L’Équipe nationale vit un paradoxe troublant: elle domine, impose son rythme, étouffe parfois son adversaire, mais peine toujours à terminer ses actions. Kaabi, En-Nesyri, Igamane… autant de noms qui donnent tout, qui courent, qui pressent, mais qui se retrouvent trop souvent loin de la zone où tout se décide.
Face à ce blocage offensif récurrent, une hypothèse s’impose: et si le Maroc s’approchait malgré lui d’un modèle similaire à celui de l’Espagne 2010, c’est-à-dire un football sans véritable 9? La structure actuelle du jeu marocain pousse presque naturellement vers ce schéma.
L’équipe actuelle de Walid Regragui se construit autour d’un milieu central extrêmement dense, véritable moteur de l’animation offensive. Sofyan Amrabat verrouille l’axe et orchestre la première relance. Neil El Aynaoui multiplie les courses verticales et le pressing agressif. Azzedine Ounahi, lui, reste l’artisan de la lumière: conduites incisives, appuis courts, ruptures imprévisibles. Ce trio concentre la majorité des actions.
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Dans un tel système, le jeu penche naturellement vers l’intérieur, au détriment d’un avant-centre traditionnel rarement servi dans des zones favorables. C’était exactement la logique de la Roja en 2010, où Busquets, Xavi et Xabi Alonso dictaient le tempo, laissant l’attaquant glisser vers les zones périphériques.
Dans les faits, à l’exception d’Ezzalzouli, l’Équipe nationale n’utilise presque jamais de véritables ailiers. Brahim Diaz opère comme un meneur excentré, réceptionnant constamment dans le demi-espace. À gauche, les Ben Seghir, Rahimi, El Khannouss et autres Saibari, présentent la même tendance: rentrer, combiner, densifier le carré axial.
Ce schéma rappelle furieusement le fonctionnement espagnol où Iniesta, Pedro ou David Villa attaquaient rarement depuis la ligne de touche. Le terrain était élargi par les latéraux, pas par les excentrés.
Et si on assumait enfin le faux 9?
L’une des signatures du Maroc actuel, c’est Achraf Hakimi, même s’il est forfait pour ce rassemblement et incertain pour les premiers matchs de la CAN. Latéral, ailier, piston, créateur: il occupe à lui seul un couloir entier.
À gauche, le latéral doit faire de même: fixer haut pour libérer les zones intérieures.
Ce recours quasi exclusif aux latéraux pour étirer le bloc adverse s’inscrit parfaitement dans la logique espagnole de l’époque. Plus l’axe est chargé, plus la largeur doit venir d’ailleurs.
Kaabi, En-Nesyri et Igamane touchent peu de ballons, souvent dos au jeu, avec deux défenseurs dans le dos. Ils terminent souvent isolés, à contre-rythme d’un jeu qui s’organise sans eux.
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Ce n’est pas un problème d’efficacité: c’est un problème de rôle. La question devient alors claire: pourquoi persister avec un avant-centre classique dans un système qui n’est pas conçu pour lui?
Puisque la structure rappelle celle de la Roja, pourquoi ne pas en embrasser le principe fondateur: un attaquant mobile, plus meneur que finisseur.
Le Maroc joue déjà comme une version hybride de l’Espagne 2010, plus verticale, plus instinctive.
Alors pourquoi ne pas aller au bout de la logique? Pourquoi s’acharner à chercher un «grand 9» quand le jeu tend vers une attaque en mouvement, fondée sur l’échange, la permutation et la technique?
Et si la réponse à la crise de finition n’était pas un homme… mais une idée?








