Le titre est provocateur, c’est voulu. Il ne reflète certainement pas le perçu d’un bon nombre d’observateurs du football national, y compris parmi les supporters du Raja. Ils ont raison, la collection de records accumulés au cours de la saison, n’en fait pas encore une équipe que l’on peut qualifier de légendaire. Dans l’esprit de beaucoup de sportifs, les équipes qui ont marqué l’histoire de la Botola et du football marocain, ont marqué de leur empreinte la mémoire collective. Celles qui viennent à l’esprit, spontanément, sont l’ASFAR des années 80, avec les Timoumi, Dahane, Laghrissi, Khairi, Lemriss, le Wydad des années 90, avec Moussa N’daw, Rachid Daoudi, Naybet, Nader, le KAC des Boussati, Jamal, Khalifa, Bouyahyaoui, le MAS des Tazi, Hazzaz, Zahraoui ou le Raja de la génération Dolmy et Haddaoui. Le Raja de cette saison ne fait pas encore parti de cette catégorie, mais on ne peut pas rester indifférent à sa performance, unique dans l’histoire du football marocain. Un exploit d’autant plus impressionnant que le Raja a lutté, jusqu’à la fin, face à une des meilleures équipes de l’histoire de l’AS FAR, en termes de statistiques et de résultats obtenus.
Pour réaliser une étude comparative sérieuse sur l’histoire des «Botolas» et des prouesses des clubs marocains, il fallait utiliser les documents d’archives disponibles. Le plus pertinent, c’est un choix, est celui des classements obtenus à l’issue de chaque saison du championnat national. Un autre choix a été de limiter l’étude à la création de la Fédération royale marocaine de football. Les documents de la période précédente ne sont pas toujours faciles d’accès.
Ensuite, il a fallu générer des ratios significatifs. C’est un passage obligé pour comparer avec un minimum d’objectivité statistiques. Deux difficultés ont été rencontrées. Le nombre de matchs joués pour chaque champion n’est pas le même. On est passé de 25 journées, c’est l’année du dramatique tremblement de terre d’Agadir, et l’abandon forcé du Hassania au bout de 14 journées, à 38 journées pour le maximum. L’autre complication relève du nombre de points attribué par résultat. Si pour chaque victoire on a toujours attribué 3 points, depuis la saison 1995-1996 la fédération n’accorde qu’un point pour le nul, contre deux auparavant, et zéro point pour la défaite contre un point les précédentes saisons. C’est une donnée supplémentaire dont il fallait tenir compte.
Un choix s’est imposé, classer les champions en fonction de la moyenne de points enregistrée par match. C’est-à-dire le nombre de points accumulés par saison divisée par le nombre de matchs joués. Sur cette base (points moyens par match), le Raja 2023-2024 est très largement en tête devant tous les autres champions de l’histoire. Il devance, avec un coefficient de 2,40 points par match, les deuxièmes ex aequo, que sont l’AS FAR de la saison 2022-2023, le Wydad saison 2020-2021 et le Raja 1997-1998 tous avec une moyenne, déjà remarquable de de 2,23 points par match. L’AS FAR de cette saison 2023-2024, bien que second du classement a une moyenne supérieure aux champions des années précédentes avec un ratio de 2,37 points par match. Il serait second dans un classement global. C’est dire le niveau de compétition que le club « rajaoui » a eu à affronter cette année.
Autre particularité de la saison, remarquée sur plusieurs publications et sur les réseaux sociaux, c’est la première fois qu’une équipe championne termine sans défaite. C’est, avec le Bayer Leverkusen (Allemagne) et Al Hilal (Arabie saoudite), les seules équipes de première division de la planète dans ce cas. Quatre équipes marocaines avaient réussi l’exploit d’enregistrer une seule défaite, le Wydad en 77-78, le KACM en 91-92, l’Olympique de Casablanca en 1993-1994 et le Raja en 97-98.
En ce qui concerne le nombre de victoire pour un champion en titre. Le Raja 2023-2024 réalise la meilleure performance avec 21 victoires cette saison. Ils devancent l’AS FAR 2022-2023 et le Wydad 2020-2021 avec 20 victoires chacun. L’AS FAR avec 22 victoires en 2023-2024 fait mieux que tout ce beau monde en terminant vice-champion. C’est dire le niveau de la saison qui vient de s’achever. Avec, 23 victoires le Wydad de la saison 1985-1986 et le KAC 1980-1981 font mieux mais c’était sur des saisons de 38 matchs, 8 de plus que le championnat actuel.
Enfin, en ce qui concerne la moyenne des buts par match, cette saison pour la première fois de l’histoire une équipe a réussi l’exploit de marquer plus de 2 buts par matchs. C’est l’équipe de l’AS FAR avec 2,17 buts par matchs. Ils font mieux que le Wydad 2020-2021 avec une moyenne de 1,93 buts par match et celui de 1958-1959 avec 1,92 buts par match.
Autant de performances qui font de la saison 2023-2024 une saison exceptionnelle.
Autres particularités des archives. Deux équipes ont été consacrées meilleures lignes d’attaques de la saison sans avoir été championne du Maroc. Il s’agit du TAS et surtout du Difâa d’El Jadida 5 fois meilleure attaque et jamais championne.
Pour l’anecdote. La modification de la tarification des points en fonction des résultats, a un impact direct sur l’attribution des titres de champions. En 1966-1967, la Renaissance de Settat aurait remporté le titre au détriment de l’AS FAR. En 1971-1972, c’est le Wydad qui aurait été sacré et non le RAC. En 1972-1973, le MAS aurait été déclaré champion à la place du KAC. En 1974-1975, encore une fois le MAS aurait pu empocher un titre supplémentaire, titre remporté par le MCO. En 1984-1985, le nouveau système de points met le KAC devant le Mas et en 1994-1995, c’est l’Olympique de Casablanca qui aurait terminé champion au détriment du CODM. Par contre en 1988-1989, l’AS FAR et le Mas auraient terminé à égalité de points 51 chacun au lieu de 68 points pour l’AS Far et 67 points pour la MAS selon l’ancien barème. Ça n’aurait rien changé au classement, compte tenu de la différence de buts supérieure en faveur de l’AS FAR.
La dévalorisation des points attribués aux matchs nuls et à la défaite a favorisé le jeu offensif et améliorer la performance des joueurs de la Botola. Pourvu que ça dure.