Difficile de dire que la saison 2024-25 a été une réussite pour le basket marocain. Une saison chaotique, clôturée par les sacres du FUS de Rabat chez les hommes, vainqueur à la fois de la Coupe du Trône et des playoffs, et par ceux du Kawkab de Marrakech chez les femmes pour le titre, et de l’IRT pour la Coupe.
Mais surtout, une saison entachée par une suspension brutale de toutes les compétitions nationales en avril, sur décision de la FRMBB.
Une décision aux conséquences lourdes, officiellement motivée par des raisons financières: la Fédération, présidée par Mostafa Aourach, accusait le ministère de tutelle de n’avoir pas honoré ses engagements financiers, ce qui a conduit à un arrêt quasi-total de l’activité pendant près de deux mois.
Autrement dit, le basket marocain s’est retrouvé figé, paralysé, incapable d’assurer la moindre continuité. Encore une fois.
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La reprise n’a été possible qu’à partir du mois de juin, sous l’impulsion de la commission provisoire dirigée par Driss Chraïbi, nommée pour remettre la discipline sur les rails. C’est ainsi que la saison a pu s’achever le 2 août, avec le dernier titre remporté par les hommes de Saïd Bouzidi.
Mais maintenant que les champions sont enfin connus, les trophées levés. Reste une interrogation: à quoi ressemblera la prochaine saison? Car, si Driss Chraïbi et son équipe ont, certes, accompli leur mission de sauvetage, l’incertitude plane toujours. Et elle n’est pas infondée. Il suffit de se replonger dans l’histoire récente.
En 2019, le basket marocain avait déjà été mis en pause, pendant deux ans. En cause, un mélange explosif de blocages politiques, de vacances de gouvernance, de problèmes de conformité juridique des clubs et d’un imbroglio administratif, le tout sur fond de pressions de la FIBA. La pandémie de Covid-19 est ensuite venue compliquer davantage la situation.
En 2021, une relance était amorcée. Mais voilà qu’en 2025, l’histoire se répète. Nouveau gel. Nouvelle crise. Cette fois, sous l’impulsion directe du président Aourach, en opposition frontale avec le ministère, mais aussi la Commission provisoire. Un conflit d’hommes, en apparence, mais aux conséquences sportives réelles.
Grosso modo, le basket national sur les six dernières années, c’est deux saisons sans compétition, puis un arrêt de deux mois à peine quatre ans plus tard, et surtout, des résultats peu glorieux.
Le basket marocain est-il condamné à vivre de crise en crise, au lieu d’exploser enfin à la hauteur de son potentiel?
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Car ce sport, au Maroc, mérite mieux. Il mérite qu’on pense à lui comme un écosystème complet: des joueurs, marocains comme étrangers, des encadrants, des familles, des bénévoles, des vidéastes passionnés qui immortalisent les performances de joueurs comme John Jordan, l’Américain qui s’entraîne quotidiennement à la salle Ibn Yassine de Rabat. À voir cet enthousiasme, cette passion, cette énergie, il y a de quoi rêver. Et il y a une preuve que le basket existe au Maroc.
Mais pour quelqu’un d’extérieur, le contraste avec la réalité peut paraître déroutant. Une BAL organisée à Rabat en avril, avec une affluence record, près de 30.000 spectateurs, une ferveur qui laisse penser qu’on était au Madison Square Garden, et une organisation saluée jusqu’au sommet de la NBA.
Mark Tatum, numéro 2 de la ligue nord-américaine, n’avait pas tari d’éloges lors d’un entretien exclusif accordé au 360 Sport: «Le Maroc a une longue tradition de basket», nous avait-il confié. Il saluait une BAL «fantastiquement organisée», un public «incroyable», une vraie culture basket en pleine éclosion.
Mieux encore: il évoquait fièrement le partenariat entre NBA Africa et l’UM6P, avec quatre ligues lancées à Khouribga, Gantour, Laâyoune et El Jadida, des écoles de basket estampillées NBA, plus de 200 entraîneurs marocains formés… et un «pourquoi pas voir un joueur marocain un jour en NBA».
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Une ambition qui n’est pas irréaliste. La NBA Summer League, véritable vitrine mondiale pour les jeunes joueurs, est accessible à ceux qui se distinguent, même dans des compétitions comme la BAL. L’Égyptien Anas Mahmoud, élu meilleur défenseur de la BAL 2021 avec Zamalek, a décroché une invitation aux Trail Blazers. Pourquoi pas un joueur marocain demain ?
Mais pour rêver d’Amérique, il faut d’abord résoudre les problèmes locaux. Sortir des querelles de personnes, des retards de paiement, des crises de gouvernance. Ne plus revivre les blocages de 2019 ou de 2025. Il faut penser au basket sur le long terme: structurer, encadrer, former, faire grandir. Croire en ce sport, tout simplement.
Car ces mêmes maux qui minent la gestion du basket national se retrouvent dans ses résultats sportifs. La dernière participation des Lions de l’Atlas à une phase à élimination directe de l’AfroBasket remonte à… près d’un demi-siècle.
Depuis? Rien, hormis une victoire à l’AfroCan 2023. Plus récemment encore, lors des dernières phases de qualifications disputées à Rabat, l’équipe nationale a échoué à se qualifier. Et du côté des clubs, même le FUS n’a pas réussi à briller sur la scène continentale sur ces deux dernières années.
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Alors, pourquoi ne pas enfin construire? Un vrai projet. Structuré. Durable. Sans interruption. Sans gel de championnat. Un projet où les jeunes peuvent rêver d’une formation 100% marocaine. Un projet de montée en compétence, de compétitivité retrouvée, de vision partagée. Un projet stable, où le basket ne paye pas le prix de problèmes entre personnes.
Le Maroc peut continuer à célébrer des trophées sur fond de chaos, ou choisir enfin d’écrire une vraie histoire de basket. Une histoire sans suspensions ou drames inutiles. Une histoire où l’on ne célèbre pas seulement la victoire, mais le chemin pour y arriver. Car à force d’improviser, on piétine. Il est temps de tracer une ligne droite et ambitieuse. Pas pour faire joli dans les discours. Mais pour que, sur les parquets comme dans les tribunes, plus personne ne doute que ce sport a un avenir. Chez nous.


