Que ceux qui pensent que le dimanche est la journée la plus ennuyeuse de la semaine lèvent la main. Bon, maintenant, on leur demande gentiment de fermer aussitôt cet onglet. Pourquoi? Parce qu’il est difficile de prétendre que le dimanche 19 novembre 2023 était un jour morne et sans relief. Bien au contraire: on retiendra ce jour de grâce, marqué au fer rouge, comme celui où la junte au pouvoir à Alger s’est encore une fois couverte de ridicule. Et le pauvre Lakhdar Belloumi en sait quelque chose. Petite précision: l’ancienne gloire du football algérien est vraiment pauvre, ce n’est pas juste une métaphore, mais les mauvaises langues affirment que sa situation a changé depuis dimanche.
Donc, celui que nombre d’observateurs considèrent comme le meilleur joueur de l’histoire de l’Algérie a été traîné (de force?), ainsi que plusieurs ex-internationaux, jusqu’à Tindouf pour prendre part à un match d’exhibition. Vêtu du maillot algérien avec des motifs du zellige marocain (le ridicule ne tue point!), le Ballon d’or africain 1981 a semblé très mal à l’aise au moment de recevoir un certificat de participation au match mémorable, attestation dument encadrée et personnalisée avec la photo de son compatriote Mohamed Benbatouche, alias Brahim Ghali, chef des terroristes du Polisario.
On ne sait pas si c’est la pleine lune ou un soleil à moitié vide, mais ce dimanche-là l’ami Belloumi a rejoint officiellement le rang des fous.
Pourtant, il était parmi les rares figures algériennes sensées, voire même intelligentes, qui évitaient systématiquement de souffler sur le brasier, dès qu’il était question du Maroc, et de disséminer la haine. C’est pour cela que la Fédération royale marocaine de football (FRMF) a fait appel à lui pour être l’un des ambassadeurs de la candidature marocaine à l’organisation de la Coupe du monde 2026, aux côtés du Camerounais Samuel Eto’o primé de 4 Ballons d’or (BO), de l’Ivoirien Didier Drogba récompensé de 2 BO et du Sénégalais El Hadji Diouf.
D’ailleurs, depuis ce rapprochement avec la FRMF, rien ne va pour lui ainsi que pour les membres de sa famille. Belloumi a disparu des radars, ne recevant aucune offre en Algérie pour entraîner des clubs. Sa dernière expérience remonte à 2018 avec le Ghali Chabab Mascara, soit avant de manifester son soutien pour le dossier marocain.
Cette mise à l’écart de la légende algérienne a déteint même sur ses fils, dont l’un a opté cyniquement pour le «hrig» en France, fuyant la misère dans laquelle il vivait dans son pays.
«J’ai joué à Oran, mais ça n’a pas marché. J’ai terminé mes études et je n’ai pas trouvé de travail. Je voulais faire du commerce, mais en vain. J’ai décidé alors de venir ici, en France, pour gagner ma vie. Et ce que je gagne aujourd’hui en une semaine, je n’arrivais pas à l’avoir en un mois en Algérie», témoignait, en 2022, le fils de Lakhdar Belloumi, dont les propos ont été rapportés par le journaliste Aboud Hichem.
Pour ce dernier, le «hrig» du fils d’une légende «reflète la réalité de l’Algérie des bandits où les gens sont morts administrativement».
«Si son père était un voleur, à l’instar des caporaux et généraux, il aurait pu acheter à son fils un appartement et autres biens. Mais Lakhdar Belloumi gagnait sa vie honnêtement et mouillait son maillot pour le pays. Et aujourd’hui, son fils est un harrag», s’indigne-t-il.
Le journaliste, révolté, considère qu’en Algérie, les fils des généraux et autres responsables bénéficient de tous les privilèges, alors que les enfants du peuple, malgré les services rendus au pays, sont marginalisés et victimes d’ingratitude.
Ce bannissement et pression exercée sur la famille Belloumi a, semble-t-il, eu raison de l’ancien Fennec qui a fini par céder. Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Son autre fils, Mohamed El Bachir, recalé par la Mouloudia d’Oran en 2021 et forcé à l’exil en Portugal (Farense SC) a été convoqué par Djamel Belmadi pour le dernier rassemblement de l’équipe algérienne.
Ce match joué par Belloumi, devant une poignée de Sahraouis, otages des militaires qui se sont succédé au pouvoir depuis Boumediene, donne à ceux qui en doutent –encore– la conviction et la juste mesure que le pays, à la botte de la junte, ne tourne pas rond! Une maladie sans remède frappe les autorités d’Alger. Mais bon, soyons fair play, le match donne à l’ancienne star et à sa famille un avenir moins sombre... dans une Algérie qui humilie ses meilleurs talents.