Chengriha, la Marche verte, la CAN 2025 et l’incontinence urinaire

L’équipe algérienne reçue par Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha, lundi 20 décembre 2021. (255199)

L’équipe algérienne reçue par Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha, lundi 20 décembre 2021. (255199). DR

Et c’est en visualisant l’équipe nationale algérienne disputant son match de barrage contre le Cameroun, au stade Mustapha Tchaker, que Chengriha sent soudainement un liquide chaud couler tout au long de ses jambes. Son incontinence urinaire en est presque réconfortante!

Le 15/02/2022 à 14h11

Avachi sur son lit d’hôpital, quelque part dans le vieux continent, Saïd Chengriha regarde d’un œil morne son écran plat haute définition 2,5 millions de couleurs (acheté à l’occasion de la CAN 2021 probablement avec l’argent de la Sonatrach et non pas celui amassé grâce au trafic de drogue et d’armes), tout en pianotant mollement sur la télécommande du récepteur satellite. Pas la moindre intox sur le Maroc à l’horizon. Rien, nada, oualou, niente! 

Depuis qu’il a quitté son Algérie pour soigner ses nombreuses maladies chroniques, dont une incontinence urinaire qui a fait la fortune des vendeurs de couches extra-plates et utra-absorbantes pour seniors qui refusent de prendre une paisible retraite, Saïd Chengriha regarde les JT et sent un étrange spleen le gagner. Oui, les présentatrices sont bien mignonnes mais elles font exprès de prolonger son supplice. Toutes les chaînes de télévision reprennent pratiquement les mêmes infos, mais pas celles qu’il appelle de ses vœux.

Et quelles infos: la crise russo-ukrainenne, l’avancée de l’extrême-droite anti-algérienne en France, les bénéfices affriolants des majors du pétrole qui dépassent le chiffre d’affaires de la Sonatrach... Bref, que des nouvelles à vous coller une dépression carabinée! Mais il en faut bien plus pour le détourner de sa quête désespérée de trouver une chaîne algérienne qui casse du Marocain. Et s’il insiste autant, c’est parce qu’il veut chasser de sa tête, non pas des pellicules, mais une simple phrase, en fait un proverbe français: «On n’est jamais trahis que par les siens». Il se dit que le gars qui a inventé ce dicton avait mille fois raison. Et pour cause, lui-même en a fait son mantra de l’année 2022, et on sait bien pourquoi.

Oui, depuis quelques semaines, Chengriha est la cible de Guermit Bounouira, ancien secrétaire particulier du défunt Ahmed Gaid Salah. La «boite noire» de l’ancien chef d’état-major le présente comme un trafiquant notoire de drogue et d’armes, mais aussi comme un régionaliste qui a placé au cours des trois dernières années des généraux de sa région (les Aurès) aux postes les plus stratégiques au sein de la hiérarchie militaire.

Non, Chengriha n’a aucune envie de démentir les révélations de Bounouira. Ses conseillers en communication lui ont dit que les médias occidentaux n’attendent que son démenti pour s’emparer du sujet. Mais il enrage de laisser un adjudant-chef, fut-il le secrétaire particulier de Gaid Salah, salir un général-major. Cela fait désordre et apporte de l’eau au moulin à ceux qui coiffent les généraux algériens avec la casquette d’un caporal. Après tout, un adjudant-chef est le supérieur hiérarchique d’un kabrane et peut à ce titre l’insulter.

Cette perspective fait oublier à Chengriha de donner l’alarme pour qu’on change sa couche. Chengriha n’aime pas qu’on manque de respect à un grade. Le respect de la hiérarchie est sacré à ses yeux. C’est d’ailleurs lui qui a soufflé au revanchard Toufik de dévaluer son bourreau Wassini Bouazza du rang de général-major à joundi, en somme 2ème classe, ou 2ème halouf, qui est comme chacun le sait, en Algérie, taillable et corvéable à merci.

Cette histoire d’adjudant-chef et de kabrane a mis de mauvaise humeur Chengriha.

Il éteint donc sa télé, prend son smartphone et navigue sur la Toile. C’est là qu’il tombe sur une info intéressante. La Guinée, pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations 2025, ne serait pas en mesure d’accueillir le tournoi panafricain. Et comme d’habitude, le pays annoncé pour la remplacer est le Maroc. 

Il imagine donc les nombreux prés verdoyants en Algérie, où gambaderaient allègrement 23 hommes et un ballon rond, ainsi que la ferveur des supporters des Fennecs, qui leur fera oublier la crise économique et sociale dont souffre le pays. Les «les généraux à la poubelle», «Dawla madania machi askaria» (un État civil et non pas militaire) et autres «Istiqlal, Istiqlal…» (Indépendance, indépendance…), slogans-phares du Hirak, disparaitraient et laisseraient place aux «One, two, three, viva l’Algérie».

Mais, rapidement, il revient sur terre et se rappelle que l’Algérie n’a pas autant de stades homologués par la CAF pour accueillir 24 équipes et que la seule pelouse «valable», celle du stade Mustapha Tchaker, ressemble à un champ de patates. Cette comparaison aurait fait hausser des épaules Chengriha en d’autres temps. Mais les patates sont un sujet d’une actualité brûlante en Algérie. Affirmer que Tchaker ressemble à un champ de patates pourrait transformer ce stade en lieu de pèlerinage pour des centaines de milliers de citoyens qui ne connaissent pas les subtilités de la rhétorique. Et Chengriha d’imaginer des bouchons interminables, une foule compacte marchant d’Oran, d’Annaba, de Tamanrasset vers le stade de Tchaker, devenu le temple fertile de cette denrée précieuse: la pomme de terre. En somme, une Marche verte pour célébrer la patate. Quelle honte ça serait, car dans la tête du cabrane en chef de la junte, comparer une marche massive à une Marche verte est un affront qu’il ne pourrait pas supporter.

Alors, il se dit ce n’est pas tant que ça un drame si le Maroc avec ses stades de Casablanca, de Rabat, de Marrakech, d’Agadir, de Fès, de Tanger et de… Laâyoune, peut facilement organiser la CAN. Pour le moment, il faut parer au plus urgent et gagner à tout prix les barrages qui conduisent à la Coupe du monde du Qatar. Car le foot est devenu un autre sujet épineux pour Chengriha. Depuis qu’il a brandi la Coupe arabe des nations de la FIFA, le Makhzen, aidé par les experts de l’entité sioniste, a diffusé le message que l’équipe algérienne de football ne connaîtra plus de victoire.

Chengriha a porté la poisse à l’équipe algérienne en frottant ses mains moites contre le trophée gagné à Doha. Chengriha, le man7ouss! Ah, non, il ne faut pas laisser s’installer ce message chez le peuple algérien. La junte a rendu particulièrement le peuple perméable aux sortilèges, mauvais œil et aux porte-malheurs. Chengriha sait que les ennemis du pays des chouhadas affirment qu’il est un porte-malheur. Il maudit le jour où il a pris cette photo. Il maudit ses conseillers qui n’ont pas su le prévenir sur le fait que la junte a parfaitement réussi à rendre le peuple superstitieux.

Si l’Algérie n’arrive pas à battre le Cameroun, il sera très difficile à Chengriha d’effacer son image de Man7ouss. Il faudrait changer de logiciel et bannir des chaines de télévision toutes les émissions qui diffusent la culture de la superstition et les remplacer par des débats sur le triomphe de la rationalité et l’apologie de l’esprit scientifique. Ca sera dur de transformer Ennahar ou Echourouk en chaînes qui défendent la rationalité scientifique! 

Et c’est en visualisant l’équipe nationale algérienne disputant son match de barrage contre le Cameroun, au stade Mustapha Tchaker, que Chengriha sent soudainement un liquide chaud couler tout au long de ses jambes. Son incontinence urinaire en est presque réconfortante!

PS: ceci n’est que fiction… ou presque.

Par Adil Azeroual
Le 15/02/2022 à 14h11