineux à l’égard du Maroc, qualifié de pays ennemi, de menace pour l’Algérie, d’occupant, de narco-Etat, de dictature qui affame un peuple de baiseurs de mains sans égo ni fierté. Mais si ce n’était que ça, que penser et que dire des appels à commettre des attentats terroristes sur le sol marocain lancés par des journalistes à la télévision?
Des propos calomniateurs éructés par des pseudo-experts en tous genre invités sur les plateaux de médias officiels où la diffamation fait office de ligne éditoriale. L’un des récents exemples de cette propagande éhontée s’illustre sur le plateau de la «très sérieuse» émission «Visions», le 17 juillet, et dont le titre annonce la couleur: «Maroc… appel à manifester le 17 juillet pour faire tomber le régime du makhzen». Cette émission est diffusée sur Algérie 2, la deuxième chaîne publique de l’Etat algérien. Pendant une heure et dix-huit minutes, trois «experts» encadrés par une animatrice hors-sol vont s’évertuer à décrire un pays en proie à la famine, aux inégalités, aux révoltes, dirigé par des sionistes, et dont la principale ressource est la drogue. On y apprend ainsi, dans un florilège d’inepties, énoncées pêle-mêle, que les enfants marocains se droguent dès l’âge de 4 ans, que 50% des naissances au Maroc sont issues de relations hors mariage, que Royal Air Maroc est le transporteur officiel de la drogue marocaine, qu’Israël est aux commandes du pays… Et cet exemple d’émission est malheureusement loin d’être un cas isolé. Sur les autres chaînes de télévision, autant publiques que privées, que ce soit dans le cadre du journal télévisé ou d’émissions spécialisées, c’est un Maroc à feu et à sang, un pays expansionniste nourrissant une haine profonde pour l’Algérie, que l’on dépeint au quotidien.
Mais la propagande anti-Maroc ne gangrène pas que les médias. Dans les manuels scolaires, on décrit le Maroc comme un pays occupant le Sahara atlantique et dont les visées expansionnistes n’épargnent pas l’Algérie. En somme, dès qu’ils commencent à user les fonds de leurs culottes sur les bancs de l'école, les Algériens apprennent que le voisin de l’ouest est un ennemi à abattre. Le narratif de la junte militaire s’invite jusque dans les mosquées dès lors qu’il s’agit de prêcher la bonne parole, celle du pouvoir en place. On ne se souvient que trop bien de ce 18 décembre 2020, quand sur ordre des autorités gouvernementales algériennes, les imams des mosquées algériennes avaient été appelés à unifier, à travers tout le pays, leur prêche du vendredi pour s’attaquer au Maroc, suite à la reprise de ses relations avec Israël.
Dès lors, faut-il s’étonner vraiment de la barbarie qui a caractérisé l’agression des Lionceaux de l’Atlas à Oran? Cette barbarie a eu au moins un mérite: elle a mis en pièces le mythe du khawa khawa.