L’honneur d’un Capitaine

Achraf Hakimi

Ceci est une lettre ouverte à Achraf Hakimi après le verdict du Ballon d’Or. Elle a pour objectif non pas de le consoler d’une déception légitime, après une campagne médiatique au profit du lauréat Ousmane Dembélé, un Hakimi bashing pernicieux ou encore un classement peu conforme à ses performances, mais plutôt de l’assurer du soutien total et inconditionnel de ses compatriotes en prévision d’échéances beaucoup plus importantes que cette distinction individuelle.

Le 24/09/2025 à 10h17

Querido Achraf,

Je me permets de commencer cette lettre avec ce mot de la langue de Cervantès que tu maîtrises à merveille. Je voulais avant tout t’expliquer toute mon admiration pour ton parcours professionnel, ton attitude sur et en dehors du terrain et ta fidélité sans faille au maillot des Lions de l’Atlas.

Je me souviens, cher Achraf, d’un dîner que nous avions partagé au Santiago Bernabéu en février 2017. À l’époque, la Peña Casa Madridista fêtait son anniversaire en présence du président Florentino Pérez. Tu faisais partie des invités d’honneur de ce moment solennel. C’est dire la fierté que ressentaient les compatriotes réunis ce soir-là. Tu étais dans l’antichambre de l’équipe première du Real, mais les convives présents avaient perçu ton potentiel, apprécié ton humilité et prédit que tes valeurs allaient te mener très loin.

Ces valeurs, je les ai perçues très tôt. Je me souviens t’avoir découvert lors d’un match des jeunes du Real en 2015. Tu avais toute la panoplie technique du latéral moderne. Tu avais déjà ce coffre physique qui te permettait d’arpenter inlassablement ton côté droit. Quelques mois plus tard, j’ai eu le privilège de recueillir tes impressions après ta première convocation en sélection. C’était à Praia, quelques minutes seulement après le coup de sifflet final du match Cap-Vert-Maroc comptant pour les éliminatoires de la CAN 2017. Ce soir-là, pour le baptême de feu d’Hervé Renard, tu regardais depuis la tribune tes coéquipiers avec des yeux de Chimène. Quelques mois plus tard, tu faisais tes grands débuts en match officiel.

Pour la postérité, le match Maroc-Mali correspondrait à ton baptême footballistique. Ce soir-là, à deux heures du coup d’envoi, j’ai pu voir à quel point la bénédiction de tes parents comptait pour toi. Plus tard, en faisant quelques recoupements à propos de ce moment de partage, j’ai su que tu avais ressenti le besoin de te rassurer auprès des tiens et d’accumuler le maximum d’énergie positive.

Enfin, je me rappelle d’un ultime épisode qui peut davantage rapprocher ta personnalité du grand public. En mai 2018, à la veille de la finale de la Champions League Real-Liverpool, tu avais demandé et obtenu le drapeau marocain, histoire de l’arborer fièrement en cas de succès du club merengue.

Ces anecdotes partagées résument à elles seules ta personnalité. Depuis, tu as réalisé une carrière exceptionnelle. De ton Erasmus à Dortmund, à ton master à Milan en passant par ton doctorat footballistique au Parc des Princes. Ta carrière en club est un modèle du genre, et ton rendement sur le terrain fait de toi le meilleur joueur marocain de tous les temps.

Ces dernières semaines, j’ai pu échanger avec des personnes proches de ton entourage. Elles m’ont fait part de ton ambition d’accrocher au moins le top 5 du Ballon d’Or. Cette fois-ci tu n’as pas été loin du compte, même si j’ai pu percevoir un zeste de scepticisme de la part de ceux avec qui tu as partagé ton ressenti. Je le comprends parfaitement car tu t’es battu tout seul, ou presque, pour revendiquer ton ambition légitime. Tu as affronté une machine médiatique implacable qui portait à bout de bras ton coéquipier Dembélé. Tu as certainement compris qu’il fallait aussi mettre en avant d’autres noms moins méritants, genre Raphinha ou Salah, pour mieux contrer tes aspirations.

Cher Achraf, maintenant que le verdict a été prononcé, il va falloir tourner la page et rebondir. Je pense que tu as obtenu un premier zeste de solidarité de la part de Nayef Aguerd et Bilal Nadir. L’image est d’une beauté et d’une sincérité dignes de tous les éloges. Pendant que la diva 2025 fêtait son sacre, mérité ou pas, toi, le stakhanoviste du rectangle vert, tu recevais au Vélodrome une double consolation de la part de tes vrais amis. Ces derniers connaissent Achraf le joueur et l’homme, et ils savent qu’ils ont besoin de lui à 100% de ses moyens pour les challenges les plus importants de notre histoire.

Querido Achraf, les joueurs nobles comme toi ont ce credo: les titres collectifs valent beaucoup plus que les récompenses individuelles, surtout si tout un peuple les attend depuis un demi-siècle. En effet, toute une génération de Marocains a entendu parler de la CAN 1976.

Les plus férus d’histoire ont recueilli des témoignages de leurs parents qui ont suivi les matchs derrière un transistor. Ils ont d’une façon ou d’une autre été bercés par ces souvenirs par procuration. Les plus curieux, et j’en fais partie, sont allés recueillir les propos des héros d’Addis-Abeba. Toi-même tu as récemment rencontré les Zahraoui, Tazi, Guezzar, Smiri and co. Tu as pu découvrir leur saga et mesurer l’ampleur de la tâche qui t’attend en tant que capitaine des Lions de l’Atlas.

Oui cher capitaine, si tu accomplis cette mission tu seras notre héros ad vitam aeternam. Tu donneras ainsi quelques moments de bonheur à un peuple qui t’admire et qui te considère à jamais comme son Ballon d’Or.

Par Amine Birouk
Le 24/09/2025 à 10h17