Pourtant, ça promettait d’être une belle soirée. Malgré qu’il ait été placé sous haute surveillance, le quart de finale retour de la CAF Champions League entre le Raja de Casablanca et Al Ahly du Caire a viré au cauchemar.
Quelques heures avant le coup d’envoi de ce classique africain, une jeune femme de 29 ans a perdu la vie aux abords du complexe Mohammed V.
Le soir de la tragédie, une enquête a été ouverte pour apporter les éclaircissements nécessaires dans cette affaire, déterminer les responsabilités de chacun ainsi que les mesures nécessaires pour que de tels incidents ne se reproduisent plus à l’avenir. Mais pour quel résultat?
Au final, et sans toucher au fond du problème, seront accusés les supporters venus sans billet ou avec de faux billets, la direction des Verts pour avoir vendu plus de 17.000 abonnements en début de saison, ou encore Casa Events pour sa gestion catastrophique du stade de la métropole.
Les autorités de la ville vont-ils encore cacher le soleil par un tamis et oublier la vraie source de toutes les catastrophes survenues à «Donor»: le stade lui-même?
Les membres de Casamémoire, les nostalgiques et surtout les fraudeurs, vont nous ressortir mille et une excuse pour ne pas fermer cette enceinte historique. Calmez-vous! Cela n’a rien d’une démarche de démystification du stade où ont été écrites des pages mémorables du football national.
Le complexe casablancais est devenu une bombe à retardement qui menace la sécurité publique. Vendredi, c’était la pauvre Nora. Il y a quelques années, en 2016, des violences entre supporters lors d’un match Raja-CRA ont fait deux morts et des dizaines de blessés. Chaque derby ou presque, les riverains du stade (commerçants comme habitants) se bunkérisent. Doit-il y avoir des dizaines de victimes pour que les autorités prennent, enfin, une décision inéluctable: fermer le complexe Mohammed V et doter Casablanca d’un nouveau stade?
Sa position au centre d’un quartier à la fois commerçant et résidentiel, au cœur de Casablanca, comme Maarif le rend inadéquat à accueillir les dizaines de milliers de passionnés de football dont le nombre a considérablement augmenté avec l’essor démographique de la métropole. À chaque match du Raja, du Wydad ou de l’équipe nationale, les riverains retiennent leur souffle, les commerces ferment et la circulation y est bloquée. Plusieurs villes au monde, telles Madrid, Cardiff, Milan ou Londres ont des stades en plein centre, mais les infrastructures ne sont pas les mêmes et ces stades ont été réfléchis pour être logés au cœur de ces villes avec toutes les commodités qui en facilitent la jouissance.
Dans lesdites villes, les stades sont entourés de stations de métro ce qui facilite la dispersion des supporters après chaque rencontre. Une procédure gérée par des milliers de stadiers et supervisée par les services de l’ordre, contrairement au Maroc où les stadiers se comptent sur les doigts d’une main et placés généralement à la tribune VIP.
C’est une réalité: à Casablanca, assister à un match est un vrai parcours de combattant. Un supporter passe des heures pour trouver son ticket sur les sites de vente en ligne dédiés. Doit se rendre au stade, un jour à l’avance, pour récupérer le précieux sésame qu’il pouvait imprimer chez lui. Le jour J, il passe un temps interminable dans les files d’attente pour entrer. Et une fois à l’intérieur, il est privé du minimum syndical: les toilettes. Les sanitaires existants sont insuffisants au vu des capacités d’accueil du stade qui commence à se faire vieillot.
Ce dernier a été inauguré en 1955 avec une capacité de 30.000 pour une population de 700.000 habitants. Il a été rénové en 1983 et sa capacité est passée à 80.000 places sans les sièges et à cette époque la métropole comptait quelques 2 millions d’habitants. Aujourd’hui, le nombre de Casablancais s’est presque multiplié par 6 depuis 1955 (4 millions) et le stade ne peut contenir que 45.000 supporters en comptant les sièges de la zone 6, menacée d’écroulement et fermée depuis plusieurs semaines.
Le Maroc est candidat pour l’organisation de deux évènements footballistiques majeurs, la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du monde de la FIFA 2030. Soyons honnêtes, le stade d’honneur ne mérite pas de figurer dans les deux dossiers de candidature.
Les Bidaouis ont longtemps cru au projet du nouveau stade, annoncé tantôt à Bouskoura, tantôt à Benslimane ou à Lahraouine, mais qui malheureusement n’a jamais vu le jour. La faute à qui? À des élus qui n’arrivent pas à oublier leurs querelles et servir l’intérêt général? A l’impéritie dans la gestion des affaires de la ville? Aujourd’hui, il est urgent de prendre une décision qui sauve des vies: fermer cette plaie à Casa qui fait office de stade de foot.