Le verdict final est tombé dans l’affaire opposant l’ex-international marocain Abdeslam Ouaddou au Mouloudia d’Oujda. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le Tribunal arbitral du sport (TAS), ultime voie de recours dans ce dossier, a lourdement sanctionné le club de l’Oriental. En effet, le MCO devra verser à son ancien entraîneur la coquette somme de 9 millions de dirhams. Le litige, qui est passé devant la justice du football marocain, puis devant le TAS, a mis en relief un modus operandi d’un autre temps entre les clubs d’une part, et les joueurs et entraîneurs de l’autre. Dans ce bras de fer, le plaignant a refusé toutes les tentatives de conciliation, les dernières en date ayant eu lieu juste après le verdict, dans le but de le convaincre d’abandonner une partie de la somme qu’il est appelé à percevoir.
Cette condamnation vient jeter un peu plus la lumière sur la gouvernance du club. Comment est-il possible de s’attacher les services d’un néophyte du banc de touche, de lui confier les clés du secteur sportif, avec en prime un contrat longue durée de 4 ans? Outre cet engagement, qui a altéré le microclimat du club, la manière de gérer les contrats des joueurs a aussi laissé à désirer. Le MCO a laissé partir quasiment toutes ses forces vives (Khafifi, Khafi, Naffati et Diakité) quasiment à paramètre zéro. Seule la cession de Paul Bassene a rapporté une somme intéressante dans les caisses du MCO. Et encore, le club formateur sénégalais de l’attaquant s’est déjà manifesté pour réclamer le pourcentage convenu en cas de plus-value à la revente du joueur.
Le cas du MCO n’est pas isolé. Loin de là. D’autres clubs font aussi partie des mauvais élèves devant le TAS. Au total, 34 litiges sont en cours de traitement à la juridiction de Lausanne. Le club oujdi se taille certes la part du lion, avec 9 affaires, mais il est talonné par le SCCM, qui en compte 7, dont un pour sa section féminine. Le DHJ et le MAS sont sur le banc des accusés pour 3 affaires, et les avocats de l’IRT, du WAC, du RBM et du MAT planchent sur 2 dossiers chacun. L’OCS, l’OCK, le Raja et la JSKT font presque figure de bons élèves avec un unique litige à gérer.
À chaque fois, il s’agit invariablement de clauses de contrat non honorées par les employeurs. Ces derniers promettent monts et merveilles aux joueurs, avant de prendre des libertés avec leurs engagements. Commence alors le bras de fer, avec son lot de revendications et de grèves de l’entraînement, avant la résiliation unilatérale du contrat et le dépôt du dossier devant la commission des litiges de la FRMF, première étape dans les hostilités.
L’employeur a alors la possibilité de résoudre le conflit à l’amiable, via la fameuse solution des «2 mois payés». Faute de patience ou de moyens de subsistance, quelque 80% des joueurs locaux finissent par accepter ce compromis, convaincus que, comme le veut la formule, «un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès». Les autres préfèrent aller plus loin dans le processus légal, quitte à aller devant le TAS.
Souvent, des présidents de clubs, à l’ego surdimensionné, ou simplement mal conseillés (comme ceux du Wydad et du Raja), s’obstinent à aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire, quitte à alourdir la facture. Les cas Sissoko et Fakhir en sont la meilleure illustration. Ils nous rappellent que, faute d’une vraie cellule juridique au sein du club, les dirigeants s’en tiennent souvent à des contrats standards ou à des formules périmées.
Aujourd’hui, la FRMF commence, lentement mais sûrement, à serrer la vis. Soucieuse de son image à l’international, l’instance faîtière de notre football semble progressivement abandonner la méthode douce, faite d’accompagnement et de conseils, pour une approche plus ferme.
De son côté, la FIFA peut appliquer sa propre législation si, dans un délai de 60 jours, le club condamné se trouve dans l’impossibilité de payer. La sanction peut alors aller de l’interdiction de recrutement à la relégation expresse dans les divisions inférieures, en passant par la soustraction de points.
Comme par miracle, dès que le bâton de la FIFA est agité, les présidents parviennent à dénicher les fonds pour s’acquitter de leurs dettes. Il est donc question de bonne et de mauvaise foi. Par ricochet, les supporters, qui réclament à chaque intersaison des recrutements clinquants, retournent prestement leur veste pour revendiquer le départ de la «partie émergée» du Comité directeur. Le cas le plus évident est celui du MAS, où le président n’est plus en odeur de sainteté auprès des ultras. Il y a quelques années, le Raja vivait la même instabilité institutionnelle, avec ses 6 présidents en 7 ans et, surtout, une crise financière devenue structurelle. Le Wydad pourrait connaître le même sort, même s’il garde une bouée de sauvetage: la carotte du prize money du Super Mondial des clubs 2025.
Finalement, ceux qui devraient se plaindre le plus de cette situation sont paradoxalement… les clubs à la gestion irréprochable. En bons pères de famille, soucieux de la santé financière de leur club, ils refusent d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Résultat, ils ne recrutent qu’à hauteur de leurs bourses, anticipant un fair-play financier avant l’heure. Revers de la médaille: le risque de se retrouver avec un effectif peu compétitif, et l’obligation de revoir ses ambitions sportives à la baisse, comme a dû le faire, contraint, le FUS de Rabat.
Certes, il reste possible de recruter malin, comme arrivent à le faire si souvent l’AS FAR et la RSB. Mais dans l’absolu, il est impossible pour le club fourmi de se battre à armes égales contre les cigales.
In fine, c’est la réputation à l’international des clubs de la Botola Pro qui s’en retrouve aujourd’hui écornée. À terme, notre championnat pourrait se retrouver sur la liste noire de la FIFPRO, le syndicat international des joueurs, voire sur celle de la FIFA, qui pourrait alors, les plus officiellement du monde, recommander aux joueurs étrangers de ne plus s’engager avec un club marocain!
Cette épée de Damoclès, qui pend au-dessus de la tête des dirigeants de nos club, devrait leur rappeler les vertus d’une gestion orthodoxe, et les travers de la fièvre acheteuse. Et comme disait si bien le grand Jacques Brel, «Faut pas jouer les riches quand on a pas le sou».