Wydad, c'est grave docteur?

Adil Ramzi, entraîneur du Wydad de Casablanca.

Adil Ramzi, entraîneur du Wydad de Casablanca.. DR

Ceux qui parlent de fin de cycle se trompent, la série noire va rapidement se transformer en série grise et verte quelques soient les décisions qui seront prises au sujet du staff. Les grands clubs ne meurent jamais.

Le 01/12/2023 à 13h55

Le Wydad, club légendaire du football marocain, au palmarès le plus riche et à l’histoire patriotique exemplaire, vivait depuis quelques années un cycle d’excellents résultats qui l’ont porté jusqu’au sommet du football africain. Le club a d’ailleurs été choisi, par les instances de la Confédération africaine de football (CAF), pour faire parti d’une association de clubs pour le développement du football du continent dont la première étape a été la participation à l’African Football League. Ils sont huit clubs seulement à bénéficier de ce privilège.

Trois défaites enregistrées au plus mauvais des moments ont instaurées une atmosphère de crise au sein du club et les demandes de destitutions de l’entraineur se multiplient sur les réseaux sociaux.

Le président fragilisé par des problèmes, disons administratifs, n’a pas pu accompagner le club en Afrique du Sud lors de la finale de l’AFL perdue face au club local du Mamelodi Sundowns. Cette défaite, dont le club n’a pas à rougir, a installé un début de défiance dont seront victimes les joueurs et surtout l’entraineur. Un classique du football mondial.

Il est vrai que par la suite, il y a eu une défaite alarmante en Ligue des Champions face à une équipe du Botswana sans expérience et de surcroit à domicile. Elle va laisser des traces. Le Jwaneng Galaxy avait, il est vrai, créé la surprise au tour préliminaire en éliminant la deuxième meilleure équipe d’Afrique du Sud, les Orlondo Pirates, mais personne n’imaginait une telle déconvenue, même si le score 0-1 ne reflète pas le cours du match. Mais la goutte qui a fait déborder le vase, c’est la défaite face à l’AS FAR et par un score assez lourd 3-1. Les FAR avec le Raja sont les adversaires les plus importants du Wydad et les matchs contre eux revêtent un caractère spécial pour les supporters qui y rajoutent un fort capital émotionnel. Une défaite contre l’AS FAR ou contre le Raja, pour les supporters c’est difficile à digérer.

De plus, il y avait un contentieux avec l’équipe des militaires né de leurs confrontations de la saison précédente et de leur lutte pour le titre. L’AS FAR avaient battu le Wydad à l’aller et avaient égalisé aux derniers instants du match retour sauvant ainsi le nul et les points qui vont avec.

C’est une mauvaise série pour le Wydad, incontestablement, mais ce n’est pas un nouveau cycle. Toutes les équipes du monde traversent des périodes de moins bien, quelques soient la qualité de leurs effectifs, elles s’en relèvent avec quelques ajustements techniques. Le changement d’entraineur est l’option ultime, elle ne résout pas forcément le problème dans le fond, mais elle calme l’environnement dans lequel évolue le club. Ce n’est heureusement pas la seule, la continuité dans le travail étant une vertu partagée par les plus grands dirigeants. Compte tenu de l’effectif du club et de l’excellente partition tactique et stratégique de l’entraineur lors des matchs de demi-finale contre l’Espérance de Tunis, un expert en la matière, il est difficile de remettre en cause les qualités du coach. L’impératif de casser une mauvaise série pour maintenir un cycle fait prendre, quelques fois, des décisions douloureuses aux responsables.

La Wydad a dominé le football marocain au tout début de l’indépendance, avant de céder le leadership aux FAR pour 10 ans et reprendre le flambeau au cours des années 70 avec le KAC et le MAS. Les années 80 seront dominées par les FAR avant le Raja lors des années 90 et 2000. Le cycle actuel du Wydad a commencé avec les années 2010 et semble se maintenir sur de bonnes bases. Le Raja, les FAR et surtout la Renaissance Sportive de Berkane et le FUS, dont il ne faut jamais se lasser de souligner l’excellente gestion, restent à l’affut.

Tous les championnats du monde vivent au rythme des cycles de leurs clubs dominants. En France, c’est l’argent qui détermine la puissance des clubs. Seuls Saint Etienne, Reims et un peu l’OM ont bâti leur domination sur l’ancrage populaire. Paris Saint-Germain, Bordeaux, Lyon se sont tous installés au sommet grâce à leurs financements externes au football.

En Angleterre, Manchester City, Newcastle et Chelsea sont sur le schéma français, pas le reste des clubs.

Dans le reste de l’Europe, Bayern et Real Madrid allient ancrage populaire, gestion exemplaire et financement autonome. Ils répondent toujours présents que ce soit en Europe ou dans les compétitions nationales. Le Real depuis les années 50, le Bayern 20 ans plus tard.

Barcelone aussi est toujours présente. Elle a subi les affres de la mauvaise gestion, mais continue à financer son centre de formation qui lui donne d’énormes satisfactions. Ajax Amsterdam, longtemps pourvoyeur de talents, a vu sa source se tarir et souffre cette année. On est loin du Wydad qui, même dans ces périodes les plus noires, n’a jamais failli. Ceux qui parlent de fin de cycle se trompent, la série noire va rapidement se transformer en série grise et verte quelques soient les décisions qui seront prises au sujet du staff. Les grands clubs ne meurent jamais.

Par Larbi Bargach
Le 01/12/2023 à 13h55