Interview360. Khalilou Fadiga: «Le Maroc est prêt à accueillir la CAN et le Mondial 2030»

Khalilou Fadiga, légende du football sénégalais . 2022 Getty Images

En visite de travail au Maroc aux côtés d’Abdoullaye Fall, fraîchement nommé à la tête de la Fédération sénégalaise de football (FSF), Khalilou Fadiga, légende du football sénégalais, a pris le temps de s’exprimer pour Le360 Sport. Entre la découverte des nouvelles infrastructures, la relation entre le Sénégal et le Maroc scellée par une rencontre avec Fouzi Lekjaa, président de la FRMF, et son regard sur l’impact du nouveau bureau régional de la FIFA à Rabat, l’ancien Lion de la Teranga a fait le tour de tous les sujets. Interview exclusive avec l’un des plus grands noms du football africain.

Le 10/08/2025 à 16h49

Vous êtes actuellement en visite au Maroc. Quelle est votre impression sur les infrastructures sportives que vous avez pu voir, notamment en perspective de la CAN 2025?

Ayant eu l’opportunité de visiter les installations sportives au Maroc, mon impression est extrêmement positive, notamment en vue de la CAN 2025. J’ai pu constater une véritable expertise marocaine dans le domaine. Les infrastructures de Tanger, comme le Stade Ibn Batouta, sont impressionnantes, alliant modernité et fonctionnalité. On ressent un investissement significatif non seulement dans la construction de nouvelles installations, mais aussi dans la rénovation et la mise à niveau des stades existants, afin de les rendre conformes aux normes internationales les plus strictes.

Cette vision stratégique, soutenue par des projets comme le Complexe Mohammed VI de Football, démontre une réelle volonté du Maroc de se positionner comme un leader dans le développement du sport sur le continent africain. L’attention portée aux détails et la qualité des équipements me donnent l’assurance que le pays est parfaitement équipé pour accueillir une compétition de l’envergure de la CAN.

Selon vous, le Maroc est-il prêt à accueillir la compétition sur tous les plans — logistique, sportif et organisationnel?

Oui, le Maroc est prêt à accueillir la CAN et même le Mondial 2030 sur tous les plans. Sur le plan logistique, le pays possède déjà des infrastructures de transport solides, avec des aéroports modernes, un réseau autoroutier bien développé et une ligne de TGV connectant les principales villes. L’offre hôtelière est également de qualité et en constante expansion. Sur le plan sportif, les investissements massifs dans les infrastructures, notamment le Complexe Mohammed VI de Football, et la rénovation de plusieurs grands stades sont des atouts majeurs. Le succès de l’équipe nationale au Qatar a également démontré la passion et le niveau de jeu du pays. Enfin, sur le plan organisationnel, le Maroc a une expérience avérée dans l’organisation de compétitions internationales, telles que la Coupe du Monde des clubs, et son partenariat avec l’Espagne et le Portugal apporte une expertise organisationnelle et une synergie inestimables.

Votre pronostic pour la CAN 2025?

Victoire du Sénégal en finale Inshallah.

Si vous deviez aujourd’hui parier sur deux nations finalistes pour cette CAN, lesquelles choisiriez-vous et pourquoi ?

Mon souhait serait de retrouver les deux meilleures équipes au classement de la FIFA (Maroc et Sénégal) se retrouver en finale.

Comment décririez-vous les relations actuelles entre la Fédération royale marocaine de football et la Fédération sénégalaise? Y a-t-il des projets de coopération ou des échanges techniques prévus entre les deux instances?

Les relations entre la Fédération royale marocaine de football et la Fédération sénégalaise de football sont à la fois historiques, fraternelles et solidement ancrées sur les plans culturel et sportif. Lors de ma récente visite au Maroc aux côtés de M. Abdoulaye Fall, tout juste élu président de la FSF, M. Fouzi Lekjaa, président de la FRMF, lui a adressé ses chaleureuses félicitations, saluant la profondeur des liens entre les deux pays et leur coopération exemplaire, notamment dans le football. De son côté, M. Fall a exprimé sa gratitude pour l’accueil chaleureux reçu, salué le leadership du Royaume dans le développement du football africain et réaffirmé sa volonté de bâtir un partenariat d’exception. Les deux parties ont convenu de créer une commission conjointe chargée d’élaborer une feuille de route ambitieuse visant à renforcer les liens et à faire rayonner le football africain.

«Fini les longs déplacements vers le siège de Zurich, grâce au bureau FIFA à Rabat»

La FIFA a ouvert un siège régional à Rabat. Selon vous, quelle valeur ajoutée cela peut-il apporter au développement du football africain?

L’ouverture du bureau de la FIFA à Rabat (Siège régional de la FIFA, ndlr) constitue une avancée stratégique majeure. Ce bureau régional, que j’ai eu l’opportunité de visiter et qui sera le deuxième en Afrique après celui de Dakar, est spécifiquement dédié au développement du football sur le continent.

L’installation de ce bureau régional à Rabat, au-delà de la symbolique, apporte une plus-value concrète pour le développement du football en Afrique, avec plusieurs axes majeurs, dont la proximité et l’efficacité de ce bureau, qui permettra à la FIFA d’être plus proche des fédérations africaines, en particulier celles d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Cela facilitera les échanges, la mise en œuvre des programmes de développement et la résolution des problèmes spécifiques à la région. Fini les longs déplacements vers le siège de Zurich, ce qui rend les processus plus rapides et plus efficaces.

Ce bureau sera un centre névralgique pour la formation des entraîneurs, des arbitres, des administrateurs et des experts techniques. Il pourra organiser des séminaires, des stages et des ateliers adaptés aux réalités africaines, permettant ainsi de renforcer les compétences à tous les niveaux du football. Un meilleur encadrement technique et administratif est un pilier essentiel pour faire progresser les championnats locaux et les équipes nationales.Il jouera un rôle clé dans la gestion et la supervision des projets d’investissement de la FIFA en Afrique. Il sera en mesure d’accompagner les fédérations dans la construction et la rénovation d’infrastructures sportives (stades, centres d’entraînement, terrains de proximité). Un meilleur suivi sur le terrain garantit que les fonds alloués sont utilisés de manière optimale et servent réellement au développement du football à la base.

En tant qu’hôte de ce bureau, le Maroc pourra partager son expertise et son savoir-faire, acquis grâce à ses propres programmes de développement du football et ses infrastructures de pointe comme le Complexe Mohammed VI de Football. Ce transfert de compétences bénéficiera à d’autres pays africains, favorisant une croissance mutuelle.

L’ouverture de ce siège (régional, ndlr) à Rabat renforce l’image de l’Afrique en tant que continent central dans la stratégie de la FIFA. Cela attire également l’attention sur le potentiel du football africain et peut inciter de nouveaux partenaires et investisseurs à s’intéresser au marché local. En somme, ce bureau est plus qu’un simple lieu physique ; il représente un outil stratégique de la FIFA pour dynamiser et professionnaliser le football africain. Il permet de transformer les ambitions de développement en actions concrètes, en s’appuyant sur une présence locale forte et une meilleure compréhension des besoins du terrain.

Pensez-vous que cela puisse renforcer la visibilité et le poids du continent dans les instances mondiales?

Oui, l’installation d’un bureau régional de la FIFA à Rabat renforce indéniablement la visibilité et le poids de l’Afrique dans les instances mondiales. En choisissant le Maroc comme second pôle africain, la FIFA reconnaît le dynamisme et l’expertise du football local, et par extension, l’importance stratégique du continent. Ce bureau servira de plateforme pour une collaboration plus étroite, permettant aux fédérations africaines de faire entendre leur voix plus directement et plus efficacement sur les questions de développement, de gouvernance et d’organisation. Cela favorise une meilleure représentativité et offre un canal privilégié pour que les préoccupations et les ambitions du football africain soient prises en compte au niveau décisionnel mondial. Cette présence physique symbolise une relation de partenariat renforcée, marquant une nouvelle ère où l’Afrique n’est plus seulement un marché, mais un acteur central dans les stratégies et les décisions de la FIFA.

Achraf Hakimi figure parmi les nominés au Ballon d’Or 2025. Selon vous, quelles sont ses chances réelles de figurer sur le podium, voire de remporter ce trophée ?

Achraf Hakimi a des chances réelles et légitimes de figurer sur le podium du Ballon d’Or 2025. Sa saison historique, marquée par ses statistiques offensives exceptionnelles pour un défenseur et son rôle clé dans la victoire du PSG en Ligue des Champions, a fait de lui l’un des favoris. La probabilité qu’il remporte le trophée reste faible, car le prix est souvent attribué à des joueurs dont les statistiques offensives sont plus marquantes. Toutefois, il est un candidat sérieux au podium, et sa candidature est une reconnaissance de sa saison exceptionnelle.

Plus largement, que manque-t-il aujourd’hui aux joueurs africains pour rivaliser régulièrement avec les grands favoris dans ce type de distinctions?

Ce qui manque le plus souvent aux joueurs africains pour rivaliser régulièrement avec les grands favoris du Ballon d’Or se résume en quelques points clés. D’abord, le manque de compétitions de haut niveau constantes en Afrique, comparé à l’exposition médiatique et au niveau des clubs européens, limite leur visibilité et la perception de leurs performances. Ensuite, les joueurs africains évoluent majoritairement dans des championnats européens, où la concurrence est féroce pour le Ballon d’Or. Souvent, la compétition continentale africaine, la CAN, se tient en milieu de saison, ce qui peut désavantager les joueurs par rapport à leurs coéquipiers européens qui se préparent pour la Ligue des Champions. Enfin, bien que les mentalités évoluent, il existe encore un biais dans les critères de vote et la médiatisation, qui favorisent historiquement les grands clubs et les joueurs des championnats européens les plus puissants.

Par Magda Soltani
Le 10/08/2025 à 16h49