Le peuple algérien a célébré, comme il se doit, le sacre des Fennecs en Coupe arabe des nations. Une victoire qui tombe à point nommé pour un régime à la dérive, qui a instrumentalisé ce titre pour calmer les ardeurs d’un peuple au bord de l’implosion.
D’abord, les coéquipiers de Youcef Belaïli ont été accueillis à l’aéroport «Houari Boumediene» par le premier ministre, Aymen Benabderrahmane et plusieurs membres de son gouvernement, avant que le président, Abdelmadjid Tebboune, n’organise une réception en l’honneur de l’équipe.
Jusque-là, rien de très choquant. Tous les chefs d’Etats reçoivent les champions de leur pays qu’ils soient footballeurs sacrés avec les équipes nationales ou athlètes couronnés aux Jeux olympiques.
Seul hic, le patron de la cérémonie n’était pas le locataire du palais d'El Mouradia, mais le chef d'état-major de l'armée algérienne Saïd Chengriha. Fier comme un paon, le vieux général, dont le palmarès est toujours vierge en matière de victoires militaires, a reçu le trophée de la Coupe arabe des mains de Belaïli, qui a quasiment snobé le président fantoche. Un lot de consolation pour un éternel looser, qui a perdu toutes ses batailles et se faisant même prisonnier durant la guerre d’Amgala par les FAR. Une sacrée fessée qui restera dans les annales.
Mieux: tout semblait parfaitement orchestré à la seule fin de permettre à Chengriha de brandir le trophée. Quelques secondes avant que Belaïli ne lui remette la coupe, Salah Goudjil, 91 ans, président du Sénat, l’homme qui devrait assumer la période transitoire en cas de disparition du président, et qui est donc la deuxième personnalité sur papier de l’Etat algérien, a été prié de déguerpir pour ne pas parasiter la photo de Chengriha avec le trophée. Quand il a brandi la coupe, le chef d’état-major a eu un rire nerveux, un rire incontinent, difficile à qualifier, mais qui est diamétralement opposé à la retenue dont devraient faire preuve des hommes qui dirigent des troupes.
Ce cliché, qui résume la situation d’un régime pour qui le football est une arme de guerre, rappelle les figures de l’extrême gauche sud-américaine qui profitaient du ballon rond pour accroître leur pouvoir.
C’était le cas des dictateurs militaires au Brésil entre 1964-1985, qui s’appropriaient chaque victoire de la Seleção des Pelé, Garrincha et autres Zico.
Ou encore des présidents argentins qui ont pris le pouvoir après la guerre des Malouines contre le Royaume-Uni. Alfredo Oscar Saint-Jean et Reynaldo Bignone se sont tous affichés aux côtés de la star de l’Albiceleste à l’époque: Diego Armando Maradona.
El Pibe de Oro a d’ailleurs souvent flirté avec les plus grands dictateurs de la région tels Hugo Chavez, ancien président vénézuélien, Evo Morales, ancien président bolivien et Fidel Castro, ancien président cubain. Ces chefs d’État, figures de l’extrême gauche sud-américaine, utilisaient la légende argentine pour s’attaquer aux États-Unis et leur doctrine capitaliste.
Cette méthode d’exploiter les footeux à des fins politiques a montré ses limites, mais la junte militaire algérienne continue de l’utiliser, prouvant une fois de plus que le régime qui dirige le pays est faible, dépassé, quasiment préhistorique.
Pour revenir un peu au foot, les caporaux algériens ressemblent de plus en plus à certaines WAGs (acronyme de Wives And Girlfriends, «épouses et petites amies»). Ils ne font rien de leurs journées, profitent des richesses de leurs partenaires (l’argent des hydrocarbures) et se ruent pour prendre des selfies dès qu’il y a une victoire à célébrer.
La photo de Chengriha avec le trophée a le mérite de nous informer sur l’état d’esprit qui règne dans le régime qui cherche désespérément à célébrer une victoire. Preuve de la précipitation de la junte à arracher un sacre à n’importe quel prix: la photo de Chengriha avec l’équipe de football a été d’abord publiée par l’agence officielle APS avant d’être supprimée et remplacée par celle de Tebboune. L’un des rares hommes, encore sensés dans le régime, a dû alerter sur le caractère indécent de cette photographie.
Ce cliché a aussi le mérite de nous rappeler combien le slogan-phare du Hirak dit vrai: «un Etat civil et non pas militaire».