Mardi dernier, les Marocains étaient conviés à une véritable soirée flash-back. En effet, l’athlétisme, longtemps porte-drapeau du sport national, s’était un peu éclipsé après la retraite de l’immense champion mondial, le Marocain Hicham El Guerrouj. Cette légende, ce monument des épreuves du 1.500 mètres avait placé la barre très haut en accumulant médailles d’or olympiques, titres de champions du monde et records mondiaux. Cette barre, Soufiane El Bakkali vient de la toucher de la plus belle des manières.
En effet, contrairement à ce que la plupart des commentateurs sportifs pensaient, après la victoire surprise des Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo, Soufiane a confirmé son talent en remportant un premier titre de champion du Monde en 2022, à Eugene, et un deuxième en 2023, à Budapest. La médaille d’or olympique constituait déjà un gros exploit, les Kenyans, quasi seuls spécialistes du 3.000 mètres steeple, n’avaient plus perdu aux Jeux Olympiques depuis 1984, et il vient de battre le recordman du monde de la discipline et l’homme en forme de la saison.
Ce deuxième titre, après une médaille d’argent en 2017 et une de bronze en 2019, fait de lui une nouvelle légende du sport marocain en général et de l’athlétisme en particulier. Il confirme la belle série et les prestations remarquables de nos représentants dans différents sports cette année.
C’est une nouvelle dynamique dans laquelle s’inscrit le Maroc et plusieurs champions y sont associés, Réda Bennani en Tennis, Itachi en eSports, premier africain à remporter un major sur Rocket League, la boxe marocaine avec la brillante championne du Monde Khadija Mardi, couronnée à New Delhi, l’équipe nationale féminine de Basket finaliste de la 13e édition de la Coupe d’Afrique au Caire, l’équipe nationale masculine des joueurs locaux champions d’Afrique de Basket en Angola, celle du karaté championne d’Afrique à Casablanca, les jeux de la Francophonie, largement dominés par la délégation marocaine sans oublier les prestations hors normes des équipes nationales de football largement médiatisées.
En athlétisme, tout a commencé lors d’un meeting en Italie au cours duquel le public marocain découvrait le sport de haut niveau. Said Aouita, alors jeune athlète, faisait parler de lui en réalisant un chrono exceptionnel de 3 min 32 sec au 1.500 mètres. Pour mettre en perspective l’importance de cet exploit, Najib Salmi titrait «Ce chrono, c’est l’équivalent d’une présence en demi-finale de Coupe du Monde», un titre prémonitoire dont on appréciera la portée 40 ans plus tard.
Said Aouita, rejoint par Nawal El Moutaouakel, allait confirmer, lors des Jeux Méditerranéens qui se sont déroulés à Casablanca en 1983 et en décrochant les premières médailles d’or olympiques de l’histoire du Maroc à Los Angeles ainsi qu’au Championnat du Monde.
D’autres champions les avaient précédé, Haddou Jaddour, un des plus grands «milers» marocains. Son réveil l’a trahi en 1972 aux Jeux de Munich et il n’a pas pu participer à la finale du 5.000 mètres qui aurait pu le propulser en haut du podium. C’est le Tunisien Gamoudi qui sera consacré à sa place, alors qu’il l’avait battu plusieurs fois en cross et sur piste cette année-là.
D’autres vont leur succéder Brahim Boutayeb, Khalid Skah, Salah Hissou, Nezha Bidouane, Jawad Gharib, et bien d’autres mais aucun n’aura le prestige de Hicham El Guerrouj et n’atteindra son niveau de performance. Hicham détient depuis le 14 juillet 1998, le record du Monde du 1.500 m en 3 min 26 sec 00. C’est le plus ancien des records du monde de course à pied. Il détient également le label de «meilleure performance de tous les temps» pour le «Mile» et pour le 2.000 mètres.
Mais ce qui a complètement convaincu les Marocains du retour du pays au premier plan, c’est cette très belle victoire de Soufiane El Bakkali au terme d’une course parfaitement maitrisée et superbement conduite. Elle a réveillé tous ceux qui avaient perdu le goût et les émotions des courses de demi-fond. Cette médaille d’or vient à point nommé pour rappeler les heures de gloires de l’athlétisme marocain et pour ouvrir la voie à de nouvelles ambitions.
L’Athlétisme avait perdu de son éclat, ce n’est pas faute de moyens, ni de volonté et encore moins de talents. Il a été la cible de plusieurs détecteurs de talents. La fuite des «athlètes» y est une pratique régulière et fréquente. La victoire de Soufiane montre que ce n’est pas une fatalité.
Les championnats du monde et les divers meetings relevant de la Diamond League bénéficient d’une couverture médiatique exceptionnelle en été. Ils occupent quasiment tout l’espace estival sportif orphelin de football. Seul le Tour de France mobilise plus, le public et les caméras des chaînes sportives, durant cette période de l’année.
Il faut en tenir compte et agir pour retrouver une visibilité pour nos champions et pour le pays.