Il y a un peu plus de trois ans, nous évoquions déjà, dans une chronique acerbe, les dérives et les lacunes criantes de la Ligue nationale de football professionnel. C’était en juin 2022, à l’occasion d’une Assemblée générale tenue au complexe Mohammed VI de football. Nous y pointions le ridicule d’une instance incapable d’aller au-delà de la validation de rapports financiers et moraux, alors même que les clubs sombraient dans les dettes et que le championnat tournait à vide. Trois ans plus tard, rien n’a changé. Pire encore, de nouveaux épisodes sont venus confirmer ce que nous dénoncions: la LNFP n’est rien d’autre que la Ligue Nationale des Faux Professionnels.
À l’époque déjà, nous nous demandions ce que les mots «professionnel» et «Botola» faisaient dans la même phrase. Aujourd’hui, la question reste entière. Le championnat souffre toujours des mêmes maux: un calendrier rafistolé au gré des pressions, des clubs incapables de générer leurs propres revenus, des dirigeants qui valident docilement des rapports comme on signe une feuille de présence, et une Ligue qui ne sert que d’ombre portée à la Fédération. On croyait que le temps, les investissements massifs et la pression des échéances internationales allaient imposer un sursaut. On se trompait.
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La LNFP s’est spécialisée dans l’improvisation et la fabrication de coquilles vides. La meilleure preuve? Cette fameuse «Coupe de l’Excellence» lancée l’an dernier. Une compétition sans sponsor, sans calendrier, sans visibilité. Un tournoi fantôme, mis aux oubliettes avant même d’avoir existé. Si elle avait été un peu inspirée, la Ligue aurait copié ce qui se fait ailleurs: une Coupe de la Ligue solide, un partenaire crédible, un prize money attractif. Mais non.
Et que dire des barrages inter-divisions? Présentés comme l’invention phare du XXIe siècle, le concept est en réalité une tradition du championnat national, du temps où les clubs marocains vivaient leur premier âge d’or, les années 1980.
Les exemples ne manquent pas. Calendriers bricolés à la dernière minute, matchs déplacés de ville en ville à 48 heures du coup d’envoi, huis clos décrétés sans explication. Les clubs naviguent à vue, les entraîneurs s’arrachent les cheveux, les supporters sont traités comme une variable d’ajustement. On a même eu droit, pour cette première journée qui démarre ce vendredi, à une rencontre programmée à 16h. Comme si les passionnés de Botola étaient tous des rentiers ou des retraités désœuvrés.
Quid des sanctions disciplinaires? La justice sportive version LNFP ressemble à une loterie. On tourne la roue, on attend le verdict, et tant pis pour la cohérence.
Dernier épisode en date: la cérémonie organisée le 11 septembre 2025 au siège de la FRMF pour la signature de la Charte d’engagement, d’éthique et de bonne gouvernance. Une grande messe solennelle, avec discours enflammés sur la transparence, la responsabilité et la fin des pratiques archaïques. Belkchour parlait d’une «nouvelle page» et d’une «transformation historique». Très bien. Mais fidèle à elle-même, la Ligue a publié un communiqué triomphal… sans publier la charte en question. Voilà un résumé de tout son savoir-faire: beaucoup de mots, aucun contenu.
Dans le même temps, deux clubs historiques, le Raja et le MAS de Fès, ont activé cet été leur statut de sociétés sportives. On présente cela comme un pas décisif, un changement de paradigme. En réalité, c’est un laboratoire à ciel ouvert: on observe, on expérimente, et on attend de voir si ce modèle tiendra ses promesses ou si, une fois de plus, il rejoindra les tiroirs des illusions perdues. Mais là encore, la LNFP n’est qu’une spectatrice. Ce sont la FRMF et les clubs qui agissent, pas elle.
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Pendant ce temps, les clubs continuent de s’endetter. La Fédération joue les pompiers de service, distribuant des aides pour éteindre les incendies. Mais jusqu’à quand? On en revient toujours au même constat: aucun modèle économique viable, aucune imagination, aucune stratégie. La LNFP ne connaît qu’un seul produit: le match du week-end, revendu aux diffuseurs.
Le plus triste, c’est que le Maroc investit des milliards dans ses stades, attire l’attention du monde avec la CAN 2025 et le Mondial 2030, et produit des talents qui s’imposent en Europe. Mais au cœur de ce projet, il reste ce maillon faible: une LNFP paralysée, dépendante, incapable de prendre une seule initiative sans l’aval de la Fédération.
Professionnelle? Dans le nom seulement. Dans les faits, la LNFP est et restera, tant qu’elle ne se réforme pas, la Ligue nationale des faux professionnels. Une instance qui ne décide rien, n’anticipe rien, ne propose rien. Un boulet au pied d’un football marocain qui, lui, n’a jamais été aussi proche de tutoyer les sommets.
En un mot, la LNFP est un parfait exemple du concept de «chômage déguisé».
